Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
JES6 - Pour une France Juste, Ecologique et Sociale

Ce blog rassemble mes idées et constitue une modeste pierre pour bâtir une alternance en 2022.

Matignon: l'enfer, d'après ses locataires

Le titre du livre de la journaliste, Raphaëlle Bacqué, en dit déjà beaucoup sur son contenu: avec "L'enfer de Matignon" (photo), publié par Albin Michel, la journaliste au Monde signe un livre d'entretiens avec douze anciens premiers ministres. Parmi ceux encore en vie, seul Jacques Chirac, qui n'accepte pas facilement de se confier sur sa si longue et intéressante carrière politique, a refusé de s'entretenir avec elle pour évoquer les années correspondant à ses ses deux passages à Matignon. Même si certains ont du se laisser convaincre de la nécessité de témoigner, comme Dominique de Villepin, ou même François Fillon, et si d'autres ont pu témoigner avant de disparaître, comme Pierre Mesmer ou Raymond Barre, tous ont pu raconter quelques anecdotes sur leur propre expérience et disserter sur le rôle d'un premier ministre de la Vème République. Pour eux, Matignon, "c'est une enfer": l'expression, donnée par Michel Rocard lors de ses entretiens, résume l'expérience de chacun de ces douze protagonistes.

Invitée du journal de 13 heures de France 2, mercredi midi, Raphaëlle Bacqué a cité les quatre principales conclusions auxquelles elle a pu parvenir: 1- l'arrivée à Matignon est d'abord vécue comme le paroxysme d'une carrière politique au cours de laquelle les protagonistes ont tous souhaité devenir chef de gouvernement, avant d'être une épreuve politique difficile. A cela une explication principale: quelles que puissent être les relations d'amitié du président avec son premier ministre (comme Mitterrand avec Mauroy ou Chirac avec Raffarin), un partage des rôles entre les deux personnages s'instaure, systématiquement au détriment du chef de gouvernement. Celui-ci hérite de tous les dossiers les plus impopulaires et aux conséquences les plus délicates, dont le président - qui se garde les décisions les plus populaires - ne peut tirer aucun bénéfice politique ; 2- pour beaucoup des interrogés, Matignon n'aura d'ailleurs pas été le tremplin voulu. Pour eux, Matignon est un tremplin, au mieux vers l'Elysée, au pire vers d'autres responsabilités de premier plan. Et les faits le prouvent: jamais un premier ministre sortant n'a remporté un scrutin présidentiel (voyez Balladur en 1995 ou Jospin en 2002). Sortir de Matignon est vécu comme une épreuve difficile, la journaliste parlant d'une "dépression post-Matignon", qui expliquerait les réticences de Villepin à s'exprimer quelques mois après la fin de sa mission ; 3- à l'exception de trois d'entre eux, à savoir Edouard Balladur, Lionel Jospin et François Fillon, ces anciens responsables rappelent qu'ils ne s'étaient pas préparés à la fonction et, qu'une fois en place, ils ont constaté l'archaïsme de l'administration française à la tête de laquelle ils venaient d'être propulsés.

La dernière des conclusions de Mme Bacqué évoque les conditions dans lesquelles travaille un premier ministre. Avec l'exemple de Jean-Pierre Raffarin, elle rappelle que ce poste étant envié, celui qui en est le titulaire est constamment sur un siège éjectable: le premier premier ministre du second mandat de Jacques Chirac n'hésite pas à rappeler qu'il a beaucoup souffert des inimitiés dans son propre camp, plus de la moitié des membres de son gouvernement étant contre lui, ne se cachant pas que son départ pourrait profiter à l'un de ses deux rivaux, Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy, pour lesquels ils "roulaient". Autre difficulté: l'obligation qui leur est faite d'agir vite, de prendre des décisions bien souvent assez peu populaires dans la cadre d'un emploi du temps qu'ils ne maîtrisent pas toujours, conduit certains d'entre eux à regretter l'impuissance qui caractérise la fonction. "Si j'avais eu une demi-journée de plus pour réfléchir, j'aurais sans doute pris des décisions bien différentes" confie ainsi Pierre Mauroy. Sentiment partagé par Alain Juppé qui, héritant des dossiers chauds et devant prendre des décisions rapidement sans avoir à céder face aux revandications, considère que son action était vouée à l'échec. Dès lors, le rôle de premier ministre ne semble pas enviable; la question se pose donc de savoir s'il est efficace de maintenir cette fonction. En clair, supprimer le poste de chef de gouvernement pour donner plus de liberté d'action aux ministres et faire du président le décideur et le reponsable de toutes les décisions, bonnes ou mauvaises, de son gouvernement. Bilan: un livre qui s'annonce passionnant et que je me suis empressé de commander dès que j'en ai connu l'existence. Peut-être cet article vous aura-t-il donné envie de le lire également ! Et, en attendant, vous pouvez laisser vos impressions en postant un commentaire ci-dessous.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article