Raymond Aubrac dans l'Aisne

13 Novembre 2007

Ce mardi, dans le cadre du programme d'histoire de la classe de première, deux collègues de mon lycée ont eu l'excellente idée d'inviter Raymond Aubrac, célèbre résistant, marié à la non moins célèbre résistante Lucie Aubrac, décédée le 14 mars dernier et à qui la Nation a rendu un hommage appuyé à l'occasion d'obsèques célébrés aux Invalides (photo). Ces deux grandes figures de l'opposition au régime de Vichy et à l'occupant nazi pendant la Seconde guerre mondiale ont entrepris, depuis plusieurs décennies, au nom du devoir de mémoire, de sillonner la France à la rencontre de jeunes, collégiens ou lycéens, pour raconter leur histoire personnelle et donner à cette Résistance, que l'on connaît en fait si mal, une nouvelle dimension. Avoir face à soi un des derniers grands résistants, pouvoir lui poser des questions et partager ses émotions aura été un grand moment de l'année scolaire pour les élèves et les enseignants ! Et je ne peux m'empêcher de vous le faire partager car, au cours de la conférence qu'il a donné dans l'amphithéâtre du lycée, M. Aubrac a distillé quelques remarques particulièrement intéressantes sur l'actualité.

Agé de 94 ans, né le jour de l'assassinat de Jean Jaurès (31 juillet 1914), à la veille de la première guerre mondiale, il aura pris une part importante dans la Résistance intérieure entre 1940 et 1945: plusieurs fois prisonniers, interrogés par la Gestapo et évadés, il a côtoyé quelques personnages exceptionnels, qui ont laissé leurs noms dans l'histoire de notre pays. C'est lui qui a rencontré le premier Jean Moulin lorsque celui-ci a été envoyé par le général de Gaulle pour fédérer les mouvements de résistance dans la région de Lyon. Il a été nommé par le général de Gaulle commissaire régional pour l'actuelle région PACA au lendemain du débarquement de Provence pour administrer et reconstruire la région. Il a témoigné lors du procès de Klaus Barbie, le chef de la Gestapo à Lyon qu'il a côtoyé chaque matin pendant près d'une semaine, au moment d'une de ses détentions, pour participer à sa condamnation à mort par contumace.

Pendant près de trois heures, Raymond Aubrac aura raconté à des jeunes de 16-17 ans son histoire personnelle, les rôles que sa femme Lucie et lui ont joué pendant cette période, toujours avec une pointe d'humour... en plus des faits historiques qu'il a raconté avec brio, il a donc eu plusieurs fois l'occasion, soit dans ses récits, soit dans ses réponses aux questions d'élèves, de parler de l'actualité. 1- évoquant la libération de la France après les débarquements de l'été 1945, il expliquait comment les Américains avaient préparé l'administration de la France (des personnalités s'étaient répartis les focntions de gouverneurs, de préfets...) qu'ils s'apprêtaient à "occuper". Il en a profité pour regretter que l'Amérique de Bush n'ait pas pris les mêmes précautions avant d'aller "envahir" l'Irak. 2- répondant à une question d'élève, il a évoqué l'affaire de la lettre de Guy Moquet en se disant favorable à sa lecture, à condition qu'elle intervienne dans le cadre d'une séance complète permettant d'expliquer le contexte émotionnel, personnel et historique de sa rédaction. Il a par ailleurs rappelé que cette lettre était certes belle et remplie de valeurs universelles, mais qu'elle n'était pas non plus les plus représentatives pour explqiuer à des jeunes ce qu'a été réellement la résistance. Bien d'autres textes, dont certains ont été écrit par Guy Moquet, auraient mérité la mêe "publicité".

De cette rencontre, les élèves retiendront sans doute mille fois plus que de la lecture de la lettre de Guy Moquet... c'est une expérience humaine très enrichissante, d'autant plus que les témoignages et anecdotes livrées rendent l'histoire plus attractive pour des jeunes qui, parfois, s'en désintéressent... alors que c'est l'une des matières qui permet de réfléchir sur le présent !
PS. Je publierais une des photos de Raymond Aubrac dans l'amphithéâtre du lycée, dès qu'elles seront disponibles.