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JES6 - Pour une France Juste, Ecologique et Sociale

Ce blog rassemble mes idées et constitue une modeste pierre pour bâtir une alternance en 2022.

Nos retraites méritent bien un débat

Jeudi soir, alors qu'Envoyé spécial consacrait une émission particulière au drame d'Haïti, TF1 diffusait trois épisodes de "Alice Nevers, le juge est une femme" dans le cadre de ses soirées "policier du jeudi". Dans le premier épisode, un recruteur était retrouvé assassiné dans son appartement. La coupable: la fille de son patron qui vivait mal le fait de ne pas être aussi considéré par son père que cet homme (qu'il prenait pour son fils) et qui était, circonstance aggravante, séropositif. Au cours de l'enquête, les preuves s'accumulaient contre le suspect idéal: un quinquagénaire qui venait d'échouer à l'entretien d'embauche que la victime lui avait fait passer. Cet homme, marié et père d'une adolescence, avait été licencié un an plus tôt et passer ses journées hors de sa maison pour faire croire à ses proches qu'il continuait de travailler. Tout ceci n'est qu'une fiction, mais elle souligne, fort opportunément, un problème auquel notre pays est confronté: les séniors (autrement dit, les plus de 45 ans) sont frappés par un taux de chômage particulièrement préoccupant. Bizaremment, ce sont les personnes les plus expérimentées qui peinent à retrouver du travail, après avoir été licenciées d'une entreprise. La raison est simple: ils coûtent trop chers car l'expérience est, fort heureusement, rémunérée ! Le phénomène est de plus en plus marqué: à l'occasion des plans sociaux, les plus âgés sont mis en pré-retraite (avec des primes de départ qui pourraient couvrir plusieurs années de travail) et ne retrouvent plus d'emplois. Et, dans le même temps, jamais la France n'a connu autant de retraités exerçant une activité à temps partiel pour compléter la maigre pension qu'ils touchent, malgré une vie de travail. C'est à partir de ce constat que je souhaite ouvrir, sur Jes6, ce débat sur les retraites sur lequel le gouvernement ne dira aucun mot avant les régionales... de peur d'aggraver la défaite qui lui est annoncée.
 
Sur la forme, d'abord. Manuel Valls, député-maire d'Evry, qui se distingue, au sein du PS, par sa volonté d'interdire le plus largement possible le port de la burqa dans tout l'espace public, a appelé à la tenue d'un grand débat national sur les retraites... dans l'espoir de voir gauche et droite se rejoindre sur un projet consensuel. Son voeu? Que cette unanimité permette de sauver, durablement, ce qu'il y a de meilleur dans un système qui vacille depuis plusieurs années... tout en réformant ce qui doit l'être. Je ne saurais dire mieux. Mon propre souhait? Que cette réforme Sarkozy ne soit un remake ni de la réforme Fillon, ni de la réforme Balladur. Or, à droite, ce sont ces deux réformes qui sont brandies en exemple. La première, réalisée par l'actuel premier ministre, à l'époque où il avait encore sa place dans le gouvernement de Jacques Chirac, était tellement bien pensée que, cinq ans plus tard, une nouvelle refonte du système est nécessaire. C'est la faute à la crise, me diront certains. Certes. Mais, cela signifie aussi que la réforme de 2004 n'était pas suffisamment profonde et audacieuse pour lui résister. Quant à la seconde, réalisée sous la cohabitation (en 1994), elle fut adoptée, en catimini, par une Assemblée très largement acquise au gouvernement de l'époque, en pleines vacances d'été. Bref, même si le chef de l'Etat souhaite s'inspirer - malgré sa promesse d'une rupture avec l'avant 2007 - des mesures que chacune de ces deux réformes contenaient (et il en a le droit), il faut qu'il invente une autre méthode pour la concevoir. En clair, pour sauver notre régime de retraite (c'est l'objectif officiellement affiché par l'Elysée), il ne faudra ni se contenter d'une réformette qui risquerait d'être balayée par la prochaine tempêcte économique, ni d'une adoption sans débat public. Un sujet aussi important suppose une confrontation des points de vue, aussi bien entre partis politiques qu'avec les syndicats, pendant un laps de temps suffisamment long pour que le texte final ne se limite pas à un projet tombé du haut de l'Elysée et enregistré par la majorité !
 
Depuis plusieurs semaines, par la voix de Xavier Darcos ou de Claude Guéant, la présidence répète que l'enjeu est trop important pour que l'année 2010 ne se termine pas par l'adoption de cette réforme-phare du quinquennat. On ne peut donc que souhaiter que Nicolas Sarkozy mette tous les sujets (sans exception) sur la table et qu'il accepte d'entendre les propositions que formulerait l'opposition (en se contentant de saluer le pas de Martine Aubry qui a reconnu que l'âge légal de départ à la retraite ne pourrait pas rester indéfiniment à 60 ans !). Or, pour qu'elle soit réussie, cette réforme ne devra surtout pas faire l'impasse sur un sujet, fondamental: la prise en compte de la pénibilité. C'est assurément l'élément central qu'opposition et syndicats auront à coeur de mettre sur la table. Pour que le système soit à la fois pérenne et juste, il faut qu'il soit équitable. Or, il est évident que tous les métiers ne se valent pas. Les écarts de salaires qui peuvent exister entre l'ouvrier de base, qui use sa santé dans des activités pénibles et répétitives, et les employés de bureau, qui cumule bonnes conditions de travail et responsabilité, constituent déjà une injustice. Je ne remets pas en cause la nécessité de distinguer, par les salaires, les individus en fonction de leur niveau de responsabilité et le niveau d'études qu'ils ont du atteindre pour parvenir au niveau de qualification correspondant. Mais, il faut aussi que, face à la retraite, ceux qui, une fois atteint le seuil des 60 ans, ont une espérance de vie réduite, du fait de leurs conditions de travail, puissent bénéficier d'une pension suffisamment confortable pour ne pas avoir à cumuler retraite et petit job. Or, actuellement, avec les dispositifs de retraite complémentaire qui sont offerts aux salariés (par les banques, par exemple), l'écart entre les pensions touchées par ces deux catégories de la population est encore accentué dans la mesure où ce ne sont pas les ouvriers, avec leurs salaires tout juste suffisants pour nourrir leur famille, qui peuvent mettre de l'argent de côté. A partir de ce constat, il est donc impératif que notre système, basé sur la solidarité entre les générations et les individus, participe à réduire cet écart.
 
La réforme à venir devra donc proposer un système qui soit conforme au modèle social français (chacun participe à son financement selon ses moyens et reçoit une pension couvrant ses besoins) et dont les moyens de financement auront été suffisamment modifiés (et innovants) pour en garantir la pérennité. Partant de ce constat, la proposition de créer une sorte de capital-retraite individualisé, inspiré de modèles nordiques, me semble tout à fait pertinente... et mérite d'être débattue. Le principe est simple: chaque individu, tout au long de sa carrière, accumule des points en fonction du niveau de son salaire, de la durée qu'il a passé à travailler et, une fois atteint l'âge de départ à la retraite (qui devrait être repoussé à 62 ans), d'autres points s'y ajouteront en prenant en compte l'espérance de vie de la personne ainsi que la pénibilité du (des) métier(s) qu'elle a exercé. Dans ce système, la solidarité permet de relever le niveau des retraites des plus vulnérables grâce à un supplément de points pour ceux qui n'en auraient pas cumuler beaucoup au cours de leur carrière (en travaillant dans des secteurs, à tort, sous-évalués). Bref, quelles que soient les propositions qui seront faites, et d'où qu'elles viennent, il faudra prendre le temps de les examiner et de faire en sorte que les citoyens s'en emparent. L'objectif ultime étant, à mes yeux, de consolider un édifice qui a été considérablement fragilisé par la crise financière. Aller, comme les plus libéraux le préconisent, vers un système de retraites géré par des organismes privés ou chacun cotiserait uniquement pour soi, ne me semble pas souhaitable. Parce que choisir cette voie, c'est aller dans le sens inverse de la réforme du capitalisme, telle qu'elle s'amorce (de manière très désordonnée, comme les initiatives d'Obama - seul dans son coin - le montrent). Ni le chacun pour soi, ni la loi du plus fort - qui ont mis par terre des pans entiers de notre économie - ne sont souhaitables pour stabiliser un système de retraites à travers lequel notre avenir (individuel et collectif) se joue. Sarkozy semble avoir compris que les systèmes de solidarité amortissaient les chocs liés aux crises mondiales. J'attends donc de lui (et je ne suis pas le seul) qu'il les renforce... Voilà un test qui pourrait déterminer l'orientation (et la popularité) de la seconde partie de son quinquennat.
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