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JES6 - Pour une France Juste, Ecologique et Sociale

Ce blog rassemble mes idées et constitue une modeste pierre pour bâtir une alternance en 2022.

Affaire EDF-Veolia: un drôle d'imProglio !

A l'occasion d'un déjeuner de famille, mon père me demande: "Comment gagnes-tu par an, environ?". Je lui réponds: "à peu près 19 000€". Il prend alors sa calculatrice et me réplique: "Eh bien, mon pauvre, il va falloir que tu vives jusqu'à 108 ans, sans arrêter de travailler, si tu veux gagner, en une vie, ce que Proglio va se faire en un an !". Aussi impertinente que soit cette démarche qui vise à comparer le salaire d'un grand patron et celui d'un SMICard, cette approche a le mérite de poser la bonne question: un PDG de l'envergure de Proglio vaut-il 84 fois mon mérite? Est-il moral d'accorder à un homme (sous prétexte qu'il n'en existe que très peu de sa trampe) un salaire qu'un Français moyen - un employé moyen de l'entreprise qu'il préside, par exemple - mettra une vie à obtenir? Quand on voit les réactions qu'a suscité l'auto-révalorisation du salaire du chef de l'Etat, qu'aurait-on dit si cet "argent de poche" présidentiel avait atteint de tels sommets?... Mais, au fond, cette affaire ne fait que révéler des choses que nous connaissons: 1- l'écart salarial qui peut exister entre un homme politique (pour le coup, Sarko est, en tant que Président de la République en exercice, unique) et un grand patron (y compris d'une entreprise publique) illustre le fait que le premier n'ait finalement que très peu de prises sur le second. Ou l'on voit que la politique n'influence pas l'économie... mais bien l'inverse. Et l'affaire Proglio (j'approfondirai plus loin) en est l'illustration parfaite; 2- en conséquence, plus que la quête de responsabilités et de respectabilité, ces "meilleurs d'entre nous" ne cherchent qu'une chose: l'argent. Encore et toujours cet argent-roi qui sert d'étalon à la réussite personnelle et professionnelle. Pour des personnes comme moi qui n'en font pas une priorité, je suis bien plus heureux de ne gagner "que" 19 000 € par an (même si un salaire plus conséquent ne me déplairait évidemment pas !) et être là où je suis. Il n'en demeure pas moins qu'en tant que citoyen, attaché à la justice sociale, ces écarts me répugnent. Et qu'il me semble donc légitime de vouloir le réduire.
 
Prenons un exemple concret. L'affaire Proglio, au-delà du fait qu'elle intervient dans un contexte de crise économique - qui ne permet pas d'assurer l'avenir de tous les citoyens français -, marque le début d'une année 2010... au cours de laquelle le (nécessaire) débat sur l'avenir de nos retraites devrait être engagé. Proglio-chez-EDF.jpgPourquoi le faire remarquer? En quittant la direction de Veolia, M. Proglio (photo) obtient un avantage non négligeable: son ancienne entreprise a provisionné 13,1 millions d'€uros pour alimenter sa retraite-chapeau !! A l'heure où le système des retraites menace de s'enfondrer, sous le poids de la sa dette cumulée, on s'apprête à demander aux Français des sacrifices non négligeables: travailler plus longtemps, cotiser davantage, percevoir moins, constituer un petit pécule personnel, etc. La collision de ces deux faits est tout aussi malheureuse que le fait de comparer le niveau de la dette de la Sécurité sociale avec le montant total des exonérations de charges accordées aux entreprises (les deux sommes étant équivalentes). Qu'en concluera un Français moyen, soucieux d'améliorer son sort personnel et réceptif aux arguments d'un Besancenot? Que l'Etat fait des cadeaux aux entreprises... qui creusent les déficits des organismes publics de solidarité... déficit qui pèse, au final, sur les ménages ! On voudrait opposer les citoyens aux grandes entreprises du CAC 40, dont les pratiques partent encore à la dérive, qu'on ne s'y prendrait pas autrement. Et l'affaire Proglio en est un exemple d'autant plus pertinent que la cupidité de cet homme, dont la compétence n'est pas en cause (puisque unanimement reconnue), est révélée. Le brave Henri, qui gagnait bien sa vie dans l'entreprise privée Veolia (comme le montant de sa retraite le montre), a réclamé à l'Elysée un salaire au moins équivalent en prenant la tête d'EDF. Conséquence? Parce qu'il serait un patron aux talents exceptionnels, il fait bondir de 40% le salaire du PDG d'EDF (en comparaison avec ce que touchait Pierre Gadoneix, son prédécesseur) qui avait déjà, sous la présidence de ce dernier, progresser de 25%. Une croissance que les salaires du commun des mortels ne sont pas prêts de connaître...
 
Et on touche là au fond de l'affaire. A ce qu'il y a de plus choquant. Le fait que l'Etat, représenté par M. Sarkozy, ne soit pas capable de défendre l'intérêt général et le sens de l'Etat face à la cupidité des capitaines d'industries. Car, si l'on met de côté l'opposition de principe (dont on peut mesurer le poids !) de Mme Lagarde, le chef de l'Etat a cédé à toutes les exigences d'Henri Proglio. Ce monsieur voulait un salaire digne de sa personne? Accordé. Pour cela, il demande à conserver la présidence, non-exécutive, de Véolia pour compléter son revenu d'EDF? Accordé. L'Elysée ne lui a rien refusé... preuve que l'économie dicte sa loi au politique. Quand on sait que le locataire de l'Elysée se veut le pourfendeur des excès du capitalisme qui ont conduit à la crise que nous traversons, il y a vraiment de quoi rire... ou pleurer !! Des salaires astronomiques, des super-bonus (sans véritable relation avec la performance des entreprises), des parachutes dorés (en cas de licenciement par manque de résultats) ou des retraite-chapeaux (qui garantissent la survie du patron et de ses descendants): ne sont-ce pas, là, quatre excès d'un capitalisme qui creuse les inégalités entre les citoyens? La compétence et le niveau de responsabilité des dirigeants peuvent-ils justifier de tels écarts? Franchement, avec toutes ces affaires, il faut que nous y réfléchissions. Et que nous concentrions nos discussions sur le cumul des fonctions. Pourquoi ce qui choque dans l'arène politique (le cumul des mandats) ne choque-t-il que très peu dans le monde des affaires? Car, comme le font remarquer les représentants des actionnaires, presque tous les grands patrons d'une entreprise (publique ou privée) sont présents dans de multiples conseils d'administration. La raison officielle: ils veulent faire profiter ces entreprises, parfois concurrentes, de leur expérience ! La raison officieuse: avec les jetons de présence au sein de ces réunions décisionnelles, il complète le revenus de quelques milliers d'€uros supplémentaires. Et ces pratiques sont d'autant plus choquantes qu'elles sous-entendent quà l'intérieur de ces groupes, et en dehors de ces "hommes d'exception", il n'existe pas suffisamment de talents pour prendre leur place.
 
Certains disent: plus que la rémunération de M. Proglio (qui a tout de même refusé de perdre du pouvoir d'achat en passant du privé au public), c'est la double-casquette de Proglio qui est choquante. C'est vrai, dans la mesure où la double casquette engendre la double rémunération. Autrement dit: en renonçant à sa rémunération chez Veolia, le fond du problème n'est pas réglé... puisque M Proglio reste présent dans la direction de Veolia. Cette double-fonction ne serait que transitoire affirment les ministres chargés d'éteindre l'incendie. Elle doit permettre à Veolia d'effectuer la transition dans de bonnes conditions, explique, de son côté, Nicolas Sarkozy. En fait, l'explication est toute autre: la troisième exigence de Proglio, c'est d'opérer un rapprochement entre les deux entreprises afin de bâtir, sur le modèle de GDF-Suez, un nouveau géant dans le domaine énergétique. C'est donc une privatisation rampante d'EDF qui est en marche... sauf que l'Etat a mis la charrue avant les boeufs. Plutôt que de reconnaître ce rapprochement comme une perspective possible (ce qui provoquerait un tollé bien plus marqué), l'Elysée a donc choisi une autre option: imposer à la tête d'EDF (alors que d'autres noms, comme celui d'Henri Guaino, circulaient) le patron de Veolia, concepteur du rapprochement entre les deux entités, pour que celui-ci se réalise "en douceur". Mais, l'opinion publique, souvent sous-estimée par nos dirigeants, n'est pas stupide. Et, avec une opposition qui a bien joué son rôle, le pouvoir en place a été contraint de reculer. C'est la seule bonne nouvelle de cette affaire: sous la pression, Sarko et compagnie ont du faire quelques concessions... Quelques mois après l'affaire du prince Jean, qui a suscité les mêmes mécanismes: une décision venue d'en haut mais contraire aux valeurs qui fondent le pacte républicain "à la française"... et sur laquelle l'Elysée est contrainte de reculer face à l'hostilité non dissimulée des citoyens, relayée par l'opposition parlementaire. "Une révolution" titrait Marianne, cette semaine. En tout cas, la preuve que les Français sont attachés à une certains éthique, qui échappe complètement à ceux qui ont le pouvoir... et croient pouvoir en (ab)user comme ils l'entendent !

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