8 Avril 2010
Depuis le 19 mars dernier, l'actualité internationale devrait être, à mon sens, dominée par la situation au Proche-Orient. Et pourtant nos médias parlent d'autres choses, toutes aussi importantes. Le coup d'Etat au Niger a fait l'objet de quelques brèves, le temps de constater qu'un président légitime avait été renversé par un putsch organisé par l'armée. Les militaires ont kidnappé le président Mamadou Tandja et plusieurs minitres, au Palais présidentiel, à la sortie du Conseil des ministres, prenant ensuite possession des lieux. Ils annonçèrent la suspension de la Constitution, la dissolution de tous les organes politiques et leur intention de rétablir la démocratie ! Pendant quelques heures, nous avions pu suivre l'évolution de la situation en direct... tout en attendant une réaction indignée du quai d'Orsay contre ce coup de force. L'attente fut si longue (et vaine) que d'autres faits (comme la réélection contestée du président togolais) reléguèrent le Niger dans les tréfonds de l'actualité internationale. Il faut dire que, contrairement au Honduras (qui vécut la même situation avec l'éviction du président légitime Zelaya), le Niger est un allié de poids pour la France... ne serait-ce que pour la richesse (en uranium) de ses sous-sols. Depuis, même si plusieurs initiatives auraient pu propulsé le dossier israélo-palestinien sur le devant de la scène, c'est plutôt le coup d'Etat au Kirghiztan, où l'opposition au régime du président Bakiev (arrivé au pouvoir après la révolution des Tulipes de mars 2005, au cours de laquelle il prit les plein-pouvoirs, cumulant ceux de Président et de Premier ministre) a pris le contrôle des lieux de pouvoirs, contraignant le chef de l'Etat à l'exil, qui fait la "une". Ce jeudi, on a aussi assisté à la démolition, par des tractopelles, du Palais présidentiel de Port-au-Prince, fragilisé par le séisme de janvier dernier.
Maudit soit donc le Proche-Orient qui se fait constamment doubler par d'autres évènements ! Non content d'être le théâtre d'un conflit de plusieurs décennies, qui empêchent la stabilisation de toute une région (dont le potentiel de dangerosité est pourtant bien supérieur aux Balkans d'avant 1914), le conflit israélo-palestinien ne semble plus intéresser médias et diplomates. Peut-être faudrait-il une nouvelle "guerre de Gaza" pour leur faire comprendre que la situation est toujours aussi périlleuse, voire beaucoup plus précaire qu'il y a un an... Heureusement, Marianne ne s'y est pas trompée qui publie, depuis la mi-mars (et le coup de gueule du Quartet), au moins deux textes (un article et un communiqué d'une personnalité, comme par exemple Eli Barnavi) sur ce dossier. Sans compter les caricatures de la presse étrangère, reprise par l'hebdomadaire français: comme celui-ci, tirée du International Herlad Tribune, montrant une table de négociations avec un Américain, un Palestinien et une chaise vide... destinée à l'Israélien qui est en train de creuser la tombe du Proche-Orient. Tout le monde aura compris que cet engin symbolise la poursuite de la politique de colonisation mise en place par le gouvernement de Jérusalem... comme un pied de nez à une communauté internationale bien fade !
Date-charnière: le 19 mars dernier, le Quartet (réuni à Moscou) a tapé du poing sur la table exigeant d'Israël que la politique de colonisation de quartiers de Jérusalem-est soit interrompue et qu'un calendrier de négociations soit mis sur pied afin d'espérer un réglement du conflit d'ici à deux ans. Mettons de côté la virulence des propos de Mme Ashton, Haute représentante de l'UE... pour nous concentrer sur les propos des autres responsables du Quartet. Mais, avant de poursuivre, ne recherchez pas les propos de la commissaire aux affaires extérieures: elle a évidemment brillé par son invisibilité (malgré sa présence physique autour de la table). Je m'arrête là, sinon je vais déverser un flot de propos pas très gentils pour nos politiciens européens... tant cette UE sans vision qu'ils construisent m'insupporte ! Aux côtés de Mme Ashton, la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, et le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-Moon (enfin !), n'ont pas fait les choses à moitié. Les propos ont été durs. Les critiques à l'égard du gouvernement Netanyahu, qui fait pire que mettre de l'huile sur le feu en ce moment, ont fusé. On attendait depuis si longtemps que la communauté internationale se fâche pour faire comprendre à l'Etat hébreu qu'il ne peut pas continuer à faire n'importe quoi.
Nous voilà donc arrivés à un stade où les choses devraient bouger:
1- le ministre français des Affaires étrangères a, récemment, soumis l'idée d'une proclamation unilatérale d'un Etat palestinien dans les prochaines semaines pour donner un sérieux coup de semonce à son voisin israélien. Le président Sarkozy a immédiatement désavoué son chef de la diplomatie, considérant que cette option finirait de radicaliser la droite israélienne au pouvoir. Crainte que partage le leader palestinien, Mahmoud Abbas. Et pourtant, les arguments en faveur d'un tel acte méritent d'être examinés: l'apparition d'un Etat à part entière mettrait les deux "partenaires-adversaires" sur un pied d'égalité légal et mettrait, enfin, le gouvernement de Tel-Aviv devant ses responsabilités;
2- pour le moment, les Etats-Unis continuent d'observer. Barack Obama, fort de son Nobel, reçu à la suite du discours du Caire (comme une main tendue au monde arabe), n'ose pas encore franchir le pas de désavouer son partenaire israélien. Et pourtant, la Maison-Blanche a les dernières cartes en main: en faisant pression sur Netanyahu, dont il ne partage pas les vues, le président américain obligera le chef de gouvernement israélien à choisir entre deux options: perdre sa coalition droitière et faire la paix avec l'appui de Washington; se mettre à dos toute la communauté internationale tout en radicalisant son discours avec ses partenaires d'extrême-droite... et conduire son pays à la guerre avec ses voisins. A priori, à moins que le personnage soit encore plus stupide que ce qu'il laisse apparaître, il devrait choisir la sagesse de la première option. D'où la nécessité de ne rien lâcher.
Entre toutes ces options, on peine à voir laquelle conduira à une pacification des relations israélo-palestiniennes. Quoi qu'il en soit, le Quartet (et son porte-parole fantôme, M. Blair, sans doute trop occupé par ses conférences au million d'€uro la journée !) ne doit rien lâcher: une conférence de paix, avec plusieurs réunions étalées sur un an à un an et demi maximu, doit régler les questions de fond (tracé des frontières, statut de la ville de Jérusalem, etc). Faute de quoi le drame que nous redoutons depuis des années finira par se produire. D'ici là, deux choses sont déjà certaines: Obama a entre les mains un dossier majeur qui pourrait le consacrer comme Prix Nobel de la paix à part entière (après la signature d'un traité avec le président russe Medvedev sur les arsenaux nucléaires); où est l'UE?