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JES6 - Pour une France Juste, Ecologique et Sociale

Ce blog rassemble mes idées et constitue une modeste pierre pour bâtir une alternance en 2022.

Réussites et limites de la réforme Pécresse

Juillet est, traditionnellement, la période des inscriptions dans les lycées et à l'université pour les lauréats du Diplôme National du Brevet ou du Baccalauréat. Cette année, le mode d'intégration dans les établissements a été modifiée, pour mettre fin à des situations plus que critiquables. Prenons le cas du lycée: jusqu'à présent, les élèves indiquaient des voeux de préférence, en classe de 3ème, pour se rendre dans tel ou tel lycée et, faute de place pour accueillir tout le monde, il revenait aux proviseurs de choisir leurs élèves... avec la tentation, bien compréhensible, mais au fond inacceptable (car inéquitable), de refouler les élèves en provenance de collèges difficiles. Ceux-là mêmes qui pourraient (notez l'usage du conditionnel !) poser problème. Cette situation, évidemment très fréquente dans les grandes villes, où les collégiens demandaient prioritairement les lycées bien côtés, ne concerne que peu la province où les capacités d'accueil des lycées généraux est suffisante pour accueillir les collégiens qui ne choisissent pas la voie professionnelle. Cette année, le système semble, en théorie, plus juste: un logiciel (l'informatique, toujours l'informatique !) attribue à chaque élève des points (en fonction de son lieu de résidence, ses résultats au collège, sa situation familiale - par le biais de l'éligibilité aux bourses qui aident les enfants de familles défavorisées) et réalise un classement prenant en compte les voeux des collégiens. La répartition se fait ensuite en fonction du nombre de places disponibles dans chaque lycée. Sauf que, comme le dénonce la présidente de l'association des "Parents en colère" de Paris, dans Marianne (n° 638 du 11 juillet, p. 38), "le fait d'être un bon élève rapporte moins de points que le fait d'être boursier. Du coup, des élèves boursiers avce 9 de moyenne entrent à Fénélon, mais pas ma fille qui a 14,5 !". Bref, on en vient à se battre pour entrer dans tel ou tel lycée... et, comme dans le système de la discrimination positive, ceux qui sont refoulés faute d'entrer dans les critères se rebellent.
 
Autre exemple: l'entrée en faculté. Cette année marque aussi l'entrée dans un nouveau système, lui aussi informatisé, qui permet aux lycéens de Terminale de formuler jusqu'à 36 voeux d'affectation en université en indiquant un ordre de préférence. Ce logiciel ("admission post-bac") regroupe par ailleurs tous les résultats de l'élève en question puisque les enseignants, en plus des bulletins scolaires papier, doivent aussi, à l'issue du second trimestre, indiquait la moyenne de l'élève et valider une appréciation. Un travail supplémentaire, que j'ai effectué cette année, qui accroît la charge de travail en dehors des heurs de cours... Mais, au fond, le problème n'est pas là car, pour l'administration comme pour nos jeunes, le système simplifie grandement les choses. Par rapport à l'époque où, jeune bachelier, je devais fournir à la Fac des quantités de photocopies (bulletins scolaires de 1ères et Terminales, attestation de recensement et de la JAPD, livret de famille...). Avec ce logiciel, les rectorats peuvent répartir les nouveaux bacheliers dans les établissements qu'ils ont choisi, en faisant un maximum de déçus. Ces derniers étant plutôt ceux qui, rechignant à faire plus de trois voeux, se les voient refuser... et sont alors envoyés dans une fac lointaine où ils ne veulent pas aller. Et là encore, les parents crient à l'injustice, comme la mère de Charles qui, dans Le nouvel observateur (n°2330 du 2 juillet, p. 70), croit que "contrairement à ce qui nous a été dit, les universités regardent les dossiers scolaires et choisissent leurs étudiants. En fait, c'est une sélection qui ne dit pas son nom". De fait, cette pratique est facilitée par l'informatisation des demandes: le logiciel permet une comparaison plus facile des demandeurs et, faute d'amphis extensibles, les facs les plus réputées, très demandées, doivent refouler bon nombre de postulants. Or, il faut bien des critères. Faut-il en venir au 1er arrivé, 1er servi?
 
Ces deux exemples concrets montrent une première chose: la réforme Pécresse - sur l'autonomie des universités, dont un volet comprend la simplification des démarches administratives - est effectivement un pas en avant. Tout ce qui permet la simplification des parcours - ces passerelles collège-lycée ou lycée-études supérieures - et l'introduction d'une plus grande dose d'équité (même si le résultat n'est pas encore parfait) va dans le bon sens. Et il faut s'en réjouir. Tout en se donnant les moyens de combattre toutes possibilités de fraude, tant l'outil informatique est vulnérable (ce que le recomptage des notes du Bac français en Ile-de-France prouve de manière éclatante). Mais, au-delà de cela, se pose une question bien plus profonde, que la ministre ne devra pas éluder: faut-il officialiser une politique de sélection à l'entrée en lycée et en université? Bref, ce que font les écoles d'ingénieurs, les classes prépa ou les BTS, doit-il être généralisée, c'est-à-dire n'accepter que les jeunes dont le profil correspond à la formation proposée? Faut-il créer des entretiens d'embauche mesurant la motivation du jeune pour participer à ladite formation et s'engager dans la voie professionnelle correspondante? Je crois que, compte-tenu du taux d'échec en 1ère année de fac - qui n'est pas forcément une mauvaise chose -, la question mérite d'être posée. Et, personnellement, j'y serais plutôt favorable. Plus qu'une sélection qui empêche le libre choix, auquel je suis attaché, un tel système limiterait les risques d'engager un jeune dans une voie qui ne lui correspond pas. Car, quand les places sont limitées, il est tout aussi injuste de voir un jeune peu motivé - qui abandonnera peut-être au bout de deux ans pour changer d'orientation - prendre la place qu'un jeune, peut-être moins bon de par ses résultats, mais plus motivé à réussir ! Car, entre le lycée et le monde universitaire, il y a un gouffre: dans le premier, vous apprenez des tas de choses, utiles à votre formation de citoyenneté et qui vous permettent de choisir votre future voie, mais dont la plupart seront finalement inutiles pour votre vie professionnelle; dans le second, vous ne travaillez que sur les sujets que vous aimez. Un lycéen peut donc sortir du lycée avec un Bac sans mention et gagner ses diplômes universitaires avec mentions. La sélection sur les sels résultats antérieurs n'apparaît donc pas comme pertinente.
 
Dès lors, que faire? Partir d'un deuxième constat: le Bac tel qu'il est aujourd'hui n'a plus de sens. J'en reviens au traditionnel débat sur la valeur de ce diplôme, censé être le premier diplôme universitaire. Le Bac, tout comme le Brevet - et c'est de notoriété publique -, ne sanctionne pas véritablement le niveau d'un élève (qui ne se résume pas à ses notes dans l'année, mais à sa capacité de réflexion ou sa motivation pour progresser): j'ai ainsi toujours été choqué de voir des élèves ayant des capacités mais ne travaillant pas avoir leur Bac, parfois avec mention, et d'autres, particulièrement motivés, bosseurs mais avec des possibilités moins développées, devoir passer le rattrapage au risque de ne pas décrocher le sésame... Je ne parle pas de mes élèves, cette année. Mais, c'est une impression que j'ai depuis 2003, année au cours de laquelle je l'ai moi-même passé et j'ai vu des élèves de ma classe ne pas l'avoir malgré les efforts et les progrès qu'ils avaient accompli, à force de motivation. Il en découle que le Bac ne sert donc pas à opérer cette sélection qui, de fait, se réalise à l'issue de la 1ère année d'université. Car, selon les principes républicains de base, qu'il faut évidemment respecter, tout bachelier a le droit d'entrer en 1ère année. Sauf que l'écrémage entre des élèves motivés, pas forcément bons partout, et ceux qui ont des facilités mais qui ne produisent aucun travail personnel se réalise au bout d'un an. Cela a l'avantage de privilégier les premiers au détriment des seconds. Mais, pour ces derniers, le Bac n'a d'autre utilité que leur faire perdre une année de leur vie. Et, alors que la retraite s'éloigne de plus en plus, un an perdu, c'est énorme ! Il est donc plus qu'urgent de faire en sorte que Brevet et Bac redeviennent de véritables outils sanctionnant des capacités et marquant les étapes d'une parcours professionnel cohérent. Plus que le niveau des élèves qui baisse - ce qui, à mon avis, est totalement faux -, c'est la baisse des exigences à l'Education nationale qui est en cause. La preuve? Les sujets donnés cette année aux élèves de Terminale (relisez mon article sur ce sujet en cliquant ICI). Que faire? Soutenir M. Chatel dans la nécessité d'une réforme profonde, et CONCERTEE, du collège et du lycée. Vite !!
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M
Consernant les inscriptions informatisés, je veux vous faire part d'un autre problème de ce système.Aujourd'hui, si un lycéen souhaite poursuivre sa scolarité dans son lycée, il doit demander sa réinscription. Mais s'il ne le fait pas à temps, c'est l'Intelligence (ou la Stupidité ?) Artificielle qui décide qui va où. Ainsi, le lycéen peut se retrouver à l'autre bout de son département alors qu'il habite en face de son lycée ! L'Intelligence Artificielle vise à simplifier le travail de l'Homme, voire à le remplacer (ce qui provoque du chômage, et tout ce qui va avec) ; mais encore faudrait-il que le travail soit fait correctement ! Les nominations par IA sont un exemple de ce que les machines ne sont pas capable de faire, ici, le travail (et surtout l'Intelligence) de l'Homme est indispensable.
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A
<br /> Bien, merci de cet exemple pertinent, Matthieu.<br /> <br /> On voit bien ici que les critères qui attribuent des points aux lycéens sont, disons, "bancals". La proximité géographique, qui devrait être un critère important, notamment pour les familles les<br /> moins aisées (pour lesquelles un internat à l'autre bout du département, sans compter les frais de déplacement, représentent des sommes importantes), passe loin derrière. Or, il est compréhensible<br /> que tous les lycéens de France veuillent aller dans le lycée de leurs potes... et ne pas en changer en cours de scolarité.<br /> <br /> L'esprit de la réforme est intéressant, mais le résultat est vraiment décevant.<br /> <br /> <br />