1 Juillet 2012
L'année scolaire se termine... et, demain, viendra le temps des corrections du Brevet. En histoire-géo, nos élèves de 3ème ont été interrogés sur la 1ère guerre mondiale (pour comparer la vie des hommes au front et des femmes à l'arrière) ou sur la puissance de l'Union européenne (en montrant qu'à 27, les Etats européens forment la 1ère puissance économique et commerciale du monde !). Côté éducation civique, année électorale oblige, le sujet les obligeait à réfléchir sur le rôle et les pouvoirs du Président dans les institutions de la Vème République (avec une photo de Sarko en Afghanistan). Enfin, l'épreuve d'histoire s'achevant par une épreuve de repères, il fallait citer les dates de trois événements (l'Hégire en 622, la Déclaration des Droits de l'Homme en 1789 et le droit de vote des femmes en 1944) et nommer six repères géographiques sur un planipshère (trois océans et trois des plus grands Etats du monde, à savoir Etats-Unis, Chine et Russie). A priori, rien de bien compliqué !!... Mais, c'est avec un carnet de notes que je partirai corriger ma quarantaine de copies, désireux de vous rapporter les quelques perles que j'aurais pu lire.
L'année scolaire se termine... et, en attendant les résultats du Brevet (qui devraient être plutôt bons car, chaque année, le taux de réussite reste inchangé !), voici deux arnaques qui entâchent mon métier. Depuis que je suis professeur (5 ans... soit depuis l'élection de M. Sarkozy en 2007), tout est fait pour avoir de belles statistiques. Les chiffres officiels ne reflètent plus le niveau de nos élèves car, année après année, alors que ce niveau baisse, les résultats restent au même niveau... sauf dans les enquêtes internationales qui confirment, année après année, que nos enfants maîtrisent de moins en moins bien ce qui semble essentiel (l'orthographe et la grammaire, le calcul mental sans calculatrice, les repères historiques et géographiques...). Ainsi, à l'épreuve de français du Brevet, l'exercice de réécriture (qui consiste à transformer un passage du texte étudié, en changeant le temps ou la personne) se résume à la modification d'une seule phrase tenant sur deux lignes... alors qu'à mon époque (j'ai passé le Brevet en 2000), le passage faisait au moins cinq ou six lignes ! Preuve que, pour avoir de bonnes statistiques et accompagner la baisse du niveau des candidats, le ministère encourage l'abaissement de la difficulté des exercices. En histoire, par exemple, plus question de poser des sujets nécessitant une réflexion: les élèves répondent à un sujet qui reprend le thème des chapitres étudiés dans l'année. Il suffit donc de réécrire le cours ! Rien de bien compliqué !!
Voilà donc deux exemples concrets qui, j'espère, ne perdureront pas sous l'actuel gouvernement de gauche:
1- La validation des compétences des élèves: depuis quelques années, les élèves ne sont plus seulement évaluées sous forme de notes, mais aussi à travers des compétences. Ainsi, au collège, les enseignants valident, à chaque exercice ou devoir, un certain nombre de compétences... sachant qu'en fin de 3ème, il faut avoir valider les 7 rubriques du Livret de compétences (français, langue vivante, informatique, mathématiques, citoyenneté...). Sans ce livret, un Brevet réussi n'est pas validé ! En théorie, ce système est plus que positif, puisqu'il atténue la crainte des notes (qui traumatisent et dévalorisent les moins bons élèves) tout en permettant aux élèves, aux parents et aux enseignants de cibler les difficultés des élèves pour leur proposer, dans l'idéal, des solutions de remédiation en travaillant, avec insistance, les compétences non validées. Malheureusement, en pratique, nous ne disposons pas des moyens pour appliquer ce principe de remédiation (à moins que les enseignants acceptent de le faire, bénévolement, en plus de leur service...). D'ailleurs, Sarkozy proposait, dans la campagne 2012, d'augmenter le temps de présence des enseignants, ce qui aurait permis de l'appliquer, sans compensation financière ! Autre bémol: après avoir évalué les compétences d'un élève, les enseignants doivent compléter le Livret en ligne... et, en fin d'année, le professeur principal peut cocher les 7 rubriques, selon le nombre de compétences validées pour chacune d'elles.
Ci-dessus, vous pouvez voir une capture d'écran sur l'application que j'utilise dans mon collège. Chaque professeur peut valider les cinq items de cet écran (exemple: reconnaître les symboles de la République française), correspondant à la compétence n°6 ("Compétences sociales et civiques"). Pour cela, il faut cocher le losange gris de la colonne de droite. Le losange de la colonne de gauche indique, lui, le nombre d'enseignants ayant validé cette compétence (ici, 0). En fin d'année, le professeur principal peut cocher la case en bas à droite: évidemment, avec aucune compétence validée sur 5, on ne peut cocher la compétence... Sauf que, sur cette page, la case a été cochée. Par un professeur principal zélé, qui applique la consigne qui consiste à valider 90% des élèves d'une classe en fin d'année... que la classe soit bonne ou mauvaise ! Ou encore par un personnel administratif, un(e) principal(e) ou un(e) principal(e)-adjoint(e) pouvant se mettre dans la peau du prof principal pour valider les élèves un peu justes... pour être sûr(e) d'avoir de bonnes statistiques. Ainsi, alors que les professeurs de cet élève n'ont pas validé les compétences qu'il ne maîtrise pas, la hiérarchie peut faire en sorte d'améliorer les résultats de l'établissement ! Au final, les statistiques publiées ne valent rien, puisqu'elles ne reflètent pas le niveau réel des élèves !
2- L'épreuve d'Histoire des Arts: depuis trois ans, les élèves de 3ème doivent passer une nouvelle épreuve, obligatoire, à l'oral, d'Histoire des Arts. Au cours de l'année scolaire, ils préparent des exposés sur des thèmes qu'ils ont choisi (cinq exposés à compter de septembre 2012) puis, en mai, ils présentent, devant un jury de deux professeurs, l'un de ces exposés (tiré au sort le jour même) lors d'un oral composé de deux parties: l'exposé proprement dit, suivi d'un entretien sous forme de questions-réponses avec le jury. Le but est de vérifier que, tout au long de sa scolarité, l'élève a acquis des compétences artistiques (connaître et reconnaître un mouvement, expliquer le contexte historique d'apparition et de développement de ce mouvement, décrire avec précision et avec le vocabulaire adapté une oeuvre d'art). Le jury attribue une note sur 40, qui compte autant que les trois épreuves finales (français, maths, histoire-géo). Dans l'académie d'Amiens, on a appris cette semaine que, pour harmoniser les notes et éviter les trop grands écarts entre les établissements (officiellement, entre les collèges où les jurys notent sévèrement et ceux qui sont trop cléments), une commission a modifié les notes attribuées. Problème: cette harmonisation a conduit à ajouter 4 points aux candidats ayant obtenu entre 16 et 20 sur 40... ce qui leur permet de franchir la moyenne, alors que le jury avait estimé que leur maîtrise des compétences n'était pas suffisante pour la leur donner. Voilà comment on trafique les résultats d'épreuves officielles... en poignardant dans le dos les enseignants, dont le travail n'est donc pas pleinement respecté ! Le changement, c'est bientôt?