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JES6 - Pour une France Juste, Ecologique et Sociale

Ce blog rassemble mes idées et constitue une modeste pierre pour bâtir une alternance en 2022.

Opération séduction au Caire

En attendant de le voir aux côtés de Sarkozy, pour la photo dont notre président rêve à la veille du scrutin des européennes, à l'occasion du 65ème anniversaire du débarquement des Alliés en Normandie, le président américain Barack Obama s'est rendu dans le camp de concentration de Buchenwald (en Allemagne) et, surtout, au Caire pour y délivrer son message tant attendu au monde musulman. Un discours qui est attendu depuis des mois, et dont il ne faut pas trop attendre, d'après les mots du locataire de la Maison-Blanche qui affirmait, avant même de s'envoler vers l'Egypte, qu'il ne s'agissait que du coup d'envoi d'une période nouvelle dans les relations américano-arabes. Et qu'il ne saurait être question de voir ces relations changées du jour au lendemain, sous le seul effet d'un beau discours. Et, assurément, ce discours a été marquant (photo): ouvrant son propos par un "salam alikoum" adressé, à travers son auditoire réuni dans une université du Caire, au monde musulman, le président américain a multiplié les références au Coran et les déclarations de bonnes intentions pour s'éloigner au maximum de ce choc des civilisations que son prédécesseur a bien failli déclencher. Or, la menace est encore très présente de voir le Proche et le Moyen-Orient s'enflammer: tels les Balkans avant la première guerre mondiale, la région pourrait être le théâtre d'un drame particulièrement meurtrier à la moindre étincelle. Or, ces dernières années, les occasions n'ont pas manqué et le constat d'une escalade de la violence est devenu d'une cruelle banalité.


Cette semaine, Barack Obama n'avait donc pas l'intention d'apporter des solutions miracle aux conflits qui touchent la région, mais venait proposer son analyse de la situation, évoquer quelques pistes en réaffirmant les bases de son projet pour le Proche-Orient... mais surtout tenter de séduire les dirigeants ainsi que les peuples musulmans, avec lesquels un lien de confiance doit être tissé. Faute de quoi aucun plan, même soutenu par les grandes puissances occidentales ou l'ONU, n'a de chance d'aboutir. Opération séduction, donc ! Et, d'après les premiers commentaires observés, le résultat est assez mitigé: la plupart des gouvernements, dans leurs réactions officielles, saluent le changement de ton et de perspective porté par les Etats-Unis, tout en réaffirmant leurs positions. Quant aux auditeurs venus écoutés l'homme le plus puissante du monde, ils semblaient eux aussi partagés à la fin du discours, certains affirmant aux médias occidentaux qu'ils attendaient de voir si les actes allaient être conformes aux paroles. Sans être véritablement méfiants, les peuples musulmans ont furieusement envie d'y croire, mais restent donc prudents. Mais, l'essentiel semble en passe d'être fait: bâtir les conditions d'un dialogue avec tous les dirigeants concernés, de près ou de loin, par la situation explosive de cette partie du monde constitue la première priorité, sans laquelle le processus de paix ne pourra pas s'engager de manière durable.
 
Un conflit qui dure depuis soixante ans, qui a débuté bien avant qu'Obama ne vienne au monde et qui empoisonne la vie quotidienne de millions de civils innocents, musulmans ou non. Le drame israélo-palestinien en est évidemment le coeur mais, changement de stratégie oblige, il n'est plus la priorité d'Obama. Le président américain, qui devrait envoyer son émissaire spécial pour la deuxième fois auprès de Mahmoud Abbas et Benyamin Netanyahu, considère que le volet iranien est désormais la pierre angulaire de la pacification de tout le Proche-Orient. Rétablir le contact avec les dirigeants iraniens, limiter le risque de les voir obtenir l'arme nucléaire (notamment en appelant à une dénucléarisation progressive du monde, comme il l'avait évoqué au moment du sommet de l'OTAN) et obtenir d'eux un soutien de nature politique pour atténuer l'extrêmisme des mouvements islamistes (le Hezbollah libanais ou le Hamas palestinien, sur lesquels Téhéran a une influence certaine), qui sont les principales entraves à la paix dans la région. Et, sur le fond comme su la forme, le message était donc très clair: il est venu dire tout le mal qu'il pensait des négationnistes, qui nient l'existence de la Shoah ou qui en appellent à rayer Israël de la carte, avant de s'envoler vers un camp de concentration allemand. Tout un symbole. Voilà donc pour le côté "ami d'Israël" que tous les présidents américains ont joué. Mais, sur ce point, Obama va moins loin que ses prédécesseurs, en rappelant au gouvernement de l'Etat hébreu (un des plus sceptiques, d'ailleurs !) que des concessions devront être faites par tous les acteurs, sous-entendant que la colonisation ne pouvait continuer.
 
Le fossé entre le locataire de la Maison-Blanche et le chef du gouvernement israélien avait été largement commenté lors de la visite du second à Washington. Obama n'avait alors pas caché son désaccord profond avec "Bibi", rappelant avec force que la paix et la sécurité pour Israël passeraient par une solution à deux Etats et le partage de la ville de Jérusalem, comme capitale des Etats israélien et palestinien. Et le président américain d'en appeler aux Etats arabes pour qu'ils mettent fin à l'impasse dans laquelle se trouve le processus de paix: pour lui, même si l'accord de 2002 peut servir de base de travail (c'est sur la proposition saoudienne qu'il s'appuie depuis quelques mois), ces Etats doivent envoyer un premier signal en normalisant, rapidement et collectivement, leurs relations avec Israël, avant même la création de cet Etat palestinien que souhaitent pratiquement tous les acteurs du dossier (UE comprise). Mais la tâche s'annonce difficile, car le ministre saoudien des Affaires étrangères a immédiatement répliqué en affirmant que "si nous [les pays arabes] faisons cela [normaliser les relations avec l'Etat hébreu] avant la restitution des territoires arabes occupés, nous aurons donné la seule carte entre [nos] mains". Bref, de longues semaines de discussion semblent encore nécessaires, alors que les pays arabes réclament que les Etats-Unis utilisent les moyens de pression, notamment financiers, dont ils disposent sur Israël pour accélérer le processus de paix. Le manque de bonne volonté serait donc à mettre du côté de Tel-Aviv (ce qui n'est sans doute pas totalement faux). Mais, tout déterminé qu'il est, Obama est-il prêt à exercer une telle pression? A-t-il l'intention de convoquer un grand sommet régional, avec tous les acteurs, dans une capitale arabe? Réponses dans les prochains mois. Le chemin est encore long !
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S
Merci Aurélien de votre réponse. Je crois aussi qu'il faut croire à ce qui donne l'impression de ne jamais pouvoir être réalisé! L'existence d'Israel est à elle seule la preuve que rien n'est impossible :-)Je vous corrigerai juste le point des "affrontements locaux", dans la mesure où cela laisserait entendre des attaques d'égale importance de chaque bord. Or, les attentats, les fusillades, les passants poignardés parce que juifs, ou les bulldozers lancés contre des bus ou des voitures civiles ne sont pas partagées entre les deux camps, mais uniquement à créditer du côté palestinien... Jerusalem est une ville juive depuis longtemps, et personnellement, je ne vois pas pourquoi on priverait un peuple du choix de sa capitale, d'autant plus que la partition de 48 n'est pas dûe à une répartition entre quartiers est-arabes et quartiers ouest-juifs, mais dûe à l'assaut mené par la Légion arabe (j'ai publié un article avec photos sur l'expulsion des Juifs de Jerusalem par la légion arabe, si cela vous intéresse).Concernant la gestion municipale, en arrondissements, j'aimerais avoir votre opinion : à supposer que les électeurs votent selon leur origine, un quartier majoritairement arabe aurait-il le droit de restreindre l'arrivée de citoyens juifs d'autres arrondissements ? Et inversement ? Faudrait-il autoriser l'installation de citoyens arabes ou israéliens non résidents à Jerusalem, sachant que cela pourrait modifier le statu quo démographique ? Si la majorité des arrondissements appartient à une majorité, pourrait-elle demander par referendum son rattachement à l'Etat voisin ?
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A
<br /> Sur les "affrontements locaux", je voulais parler, par opposition aux risques d'affrontements régionaux (avec d'autres pays voisins), de l'affrontement non résolu entre Israéliens et<br /> Palestiniens, et non d'affrontements se cantonnant à Jérusalem.<br /> <br /> Une piste à envisager: l'obligation, pour les candidats aux municipales, de proposer des listes composées d'autant de citoyens israéliens que palestiniens (une sorte de parité ethnique en quelque<br /> sorte). Ainsi, les électeurs ne pourraient que choisir une liste pour son projet et non sa nationalité.<br /> <br /> Sur le rattachement à l'Etat voisin, le statut de ville internationale, non "rattachable" à l'un des deux Etats, serait garanti par l'ONU. Et seule une résolution adoptée à l'unanimité à New York<br /> pourrait la modifier... en aucun cas un référendum. C'est presque anti-démocratique (car la décision appartient plutôt à une minorité de dirigeants qu'au peuple concerné) mais une situation<br /> aussi exceptionnelle suppose de définir des cadres stricts.<br /> <br /> J'espère avoir répondu à vos questions. Et je répète que ce n'est qu'une ébauche d'idées que je ne serai sans doute pas capable de développer davantage. En tout cas, avec de nombreux détails.<br /> <br /> <br />
S
je crois malheureusement qu'une telle solution (statut internationale et gestion administrative bipartite) ne serait pas la bienvenue autant chez les arabes (qui font de la reconquête totale d'Israel le seul objectif de l'action politique. Cf. discours de Mahmud Abbas, sans parler des autres mouvements combattants) que du côté israélien, dans la mesure où Jerusalem est à majorité juive depuis au moins plus de 150 ans (on ne dispose pas de chiffres auparavant) et que la ville n'a été divisée qu'en raison de l'offensive de la légion arabe.<br /> Si on dissocie souveraineté politique et pratique religieuse, on constate que l'ère jordanienne a été marquée par des interdictions et des destructions de lieux de cultes, tandis que depuis la réunion des deux parties de la ville en 1967, tous les cultes y sont exercés librement, et la gestion des lieux musulmans est confiée au waqf avec à sa tête le mufti, sans que les israéliens n'y interfèrent, ce qui me semble une preuve suffisante de garantie que la religion ne doit pas servir de motifs à des chantages politiques. Si les israéliens garantissent l'accès à toutes les religions, leur souveraineté politique n'est donc pas problématique. Au contraire, c'est même un impératif quand on sait que le monde musulman n'accepte pas la diversité culturelle ou religieuse (avec des exceptions relatives comme la jordanie) mais du kosovo à l'egypte en passant par l'algérie, la liberté de culte n'est qu'un voeu pieux. Les bahaies ont leur centre spirituel en israel, tandis que leurs lieux de prière sont détruits en iran ou en egypte... Donc j'aurais tendance à dire que la souveraineté israélienne est à préserver !<br /> Maintenant j'aimerais vous demander comment vous envisagez le statut internationale de la ville ? qui le garantit ? Avec quelles frontières ? l'est aux arabes et l'ouest aux juifs ? est-ce que les municipalités juives et arabes devraient être responsables respectivement de leurs compatriotes dans l'autre partie de la ville ? Est-ce que cela n'entérinerait pas la division ethnique à terme entre juifs et arabes ? Voila ce sont des pistes, mais je n'avais jamais vraiment pensé à votre solution et j'aimerais bien la comprendre ;-) Dans tous les cas, Jerusalem est à elle seule un symptome de l'impossibilité d'un processus de paix fondé sur une base strictement territoriale ou ethnique.
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A
<br /> Je ne suis pas un grand spécialiste des questions juridiques et ma proposition n'est qu'une base de réflexion, sans doute utopiques, voire peut-être irréalistes.<br /> <br /> Jérusalem deviendrait une sorte de ville neutre, n'appartenant ni à Israël ni à l'Etat palestinien, disposant d'un statut international garanti par l'ONU (qui lui fournirait par ailleurs le budget<br /> nécessaire au fonctionnement de la ville). Elle serait découpée en arrondissements, comme à Paris, à l'intérieur desquels les habitants éliraient leurs représentants... qui composeraient l'unique<br /> municipalité, mi-israélienne mi-palestinienne, de la ville entière.<br /> <br /> Comme vous le dites, il faut trouver une solution qui ne soit pas "fondée sur une base strictement territoriale ou ethnique". Mon idée est de mener une cohabitation des citoyens de deux<br /> nationalités au sein de cette ville: et, pour qu'elle soit pacifique et constructive, il faut que leurs dirigeants soient représentatifs et qu'ils soient amener à gérer ensemble, en gardant à<br /> l'esprit l'intérêt général, une ville qui a assez souffert des affrontements locaux.<br /> <br /> J'attends d'avoir votre avis sur ce sujet.<br /> <br /> <br />
S
Bonjour Aurélien!<br /> <br /> Il me semble que la difficulté, en France, pour situer Obama, vient du fait qu'on l'observe avec une sorte d'envie, d'une part, et avec un a priori anti-républicain, d'autre part. Obama est américain, et ce n'est pas le fait d'avoir appartenu à l'aile gauche du parti démocrate qui le rapproche idéologiquement d'un mode de pensée européen... Ausf peut-être en ce qui concerne l'approche étatiste des crises économiques.<br /> <br /> Donc un anti-bush, en quelque sorte, mais je pense que cela nous empêche de mesurer la réalité de son discours. La première chose, c'est qu'au US, un candidat n'est jamais qu'une vitrine, et non un leader. La gestion de l'image présidentielle est marketing, et il faudra du temps pour qu'Obama se sépare de son prompteur et de ses séances de briefing de stratégies communicationnelles... Un pion comme Bush, donc ? D'une certaine façon oui, sauf qu'Obama a la réputation d'être un homme qui se laisse aisément flatter, quand GW avait plutôt le sens du devoir, de la mission (on peut le critiquer, mais c'est ainsi qu'il agissait). Mais derrière Bush on pouvait voir un certain nombre de réseaux comme celui autour de Carlucci, ancien chef de la CIA et proche des saoudiens. Avec Obama, ce sont d'autres idéologues. <br /> <br /> Concernant ISrael, je pense que son approche est idéologique et basée sur une interprétation proche des salifistes. 1 Le monde musulman serait assiégé par des forces ennemies. 2 Les critères universalistes ne s'appliquent pas pour les pays musulmans. Je fais référence à la déclaration des droits de l'homme version Organisation de la conférence islamique... Donc un esprit réducteur qui postule que, par exemple, que l'Amérique attaque le monde musulman...même quand cette meme amérique les défend contre le droit internationale au Kosovo par exemple.<br /> D'où une vision étriquée et peureuse de la résolution du conflit israélien arabe. Pour rappel la feuille de route (Roadmap) du quartett précise que les palestiniens doivent EN PREMIER arrêter toute violence et désarmer les milices qui 1 attaquent quotidiennement les civils israéliens, 2 empoisonnent la vie des arabes de palestine. Et Obama exige l'arrêt d'une "colonisation" qui n'en est pas une. Rupture avec le passé ? Pas tant que ça. Il faut rappeler qu'en 1948-49, TOUS les juifs des régions occupées par les armées d'invasion arabes ont été soit massacrés soit expulsés... Sans parler des 900 000 sépharades spoliés, expulsés des pays arabes. L'idée que Juifs et Arabes puissent et doivent vivre en sécurité côte à côte est insupportable pour certains, cela voudrait dire que les juifs habitant en "cisjordanie" pourrait avoir les mêmes droits que leurs voisins arabes musulmans. Un pas que même le pseudo modéré Mahmud Abbas n'a pas franchi. Une "cisjordanie" d'où les juifs devraient être expulsés ? Je ne crois pas que ce soit un véritable projet de paix, pas plus que Jerusalem divisée (comme Berlin?) par idéologie, c'est pas sérieux... <br /> En un mot, derrière les mots d'Obama, ce sont encore des années de conflit qui s'annoncent, loin du mythe que l'on veut développer d'un faiseur de miracle<br /> En pendant ce temps, une nouvelle puissance nucléaire foncièrement hostile au monde européen émerge, pour le plus grand péril de la paix ....
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A
<br /> Bonjour Sacha !<br /> Il est clair que l'Obamania a encore joué à plein régime, tant dans les médias qu'au sein de la population française: il n'y avait qu'à regarder le comportement des citoyens anonymes venus à Caen<br /> pour espérer apercevoir le président américain... et qui se sont finalement contentés de voir, au loin, le convoi qui le conduisait à la préfecture de la ville !<br /> <br /> Vous concluez sur la dangerosité de l'Iran. Dans le discours d'Obama, il en fait sa première priorité ! On ne peut tout de même pas retirer au discours qu'il développe le fait d'être en véritable<br /> rupture avec celui de Bush (ne serait-ce que sur la forme), ni même d'être un discours de paix et de tolérance. Le conflit au Proche-Orient est en effet bien trop compliqué pour qu'un simple<br /> discours ou un seul homme puisse tout changer. Et je pense qu'Obama a conscience qu'il peut donner l'impulsion mais que, seul, il ne peut rien faire.<br /> <br /> Sur la question du partage de Jérusalem, je crois moi aussi que ce n'est pas la bonne voie. Faire de cette ville, multireligieuse, une cité au statut international, géré par une municipalité<br /> binationale et trouver deux villes distinctes pour être la capitale politique des deux Etats en question me semble être une piste à explorer. J'ai déjà eu l'occasion d'en parler sur d'autres blogs,<br /> mais cela ne semble pas retenir l'attention de beaucoup de personnes. En tout cas, la plupart des diplomates occidentaux croient que la division de Jérusalem est la solution: pour le symbole d'un<br /> partage négocié? Peut-être. Mais, avec un risque...<br /> <br /> <br />