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JES6 - Pour une France Juste, Ecologique et Sociale

Ce blog rassemble mes idées et constitue une modeste pierre pour bâtir une alternance en 2022.

Anna et Vladimir: deux regards sur la Tchétchénie

En ce début de semaine, le procès des meurtriers présumés de la journaliste russe Anna Politkovskaïa, assassinée à Moscou il y a maintenant plus de deux ans. Or, l'enquête - qui aboutit donc partiellement aujourd'hui - n'a permis que d'arrêter quelques seconds couteaux ayant semble-t-il participé à la préparation et à l'exécution de cet assassinat. En effet, ni le tireur présumé, ni le commanditaire de ce qui ressemble clairement à un assassinat politique - digne de ces pays où la démocratie n'est qu'une façade pour cacher la main-mise d'un clan sur le pouvoir - ne seront présents devant le tribunal militaire de Moscou devant lequel débute ce procès. Parmi ceux qui se trouveront dans le box des accusés, citons Sergueï Khadjikourbanov, ancien policier de la brigade anti-criminalité de Moscou, les frères tchétchènes Ibragim et Djabraïl Makhmoudov et le lieutenant-colonel Pavel Riagouzov, ex-agent du service de sécurité fédérale (FSB, ex-KGB), soupçonné d’avoir fourni l’adresse de la journaliste aux tueurs. C’est lui qui a demandé, en tant que membre du FSB, à être jugé par un tribunal militaire qui, depuis l’audience préliminaire du 15 octobre, a ordonné le maintien en détention des accusés. Sauf que ce procès ne permet pas de répondre à al demande de justice exprimée tant par la famille de la victime, par l'opposition au tandem Medvedev-Poutine et par l'opinion russe en général. D'autant plus qu'à l'approche du procès, l’avocate de la famille de la défunte estime avoir été victime d’une tentative d’intimidation, ainsi que d'un empoisonnement au mercure en France, où elle réside. Elle a toutefois obtenu que le procès, qui devait se tenir à huis-clos, se fasse finalement en public.

Or, l'assassinat d'Anna Politkovskaïa, journaliste de Novaïa Gazeta, était l'une des rares à avoir continué à couvrir le conflit en Tchétchénie au début des années 2000 et à dénoncer les atteintes aux droits de l’Homme en Russie. La professsion considère donc que sa mort, commanditée pour des raisons vraisemblablement politique (même si personne ne se risque à y voir la main du Kremlin, qui n'y ait pour autant sans doute pas étranger), est liée à ses articles sur les violations des droits de l’Homme et les agissements de l’armée russe en Tchétchénie, accablants pour le Kremlin. Le rédacteur en chef du bi-hebdomadaire Novaïa Gazeta a accusé pour sa part des agents des services de sécurité russes d’avoir “organisé” et “coordonné” le meurtre. Quant à la journaliste Zoïa Svetova, interrogée par France Info, elle n'attend rien de ce procès car "d'un côté, les accusés refusent de témoigner et, de l'autre, parce que ce ne sont que des personnages secondaires qui sont jugés": or, ils n'apporteront probablement aucune information sur les raisons (le mobile) de ce meurtre auquel ils ne sont qu'indirectement liés. Bref, ni les proches d’Anna Politkovskaïa ni les associations de défense des journalistes ne s’attendent à ce que les audiences fassent toute la lumière sur cet assassinat. Et, selon l’organisation américaine de défense des médias, le Committee to Protect Journalists, la Russie, avec 49 journalistes tués depuis 1992, est le troisième pays le plus meurtrier au monde pour les reporters, derrière l’Irak et l’Algérie. Triste bilan qui montre que la Russie d'aujourd'hui est loin de répondre aux critères qui font d'un grand pays une démocratie incontestable.

Sans compter que, dans le même temps, le jour même du début de ce procès, on apprenait (dans Le Parisien-Aujourd'hui en France) l'histoire de cette sociologue française installée à Moscou, Carine Clément, victime d’agressions à répétition. Lors de la dernière agression, qui s'est produite en milieu de semaine dernière, en pleine rue dans la capitale russe, la jeune femme a été maîtrisée par deux inconnus qui lui ont planté dans la jambe une seringue remplie d’un liquide indéterminé. Pour cette Française de Moscou, mariée à un député russe, il ne fait aucun doute qu’il s'agit là d’une campagne d’intimidation, parce qu’elle est très engagée dans la défense des droits sociaux en Russie et symbolise, comme Anna Politkovskaïa, l'engagement des femmes dans un combat politique ou associatif en Russie. Et pour elle, ce genre d’agressions contre des militants associatifs ou syndicaux n’est pas rare, l’une des victimes étant actuellement entre la vie et la mort. Une pétition circule d’ailleurs en Russie pour l’arrêt de la répression des mouvements sociaux, et pour que le pouvoir russe s’occupe réellement du problème. Il est en effet clair qu'il est de la responsabilité d'un gouvernement qui se veut démocratique de garantir à tous ses concitoyens les mêmes conditions de vie, les mêmes droits et que, dès lors, la non-répression ou l'absence de lutte active contre des pratiques discriminatoires et anti-démocratiques constituent autant de preuves que le Kremlin ne se préoccupe pas de la vie du peuple russe. Lequel est, comme je le disais dans un autre article, la victime de ce partage du pouvoir pour le pouvoir, qui ne vise qu'à enrichir une minorité de la population au détriment du bon vivre de la majorité silencieuse, subissant le régime.

Et quel régime ! Un régime qui vient de décider la prolongation de quatre à six ans de la durée du mandat présidentiel, ce qui permettrait à Vladimir Poutine, actuel premier ministre tirant les ficelles du pantin Medvedev, de retrouver son poste de président (après une possible démission de son successeur) non pas pour huit ans (soit deux mandats de quatre ans) mais pour douze ans !! Sans compter que, pour en revenir au coeur du thème de cet article, on a appris cette semaine que les autorités pro-Kremlin de la ville de Grozny, capitale de la Tchétchénie, venaient de rebaptiser l'une des principales artères - une avenue pour être précis - du centre de la ville (photo) du nom de Vladimir Poutine. Cette pratique, qui consiste à donner le nom d'une rue ou d'une place à un dirigeant russe vivant, n'est pas nouvelle, mais il faut remonter à l'époque stalinienne pour trouver le dernier exemple. Aurait-on idée, dans une vraie démocratie, de baptiser un lieu public du nom d'un homme politique non seulement vivant mais encore en activité? Non, car c'est tout simplement participé à une sorte de culte de la personnalité que seuls les régimes autoritaires pratiquent. Pour ceux qui ont eu cette brillante idée, au premier rang desquels Mouslime Khoutchiev, maire de Grozny, "il s'agit d'une reconnaissance de l'éminente contribution de Poutine à la lutte contre le terrorisme et au redressement économique et social de la république de Tchétchénie". On se souvient en effet qu'en 1999, à l'occasion de la deuxième guerre de Tchétchénie, la Russie a envoyé son armée, le bilan de cette période s'élevant à plusieurs milliers de morts et à la destruction de quartiers entiers de la ville qui avaient été massivement bombardés. Bref, la démocratie et la liberté par la mort et le chaos: quel sacré démocrate, ce Poutine ! Et, comme je le faisais remarquer (sur un ton ironique) sur le blog de JSS à propos des tensions israélo-syriennes (voir l'article correspondant en cliquant ICI): "Sans compter qu'une bonne guerre, cela détruit des maisons, des infrastructures... et que la reconstruction permet de créer des emplois et d'obtenir quelques points de croissance !". C'est sans doute ce que veut dire le maire de Grozny en parlant d'un redressement économique et social de son territoire !!

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