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JES6 - Pour une France Juste, Ecologique et Sociale

Ce blog rassemble mes idées et constitue une modeste pierre pour bâtir une alternance en 2022.

En route pour l'Union méditerranéenne

C'est la grande oeuvre diplomatique de Nicolas Sarkozy. Il en avait fait la proposition puis la promesse: réunir, autour d'une même table, les dirigeants des Etats riverains de la Méditerranée pour créer une Union calquée sur l'UE... à l'origine, pour régler le problème turc, en trouvant une alternative fiable et viable à l'adhésion de ce pays à l'UE. Comme beaucoup de ses promesses - il faut le reconnaître - le président de la République a tenu celle-là: à la veille de la fête nationale, à Paris, avait donc lieu ce dimanche le premier sommet de cette Union Pour la Méditerranée (UPM) qui, malgré quelques tensions initiales, aura finalement vu le jour. Nicolas Sarkozy aura en effet mis un peu de temps avant de convaincre les intéressés de la pertinence et de la viabilité de cette Union. Objectif affiché? Répandre, autour du bassin méditerranéen, la démocratie et la paix pour tous les peuples, devenus des partenaires d'un jour. Pour la démocratie, le pari est ambitieux: si plus de la moitié des dirigeants présents n'ont aucun effort à fournir (27 des 43 présents, dirigeants des Etats de l'UE, sont à la tête de pays démocratiques), ce pari est pour autant loin d'être gagné. Le seul absent du sommet de ce week-end, le colonel-président libyen Mouammar Kadhafi, n'est pas un modèle de grand démocrate soucieux du bien de son peuple, ni de la défense des grands principes démocratiques !

Le dictateur libyen ayant déjà obtenu de la France ce qu'il voulait (une réhabilitation médiatique et une centrale nucléaire, entre autres), il n'a pas jugé utile de s'associer à un projet qu'il a ouvertement critiqué dernièrement. Mais, que cette absence remarquée - est-elle regrettable? - ne fasse pas oublier la présence, à Paris, de 16 autres dirigeants des côtes orientales et méridionales de la Méditerranée. Tous, du Maroc à la Turquie, en passant par l'Algérie, le Liban ou la Syrie, se sont donc réunis dans la capitale française. Cette seule réunion, qui a permis des rencontres bilatérales improbables (parmi lesquelles celle entre le Liban et la Syrie, qui a débouché sur l'ouverture réciproque d'ambassades de ces pays chez le voisin en question), est en cela un premier exploit à mettre au crédit du chef de l'Etat. Ainsi, dans l'affaire Bachar el-Assad, du nom de président syrien (qui était, ce soir, l'invité du journal de 20 heures sur France 2), il est nécessaire de rappeler que sa présence au sommet était légitime, quoi que l'on puisse penser de l'initiative de Sarko de le convier aux cérémonies du 14 Juillet. La seule condition de participation étant d'être riverain de la Méditerranée, la présence du Syrien était donc légitime... et souhaitable, compte-tenu du rôle que peut jouer ce pays dans la pacification et la stabilisation de la région dans laquelle il se trouve.

Que l'on soit clair: cette réunion - la première d'une longue série - n'avait pas pour prétention de parvenir à des grandes décisions qui auraient été, en l'absence du reste de la Communauté internationale, prématurées... notamment pour ce qui est de la paix au Proche-Orient. Si l'Union pour la Méditerranée peut contribuer à règler ce douloureux conflit, en jouant le rôle de déclencheur (comme l'embrassade symbolique Olmert-Abbas-Sarkozy sur le péron de l'Elysée le laisse penser), on ne peut - et on doit - s'en réjouir... mais la précipitation pourrait (ou plutôt, aurait pu) conduire à des solutions inefficaces. Que ce sommet ne donne lieu qu'à des déclarations d'intention, alors que 43 chefs d'Etat et de gouvernement se recontraient à l'occasion d'une réunion quasiment historique, semblait être une évidence. Mais, déjà, la première difficulté a été surmontée: alors que, dans l'esprit de Sarko, cette UPM devait réunir les Etats ayant une côte méditerranéenne (excluant les pays de l'UE non riverains de cette mer), la colère allemande a été résolue par l'intégration de tous les Etats membres de l'UE dans cette aventure. Ainsi a-t-on assisté, cet après-midi, à la "mise en route" de cette UPM dont les bases méritent d'être étudiées et commentées, selon trois points:


1- d'une part, il s'agissait de mettre sur pied les instances qui présideront au fonctionnement de cette Union: afin de symboliser la collaboration entre les deux rives de la Méditerranée, une gouvernance partagée a été mise en place. Plutôt que par un unique président, l'UPM sera dirigée par deux co-présidents, l'un représentant les Etats membres de l'UE (ce dimanche, Sarko), l'autre représentant les Etats non membres de l'UE (aujourd'hui, le président égyptien Hosni Moubarak). Autrement, la fracture Nord-Sud (qui, pour le géographe que je suis, représente aussi la fracture économique entre les pays développés du Nord et les pays en développement du Sud) se veut-elle minimiser par la pleine collaboration de ces deux parties (en cliquant sur la carte ci-dessous, retrouvez un dossier consacré à la politique de voisinage de l'UE sur le site de la Documentation française).
2- d'autre part, en ce qui concerne le choix de la localisation du secrétariat général de l'UM, il semble que le choix d'un des pays de la rive méridionale de la Méditerranée soit privilégié. Quatre Etats se seraient portés candidats pour en accueillir le siège: outre l'Espagne, qui propose Barcelone (pour souligner la continuité entre le processus éponyme et cette nouvelle Union), Malte, le Maroc et la Tunisie se seraient proposés... les deux derniers semblant avoir les faveurs des "spécialistes".

3- terminons par le point le plus important. Au-delà de la rencontre symbolique de dirigeants qui ne se parlaient plus depuis quelques années et qui, pour certains, n'entretenaient pas de relations diplomatiques officielles, le sommet a débouché sur le lancement de six projets concrets. Projets qui, symboliquement, devaient montrer aux citoyens des pays concernés, que l'UPM se fixe comme objectif de parvenir à des décisions qui les concernent. Ce 13 juillet 2008 marque donc le lancement de six chantiers qui, d'après les observateurs proches de la présidence française, ne font qu'ouvrir le bal, d'autres projets (paraît-il plusieurs centaines) ayant déjà vu le jour dans l'esprit d'entrepreneurs privés. Plaçant la Méditerranée, en tant qu'espace écologique à préserver, au coeur de leurs réflexions, les dirigeants réunis au Grand Palais ont décidé de lancer un grand chantier de dépollution de cette mer, ainsi qu'un projet de développement accéléré du recours à l'énergie solaire et, enfin, un programme de protection civile (notamment en vue de la lutte contre les incendies de forêts) qui mette la solidarité au coeur de l'action des Etats membres de l'UPM. S'y ajoutent d'autres projets à vocation économique: la promotion d'autoroutes maritimes et terrestres entre les deux rives, l'aide au développement des PME et la création d'une bourse d'études facilitant le déplacement des étudiants des deux rives (sur le modèle du programme européen Erasmus).

Des projets concrets, qui permettent de donner le coup d'envoi d'une coopération basée sur la solidarité et se fixant comme but le développement des régions les plus en retard. Reste à examiner la question du financement. De ce point de vue, la fracture Nord-Sud serait-elle le modèle? Sans doute, dans la mesure où la plupart des fonds prévus proviennent de la rive septentrionale de l'UPM: une part du budget européen consacré à l'aide au développement des régions en difficulté pourrait être mobilisé, tandis que des fonds venant de la Banque Européenne d'Investissement ainsi que de l'Agence Française de Développement auraient déjà été préparés. Toutefois, certains Etats ont fait savoir qu'ils allaient consacré une partie de leur budget à ces projets: l'Algérie a ainsi annoncé qu'elle comptait débloqué des financements en ce qui concerne le volet PME du projet (celui qui l'intéresse en premier lieu et dont elle peut - et veut - tirer profit). Qu'il existe un déséquilibre de financement entre le Nord et le Sud semble, au moins dans un premier temps, normal: si l'UPM base son action sur la solidarité entre ses membres, il paraît logique que les plus riches aident les plus pauvres à se développer. Sans compter que les entreprises du secteur privée, qui seront pleinement associées à certains des projets évoqués, apporteront de l'argent finançant ceux auxquels elles voudront se joindre. Par ailleurs, l'Ambassadeur en charge de la préparation du sommet, Alain Leroy (invité de France Info vendredi soir), affirmait que l'argent des monarchies du Golfe constituait une autre réserve que les pays intéressés finiraient probablement par mettre sur la table pour aider au développement d'autres Etats arabes..
. affaire à suivre, donc !

Et pour finir, je profite de cet article pour saluer la mémoire de l'eurodéputé polonais Bronislaw Geremek (photo), décédé cet après-midi dans un accident de voiture, dans des circonstances encore floues. Salué notamment par José Manuel Barroso comme la grande figure européenne - qu'il était -, cet ancien membre et responsable du syndicat polonais Solidarnosc, ami et conseiller de Lech Walesa, était l'un de ces rares hommes politiques à avoir une vision pour l'Europe. Historien de formation, ministre des Affaires étrangères de son pays entre 1997 et 2000, il avait été élu député européen en 2004, date à partir de laquelle sa renommée européenne débute. Partisan d'une Europe politique, qui mènerait sa construction en gardant à l'esprit les valeurs qu'elle est censée défendre (au premier rang desquelles les libertés) et en mettant de côté les questions purement géographiques, il était l'auteur de plusieurs ouvrages réfléchissant sur l'identité de l'Europe. L'annonce de sa disparition me touche d'autant plus que je viens d'acquérir l'un des derniers livres (collectif) auquel il ait collaboré pour réfléchir et débattre sur cette question passionnante, et intitulé "Visions d'Europe" (Odile Jacob, 29€).

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J
Parce que située au centre de la Méditerranée, Malte, carrefour séculaire de civilisation, peut, et, à mon sens, doit porter le siège de l'Union Pour la Méditerranée.
Répondre
A
<br /> Je suis tout à fait d'accord. Même si, j'ai longuement hésité: choisir Malte, membre de l'UE, revient à faire primer une considération géographique sur une considération politique (comme vous le<br /> faites). Quoi qu'il arrive, le pays choisi devra être, si ce n'est un modèle, au moins un Etat démocratique !... la Tunisie aurait donc des efforts à produire.<br /> <br /> <br />