L'Argentine présidente !

C'est une première en Amérique latine: la femme du président sortant va lui succèder à la tête du pays. Cette situation inédite se déroule en Argentine, pays limitrophe d'un Chili qui a déjà porté à sa tête une femme, en la personne de Michelle Bachelet. Et, comme au moment de la présidentielle chilienne, Ségolène Royal a fait le voyage jusqu'à Buenos Aires pour venir saluer l'élection de Cristina Kirchner, dès le premier tour d'un scrutin sans grand suspense. L'ex-"première citoyenne" (et non première dame) du pays a obtenu un peu plus de 44% des voix au premier tour, devançant de plus de 20 points sa principale adversaire (deux femmes favorites d'un même scrutin, n'est-ce pas réellement la situation la plus inédite?): avec ce score, et selon la loi argentine (tout candidat obtenant plus de 40% au premier tour est élu), Mme Kirchner va donc succéder à son mari Nestor (photo), le 10 décembre prochain, sans qu'il soit besoin d'organiser un second tour... qu'elle aurait sans doute remporté assez largement.

De l'avis de tous les observateurs politiques argentins et des spécialistes européens de l'Amérique latine, ce scrutin est véritablement sans surprise. 1- elle était la favorite des sondages depuis plusieurs mois et, le fait qu'elle soit une femme, qui plus est de premier plan (elle était la principale conseillère de son président de mari), était pour elle une garantie supplémentaire d'emporter l'enthousiasme des milieux populaires... phénomène qui ne vaut pas dans les pays développés ! 2- elle bénéficie du relatif bon bilan de son mari, au pouvoir depuis quatre ans, et a, par une politique de centre-gauche, libérale, redressait un pays touché par une grave crise financière, et par conséquent social, en 2001. La popularité de Nestor et la réussite économique de sa politique ont profité à Cristina, qui va toutefois devoir accentuer une politique sociale que les plus démunis considèrent comme timide. Les politologues argentins ont d'ailleurs parlé d'une réélection !! 3- cette victoire confirme une tendance selon laquelle la gauche, ou plus précisément le centre-gauche, se porte bien dans cette région du monde. Un autre scrutin, qui avait lieu ce dimanche, le confirme: en Colombie, c'est le candidat de centre-gauche, que le président conservateur avait publiquement insulté, qui a remporté les élections municipales dans la capitale Bogota, jusque-là tenue par le droite !

Avec l'élection de Mme Kirchner, c'est aussi un style qui a été plébiscité par les électeurs: les Argentins, notamment dans les quartiers les plus modestes, attendent d'elle qu'elle tienne ses promesses sociales (santé, éducation, cadre de vie, accès aux énergies et à l'eau...). Le caractère de Cristina est, pour eux, un gage de réussite: comme son mari, elle est austère, "doite dans ses bottes", ce qui permet de laisser penser qu'elle tiendra ses engagements. Austère mais aussi élégante, elle a l'image d'une femme honnête, travailleuse (comme elle l'a montré aux côtés de son époux ces dernières années) et dévouée aux causes qu'elle défend. Elégante mais aussi autoritaire, elle a l'image d'une femme qui sait dirigée une équipe et en obtenir les meilleurs résultats, selon les objectifs qu'elle s'est fixée. Le tableau vous paraît un peu trop blanc?.. c'est normal ! C'est l'image qu'elle a dans l'opinion et, surtout, elle a la chance d'appartenir à un pays en voie de développement où ce type d'image a un impact massif sur des populations miséreuses. Elégante (toujours en tailleur blanc), austère et autoritaire, Ségolène Royal n'a pas eu a même audience dans un pays cmme la France, qui a d'autres codes de pensée... notamment plus politiques !