30 Octobre 2007
Deux rapports, qui s'apparentent à des "bombes" lancées sur le terrain de l'ultra-libéralisme, et publiés ces derniers jours, montrent les méfaits qu'une politique trop libérale, trop axée sur la recherche d'un profit maximal et immédiat, peut avoir sur le pouvoir d'achat des ménages et donc sur la qualité de vie, notamment des plus modestes (retraités et travailleurs pauvres). je profite de cet article, polémique, pour vous renvoyer à la lecture d'un de mes deriers articles économiques (cliquez ICI) et laissez-moi vos réactions en postant un commentaire !
Le premier de ces rapports, publié par l'association UFC-Que choisir, révèle que le prix de l'eau est excessivement élevé en France, la faute aux marges réalisées par les distributeurs privés, tels Véolia et Suez, et qui peuvent atteindre jusqu'à 55% du prix facturé aux clients. Dans ce rapport, l'association de défense des consommateurs dresse deux listes: 1- la première est une liste de villes dont le système de distribution de l'eau est géré par une de ces entreprises privées (avec le prix du m3 et la part de bénéfices engrangé sur cette facturation): on y trouve Marseille, Montepellier, Toulouse, Nice et Bordeaux. 2- la seconde est une liste de villes, de droite comme de gauche, ayant choisi de revenir à une gestion publique de l'assainissement et de la distribution de l'eau (avec le prix du m3 et le pourcentage de diminution que cela représente): on peut citer Chambéry, Annecy, Grenoble et Clermont-Ferrand. Certes, présentée ainsi, la conclusion de l'étude est facile à trouver: mieux vaut que l'eau d'une ville soit directement gérée par la municipalité que par un groupe privé. Mais la démonstration est tout de même assez nette: après une privatisation, les prix augmentent... sans que les arguments avancés ne soient toujours très pertinents. Ainsi, Véolia et Suez mettent en avant la particularité de chaque ville (terrain géologique et importance du traitement des eaux qui en est la conséquence, par exemple) pour expliquer les écarts de prix, sans expliquer l'envolée des prix...
Je profite, dès lors, de cette enquête pour rappeler une proposition faite par Dominique Voynet, candidate des Verts, lors de la présidentielle: rappelant que l'eau étant une denrée de plus en plus chère car de plus en plus rare, et très mal répartie sur Terre, elle suggèrait de faire de ce secteur un modèle de "service public à la française", géré par l'Etat: chaque Français aurait droit à un volume d'eau gratuit, calculé selon des moyennes de consmmation, les litres utilisés au-delà de ce seuil étant facturé au consommateur à un prix suffisamment élevé pour le responsabiliser. Il s'agit-là d'une idée particulièrement intéressante, à laquelle j'avais adhéré au cours de la campagne présidentielle, et que je souhaite ici remettre en débat. Ne serait-il pas intéressant de créer un service universel (version européenne de "service public") de l'eau, au sein de l'Union Européenne, afin que nous devenions un modèle de gestion de cette préciseuse ressource, à l'origine de tant d'inégalités et de conflits dans le monde ? Encore une belle opportunité dont devrait se saisir cette Europe renaissante, en quête de légitimité après de ses concitoyens !
Le second rapport, émanant, lui, de la Cour des comptes, pointe du doigt les pratiques des entreprises privées qui se sont portées acquéreurs des sociétés d'autoroutes, lorsque celles-ci ont été privatisées par le gouvernement Villepin. L'étude, révélée par Marianne, met en avant des pratiques dissimulées visant à augmenter les prix aux péages, afin de gonfler les bénéfices bruts de ces entreprises. La méthode utilisée est des plus simples à comprendre: les prix des péages augmentent de x% par an, soit à peu près le niveau de l'inflation. Jusque-là rien d'anormal. Sauf que ce "x" correspond à la moyenne des augmentations d'un même réseau, le niveau de ces augmentations variant d'un tronçon à l'autre. Ainsi, sur les tronçons les plus empruntés, donc les plus rentables, l'augmentation n'a pas été de "x+2" mais de "x+4" pendant que sur les tronçons les moins empruntés, donc les moins rentables, l'augmentation (car il n'y a bien sûr pas diminution !) n'est pas de "x-2" mais de "x-1".
Pour être un peu plus concret, le prix moyen des péages a augmenté de 2% depuis la privatisation pendant que les résultats des entreprises ont cru de 5%. D'où cette conclusion du rapport: "les grilles tarifaires d'ASF doivent être refondues pour leur donner cohérence et légitimité". A cela s'ajoute une présomption de délit d'initié, la Cour des comptes ayant saisi l'Autorité des Marchés Financiers: quelques semaines avant l'annonce officielle de la privatisation, les titres d'ASF, de la Sanef et d'APRR s'étaient échangés jusqu'à trois fois plus que d'habitude... des rumeurs parues dans la presse économique ayant conduit l'AMF a finalement classé l'affaire sans suite ! Il n'en reste pas moins que le coût des autoroutes, pour les usagers, est en hausse depuis qu'elles sont gérées par le privé. Comme j'ai déjà eu l'occasion de la dire, je crois que l'Etat s'est privé d'une source de revenus conséquents en prossédant à cette privatisation, d'autant plus que, dans le cadre du Grenelle de l'environnement, il aurait pu être envisagé de mettre en place des tarifs modulés selon le caractère polluant ou non du véhicule, manière supplémentaire d'inciter à ne pas acheter de grosses voitures, puissantes et polluantes ! Mais, l'Etat s'est privé de ce levier !