31 Décembre 2010
Hier, jeudi 30 décembre 2010, la France aurait du célébrer un anniversaire (car il s'agit d'un événement qui, au-delà des querelles partisanes, appartient à l'histoire de la République française): le 90ème anniversaire de la naissance du PCF, alors nommé SFIC. Comprenez: Section Française de l'Internationale Communiste. C'était l'époque où les communistes, que l'on appelait bolcheviques en URSS, prirent le pouvoir lors de la Révolution de 1917 et envisageaient de l'étendre au reste du monde, en commençant par l'Europe. C'était l'époque où, en France, la gauche se reconstruisait après une Première guerre mondiale qui fut l'occasion d'un renforcement des partis de la droite. Lors du Congrès de Tours, qui eût donc lieu en décembre 1920, la SFIO (Section Française de l'Internationale Socialiste) se partagea en deux: d'un côté, majoritaires, les jeunes militants, plus révolutionnaires et radicaux que leurs aînés, voulaient entamer le virage communiste et, de l'autre, les élus emmenés par Léon Blum souhaitaient garder leur socialisme modéré (que l'on dirait aujourd'hui "de gouvernement"). Le futur PCF venait de naître et, avec lui, un futur grand parti qui, dans l'après Seconde guerre mondiale, à la faveur de la guerre froide, allait tenir une place majeure sur la scène politique française. Voilà pour le cours d'histoire. Revenons au présent: hier, dans les médias, l'anniversaire du PCF fut évoqué pour rappeler qu'il fut un grand parti... pour mieux souligner qu'il n'en est désormais plus rien. Les scores de Robert Hue et Marie-George Buffet ont ainsi été rappelés.
Pourtant, la gauche radicale, baptisée "gauche de la gauche" depuis quelques années (pour dire, en fait, "gauche du PS", ce dernier étant LA référence de la gauche française), a su se transformer et s'adapter à la réalité politique du pays. Prenez le Parti de gauche. Au départ, l'initiative de Jean-Luc Méléchon de se créer son propre parti (le Parti de gauche) en claquant, avec fracas, la porte d'un PS, ne me réjouissait pas: ce nouveau parti, pensais-je, allait contribuer à parcelliser encore un peu plus une gauche, déjà, en morceaux... et donc, à obscurcir son discours en montrant aux Français ses points de friction plutôt que ses éventuels sujets d'accord (pour bâtir un projet de gouvernement par exemple). Près de deux ans plus tard, le bilan est moin négatif: en dénonçant un PS trop libéral, ayant tendance à ne pas réaliser (quand il est au gouvernement) les engagements pris devant les électeurs, M. Mélenchon est parvenu, avec les communistes et, espère-t-il, avec l'extrême gauche, à bâtir une alternative "de gauche" au PS avec l'espoir de le devancer. Ainsi, avec son Front de gauche (né pour les européennes et renouvelé à l'occasion des régionales), il a reconstitué le paysage de la gauche française: un parti social-démocrate (le PS), une grande formation écologique (Europe Ecologie) et un regroupement des anti-libéraux (le Front de gauche). A la faveur de la crise, ces derniers ont obtenu une plus grande visibilité, leurs idées anti-système recevant un écho plus grand dans l'opinion (taxation des banques et des flux financiers, augmentation des impôts pour les plus riches, hausse des bas salaires, critique de l'Europe bruxelloise...). Et, alors que la France attend les voeux de Nicolas Sarkozy, ce soir à 20 heures, le PCF mettait en ligne une vidéo parodiant les voeux du Président en y plaçant son discours et ses propositions. "Censurée" par Dailymotion (sous prétexte que les images utilisées appartiennent à l'INA), cette vidéo est accessible sur Youtube - la voici:
Après l'avoir visionnée, nombreux, parmi vous, penseront que le PCF se ridiculise, utilisant toujours les mêmes méthodes dans le seul but de critiquer le pouvoir en place (en le taxant d'incompétence, par exemple). Sauf qu'une telle vidéo, qui n'est pas si corrosive, a un énorme mérite: montrer aux Français que la gauche réfléchit à une alternative à la politique de l'UMP. De là à dire que les propositions énoncées ici sont crédibles, il y a un pas que je ne franchirai pas. Cependant, alors que le bilan économique et social de Nicolas Sarkozy et de son gouvernement est loin d'être bon (la faute à la crise, mais pas seulement...), la prochaine présidentielle se jouera (surtout) sur la capacité de la gauche (et du PS en particulier) à proposer une nouvelle offre politique, faite de mesures à la fois novatrices et réalistes. S'engager à augmenter les salaires les plus précaires n'est pas une promesse: la vidéo parle d'un "Grenelle" pour atteindre un SMIC à 1600€; la gauche doit pouvoir s'engager, y compris en baissant le niveau des cotisations patronales, à sortir de la précarité, voire de la pauvreté, les millions de Français qui y sont encore plongés. S'engager à revenir sur la réforme des retraites, tout juste bouclée, n'est pas uen promesse: la vidéo parle de revenir à l'âge de départ à 60 ans; la gauche doit pouvoir s'engager à garantir un âge minimal de départ en retraite à 60 ans en proposant de nouvelles solutions comme, par exemple, l'entrée plus précoce des jeunes apprentis sur le marché du travail... En bref, la gauche ne doit pas avoir peur d'avancer des solutions anti-libérales, jugées irréalistes et démagogiques par la droite, telles que l'interdiction des licenciements économiques, la mise en place d'un salaire maximal au-dessus duquel aucun patron ne pourra aller (Mélenchon le fixe à 330 000 € l'an), l'instauration d'une 6ème semaine de congés payés, la taxation des flux financiers privilégiant la spéculation à l'investissement, etc. Mais, dans le même temps, une baisse des impôts payés par les entreprises qui joueront le jeu du développement durable et du partage équitable des richesses produites.
Avec cette vidéo des communistes et les propositions concrètes avancées par Jean-Luc Mélenchon, la gauche radicale fait la preuve qu'elle a des idées, que ses militants peuvent proposer une alternative à la politique sarkozyenne. Qui peut encore dire que l'opposition n'a pas de propositions?