Qui a peur de Marine Le Pen?

13/01/2011 20:03

Marine Le Pen? Une version édulcorée de son père mais, au fond, le même discours et les mêmes méthodes. Voilà comment les analystes politiques présentent l'actuelle vice-présidente du Front nationale qui pourrait bien être l'une des premières à se déclarer officiellement candidate à la présidentielle de 2012. Car, une fois le Congrès passé, courant janvier, celui ou celle qui obtiendra la place de Jean-Marie Le Pen à la tête du parti frontiste en sera le candidat légitime et tout désigné. Et, sur sa route, Marine n'a qu'un concurrent: l'éternel dauphin, Bruno Gollnisch, qui n'a rien à envier à son mentor du côté des provocations mal placées et autres stupidités verbales. Ces derniers jours, la fille à papa, qui occupe le devant de la scène depuis déjà plusieurs années (depuis la dernière présidentielle, notamment), a provoqué un tollé en affirmant que les prières de rue (des musulmans) pouvaient s'apparenter à une forme d'occupation de la France par les islamistes, mais "sans les chars". L'allusion à l'époque de l'Occupation nazie a provoqué la colère de tous les "républicains", de gauche comme de droite, qui, en s'indignant massivement et publiquement, ont donné une audience encore plus forte aux propos de la future présidente du FN. Et la méthode du père fait encore effet: elle peut, une fois de plus, se poser en digne représentante du peuple (clamant tout haut ce que beaucoup de Français pensent tout bas), face à des élites qui ne voient pas venir l'islamisation de notre pays... voire qui l'accompagne. Tout comme la dilution de la nation dans le cauchemar européen ou dans la mondialisation !

La boucle est bouclée. Marine, par ses propos, montre son attachement aux combats du Front national, qui demeurent les mêmes, de décennie en décennie, tant les partis de gouvernement (l'UMPS) sont incapables de résoudre les problèmes de la France, puisqu'ils les aggravent. Elle nous parlera alors de la crise économique, de la poursuite d'une immigration massive et non contrôlée, de l'accroissement de la pauvreté, ainsi que de nos déficits et dettes publics, etc. Et, sur de nombreux points, force est de constater qu'elle n'a pas entièrement tort. Sur la forme, elle joue les discours provocateurs et ouvertement xénophobes. La classe politique fait mine d'en être surprise. Et pourtant, depuis Bruno Mégret (et la création de son micro-parti désormais inexistant) ou encore avec Philippe de Villiers (qui développe les mêmes thèmes tout en ayant un pied dans l'UMP), l'extrême droite fait toujours la démonstration des discours les plus nauséabonds au moment des congrès. Pourquoi Marine dérape-t-elle ainsi, reprenant les méthodes de son père? Tout simplement parce que les militants frontistes applaudissent à des telles charges... et parce que son élection à la tête du parti ne dépend pas de sympathisants (qui lui sont acquis à 90%) mais des seuls adhérents qui, lors des précédents congrès, ont toujours voté majoritairement pour les motions défendues par... Bruno Gollnisch, reflétant la pensée extrême du père Le Pen. En édulcorant son discours, en jouant l'image d'un FN respectable, Marine risquait de n'emporter la présidence du parti qu'avec une courte majorité. Il lui faut donc élargir sa base... et ses propos sur l'occupation par les islamistes ne répondent qu'à cet objectif.

Cela dit, le fond de son discours n'est pas plus novateur. L'analyse de la situation actuelle (en gros, l'effondrement croissant de la maison France de par l'incompétence des gouvernements successifs depuis 30 ans) et les propositions qu'elle avance pour en sortir n'ont pas changé. Son père disait la même chose. Sauf que Marine est extrêmement plus convaincante. Sa dernière prestation, dans l'émission "A vous de juger" d'Arlette Chabot (sur France 2), où elle affrontait Rachida Dati et Manuel Valls, l'a encore prouvé de façon magistrale: la vice-présidente du FN propose des analyses très précises de la situation, utilise des données chiffrées ainsi que le ressenti des Français pour édicter une solution qui, une fois la démonstration faite, ne paraît pas du tout incohérente ou irréaliste. Autre point fort: elle a des convictions si solidement ancrées et si sincères qu'elle a réponse à tout. Exemple. Arlette Chabot lui demande: "pourquoi le FN est-il un parti xénophobe?". Réponse de Marine: nous sommes des patriotes qui aimont notre peuple. Nous voulons nous battre pour les Français et nous disons aux étrangers, tentés de venir s'installer en France, que nous n'avons plus les moyens de les accueillir et que nous préférons consacrer le peu d'argent qu'il nous reste à soigner, éduquer et nourrir nos enfants. La France doit fermer ses frontières parce qu'elle n'a plus les capacités de soigner, éduquer et nourrir les enfants d'immigrés... sauf s'ils paient eux mêmes la facture. Autre question de la journaliste: "on dit que vous êtes populiste; le revendiquez-vous?". Réponse de Marine: si populiste, cela signifie défendre le peuple contre l'incurie des élites et tout faire pour que nos compatriotes vivent mieux, alors, oui, je suis populiste !

On pourrait multiplier les exemples. Les réponses sont claires, argumentées, précises... Pas de langue de bois: Mme Chabot n'a jamais besoin de relancer son invitée pour avoir une réponse car, du premier coup, elle l'a. Et, profitant de cette heure de tête-à-tête, la vice-présidente du FN déroule son programme... plaçant déjà ses pions en vue de la prochaine présidentielle. Elle se définit comme anti-libérale, refusant que les spéculateurs affament les peuples pour ne faire que de l'argent facile. Elle se veut plus sécuritaire que le Président, estimant qu'il a échoué sur toute la ligne, tant les statistiques sont mauvaises. Et elle n'hésite pas à dire que le gouvernement, conscient de son échec, tente de cacher la réalité des chiffres: ainsi, pour la Saint-Sylvestre, afin d'éviter la "surenchère" des incendies de voitures, le ministère de l'Intérieur ne communiquera pas le nombe de véhicules brûlés. Diagnostic de Marine: il évite ainsi de montrer aux Français que ces chiffres augmentent d'année en année et, donc, que la politique menée ne règle pas el problème. Elle développe allègrement son anti-européisme, souhaitant un retour à la monnaie nationale et à une gestion étatique des frontières françaises. Chaque fois, un (bon) exemple finira de convaincre le téléspectateur lambda que le FN a les bonnes solutions. Il lui suffit de ressortir, de temps en temps, le couplet d'un FN persécuté et victime des médias (en rappelant que Michel Drucker lui refuse, à tort, un après-midi sur son canapé rouge de "Vivement Dimanche") et le tour est joué. Les citoyens les plus précaires se disent alors que le pouvoir médiatique veut l'interdire de s'exprimer. Résultat? Avec l'échec de la politique sarkozyenne et l'incapacité (provisoire?) de la gauche à faire des propositions fortes et crédibles, le spectre d'une candidate FN au second tour de la présidentielle refait surface. D'aucuns, à gauche, pensent déjà à un 21 avril à l'envers avec l'élimination prématurée du sortant. En réalité, avec la montée du FN, c'est la gauche qui devrait être inquiète...