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JES6 - Pour une France Juste, Ecologique et Sociale

Ce blog rassemble mes idées et constitue une modeste pierre pour bâtir une alternance en 2022.

Master Chef: la France des saveurs

Je ne suis pas un pro de la cuisine (j'ai quelques recettes fétiches que je maîtrise plutôt bien) mais, comme beaucoup de Français, j'aime manger, en particulier ces plats qui font la fierté de la gastronomie française. Quelques mois après l'inscription au patrimoine immatérielle de l'Humanité de la gastronomie "à la française", marquant la reconnaissance d'un savoir-faire et de traditions pluriséculaires, voilà que le ministère de la Culture invente la fête de la Gastronomie, comme il existe une fête de la Musique ou du Patrimoine. Ainsi, chaque premier jour de l'automne, les Français pourront célébrer ce pan de notre culture ! Et, pour une fois, ce n'est pas Jack Lang qui en est à l'origine... mais l'un de ses successeurs rue de Valois, en l'occurence Frédéric Mitterrand. Pour célébrer l'événement, ce dernier a cru bon devoir participer à l'émission "Un dîner presque parfait" diffusée sur M6. Le principe? Cinq personnes, habitant la même région, doivent concoter une soirée pour recevoir leurs quatre adversaires... Au programme, un repas complet (apéritif, entrée, plat, dessert), une petite animation (souvent, un jeu... ou encore un karaoké, une danse, etc) et une décoration de salle répondant au thème choisi par le candidat. Et, à la fin de la soirée, les quatre participants notent leur hôte d'un soir sur ces trois critères. Celui qui obtient la meilleure moyenne sur 10 gagne un chèque. Pour cette fois, les convives n'ont pas noté le ministre... En Russie, les notes auraient été soufflées aux candidats pour que le brave Poutine l'emporte haut la main. En France, on préfère la neutralité.

 

L'initiative peut sembler drôle... mais, au final, elle est navrante. Car, pour célébrer cette fête de la gastronomie, le ministre a choisi l'émission qui met le moins à l'honneur la cuisine comme élément de notre patrimoine culturel. Intéressante au début, cette émission est devenue un pur produit de téléréalité basé sur une compétition affligeante entre cuisiniers amateurs de mauvaise foi (il n'y a qu'à constater le décalage entre les paroles tenues pendant le dîner et la note attribuée à l'adversaire... le but étant de le critiquer un maximum pour garder des chances de gagner le gros lot !). C'est la raison pour laquelle je ne suis plus ce programme... préférant, et de loin, le programme culinaire que TF1 diffuse chaque jeudi soir. "Masterchef" (c'est son titre), diffusé à 20h50, réalise de bons scores d'audience. Le principe? A force d'épreuves qui éliminent un par un les candidats (à raison de deux éliminéspar semaine), un jury de trois personnes (photo ci-dessous: les deux chefs, Frédéric Anton à gauche et Yves Camdeborde à droite, ainsi qu'un critique gastronomique, Sébastien Demorand au centre) se donne pour mission de trouver le "meilleur cuisinier amateur de France".


Jury-Masterchef.jpg

 

Certes, l'émission, telle qu'elle nous ait diffusée (c'est-à-dire coupée, montée et commentée par une voix off), reprend toutes les règles de la téléréalité (faux suspense, témoignages de candidat, larmes, propos virulents voire méchants des jurés...). Mais, ce programme met particulièrement en valeur le patrimoine culinaire français à tel point qu'après avoir regardé, par curiosité, le premier épisode fin août (alors que je n'avais pas suivi la saison 1 en 2010), je n'en ai manqué aucun depuis.

 

Voici, selon moi, les ingrédients de ce succès:

1- Les épreuves concoctées par les jurés s'apparentent à des épreuves pratiques d'un CAP cuisine: les chefs circulent dans les rangs, donnent des conseils aux candidats les moins à l'aise et évaluent aussi bien le résultat final que les progrès réalisés par les prétendants au titre de Masterchef 2011. Les efforts, le travail et la capacité à suivre les conseils donnés sont ainsi récompensés.

2- Chaque épreuve, pour laquelle les candidats s'affrontent sur un "socle" commun (par exemple, une viande ou un fromage), permet à chacun de faire preuve de créativité et de donner ainsi aux téléspectateurs des idées de recette. En faisant travailler les candidats sur un ingrédient imposé (qui doit soutenir l'ensemble du plat), tout en leur permettant de l'accomoder selon leur inspiration, l'émission permet à ceux-ci de sortir des plats traditionnels et de renouveler les recettes qui font la richesse de notre gastronomie.

3- En plus d'observer les candidats au travail et de goûter leurs productions finales, les chefs se soumettent, eux aussi, à l'épreuve qu'ils leur font subir: ainsi, le téléspectateur peut bénéficier de recettes originales, subtilement dosées.

4- La nature des épreuves change à chaque émission: désireux de montrer que la cuisine suppose une grande diversité de situations, le jury soumet aux candidats des situations diverses (réaliser un plat original avec un ingrédient imposé, reproduire à l'identique la recette d'un grand chef étoilé, dresser une assiette, transformer un plat habituellement sucré - comme un mille-feuilles - en un plat salé...). Là encore, la créativité est récompensée.

5- L'émission met aussi en avant les traditions et la diversité des produits régionaux. Ainsi, en plus des épreuves individuelles, les candidats participent à des épreuves par équipe, qui offrent deux intérêts: d'une part, chaque "brigade" est alors dirigée par un "chef" comme dans tout restaurant (ce qui mesure la capacité des candidats à jouer un tel rôle); d'autre part, ces épreuves se font hors du studio. Chaque semaine, et le temps d'une journée, c'est une région différente qui est mise à l'honneur: en vrac, ce fût Saint-Malo pour cuisiner des produits de la mer; la base de Salon-de-Provence pour les produits provençaux; un vignoble brodelais pour réaliser un repas basé sur le vin...

 

Au final, cette émission permet au téléspectateur de découvrir les paysages français, les traditions culinaires françaises, des recettes inédites et audacieuses (en cela qu'elles revisitent des classiques que les Français savent cuisiner en leur ajoutant des ingrédients inattendus). Seul bémol: comme toute production de téléréalité (où l'émotion, la rivalité et le spectacle dominent), la fin n'est pas toujours heureuse. Car, comme tout concours, sur les centaines de candidats sélectionnés (et une vingtaine de vrais talents mis en concurrence), un(e) seul(e) empochera le pactole. A la différence du CAP où le talent de chacun est reconnu par l'obtention du diplôme, ce concours fera un heureux et des dizaines de déçus qui auront, le temps de quelques semaines, rêver à la concrétisation de leur projet. Car, ce qui fait la force de ce programme, c'est aussi le profil des candidats: chacun d'eux arrive à Masterchef dans l'optique d'ouvrir un restaurant grâce aux 100 000€ mis en jeu et d'en devenir le patron. Tous les prétendants, désireux de changer de vie et d'abandonner leur métier actuel pour vivre de leur passion pour la cuisine, incarnent cette volonté de se reconvertir. A un moment où le pays est touché par une crise économique, dévastatrice pour nombre de secteurs fragiles, ce désir de reconversion est louable. Dommage qu'il n'y ait qu'un(e) lauréat(e)!

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