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JES6 - Pour une France Juste, Ecologique et Sociale

Ce blog rassemble mes idées et constitue une modeste pierre pour bâtir une alternance en 2022.

Dis, papa, c'est quoi un ministre d'Etat?

2010: année du quatrième remaniement du gouvernement Fillon. En moins de quatre ans, l'équipe gouvernementale avait déjà subi quelques modifications, les premières ayant lieu suite aux législatives de 2012: à l'époque, tout juste élu, le nouveau Président appliquait la "rupture" pour mettre sur pied la "République irréprochable" qu'il venait de vendre à ses électeurs. Cela se traduisit par l'éviction d'Alain Juppé, éphémère ministre de l'Ecologie, en application de ce qui était alors un beau principe sarkozyen: la nécessité de remporter son siège à l'Assemblée (donc d'avoir la confiance, via le suffrage universel, des citoyens français) pour conserver son siège au gouvernement. Juppé perdit sa circonscription bordelaise et devait entamer une hibernation politique dans sa ville... qu'il affirmait ne plus vouloir quitter. "Je serai un maire à plein temps" disait-il à ses électeurs lors des municipales de 2008. Les Juppe-en-Afghanistan.jpgpromesses n'engagent que ceux qui les croient. Et, trois ans plus tard, à la faveur d'un remaniement qu'on nous annonçait comme majeur (pour marquer un "tournant décisif" dans le quinquennat), M. Juppé, le "meilleur de l'Etat RPR", revient à Paris, bombardé ministre de la Défense (photo: ici, à Kaboul, pour un Noël avec les soldats français) et numéro 2 du gouvernement... en pure trahison de son engagement. Et, à la façon des élus anti-cumul qui finissent par associer une fonction locale à un mandat de parlementaire, il nous sort le même baratin: "je veux être utile à la France et je peux aussi servir les Bordelaises et les Bordelais en exerçant une responsabilité nationale". Foutaise !! Impossible de dire, publiquement, qu'il succombe à ses ambitions, qu'il finissait par s'ennuyer mortellement à Bordeaux et qu'il trouve là un salaire bien plus confortable.

 

Je voulais taper sur Juppé. C'est fait. Et cela me donne l'occasion d'évoquer ce remaniement, qui a fini par ne passionner personne et auquel je ne voulais pas consacrer un plein article. Outre le départ de M. Borloo, à qui Sarko a tout proposer pour éviter qu'il ne regagne sa liberté extra-gouvernemtale, ce nouveau casting a été l'occasion de surprises et de confirmations. Au chapitre des surprises: la montée spectaculaire de NKM (Nathalie Kosciusko-Morizet) dans la hiérarchie gouvernementale en devenant ministre de l'Ecologie; le passage d'Eric Besson du ministère de l'Immigration (supprimé... mais qui devrait revenir sous forme d'un secrétariat d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur dans les prochaines Alliot-Marie-au-quai.jpgsemaines) à celui de l'Industrie et de l'Economie numérique (il a fallu que j'aille chercher l'info sur Wikipédia car je l'avais oublié !); la nomination, à la dernière minute, de MAM (photo: avec son prédécesseur, Bernard Kouchner) au quai d'Orsay (où la rumeur installait le maire de Bordeaux); ou encore le passage du rôle de porte-parole de Luc Chatel (enfin, le ministre de l'Education pourra se consacrer pleinement à cette institution qu'il a considérablement dégradé !) à François Baroin, un chiraquien récompensé (faute d'avoir eu un poste plus prestigieux). Quant aux confirmations, elles sont les bienvenues: Frédéric Lefebvre rentre au gouvernement (depuis trois ans, on lui promettait mais, à la dernière minute, on trouvait toujours une solution de rechange), ce qui l'empêchera d'aboyer, de manière irréfléchie et systématique, sur l'opposition; le départ de Patrick Devedjian (ne pleurez pas pour lui: il retrouve la Présidence des Hauts-de-Seine) confirme que son ministère de la Relance relevait quasiment de l'emploi fictif; les évictions de Rama Yade et de Fadela Amara confirment qu'elles ne devaient leur place qu'à leur couleur de peau... Chacune n'est pas parvenue à imposer au chef de l'Etat, trop capricieux, les projets qu'elles incarnaient: les droits de l'homme pour la première et la quête de solutions pour les banlieues pour la seconde (dont l'échec est monstrueux) !

 

Ce remaniement ne pose finalement qu'une question intéressante: à quoi sert un ministre d'Etat? Car, à mon sens, ce groupe de mots est l'expression de l'année, voire du quinquennat. Faisons un peu d'histoire: cette fonction a été utilisée, en période républicaine, sous la IIIème et IVème Républiques pour permettre à une personnalité non politique (tel un écrivain) de participer au gouvernement sans avoir la charge d'un ministère. Avec la Vème République, le sens de cette fonction se modifie quelque peu: avec le général de Gaulle, elle conserve cette fonction première (André Malraux, ministre d'Etat chargé des Affaires culturelles de 1959 à 1969) même si elle est aussi l'occasion de montrer les thèmes jugés prioritaires par le président de la République. Avec Nicolas Sarkozy, qui remis cette fonction au goût du jour en 2007 (car Chirac n'y avait pas eu recours), l'objectif a changé... mais, progressivement. Dans le gouvernement Fillon II (issu des législatives de 2007), seul Jean-Louis Borloo, ministre de l'Ecologie, portait ce titre. On pensait alors à un nouveau signe de rupture: le nouveau Président souhaitait placer l'Ecologie en tête de ses priorités en donnant au ministre concerné un rang différent des autres membres du gouvernement, ce qui le plaçait juste derrière le Premier ministre dans la hiérarchie protocolaire. M. Borloo devenait une sorte de "vice-premier ministre" apte à déclencher et présider des réunions interministérielles, privilège habituellement réservé a locataire de Matignon. Même si je ne l'ai jamais écrit sur ce blog, je trouvais cette initiative très intéressante, voire indispensable pour permettre à des sujets transversaux (la politique de la ville ou la cohésion sociale en étant d'autres) de devenir des priorités affichées jusque dans les institutions les plus figées.

 

Deux ans plus tard: patatras !! A l'occasion du remaniement qui suivit les élections européennes de 2009, Nicolas Sarkozy modifia le sens de ce qu'aurait du être un ministre d'Etat, en conférant ce titre à Michèle Alliot-Marie... qui passait alors du ministère de l'Intérieur à celui de la Justice, laissé vacant par l'élection de Rachida Dati au Parlement européen. Seulement, un problème se posait: certes, l'ancienne présidente du RPR, figure quasi historique de la droite française, membre du gouvernement depuis le retour de la droite en 2002, obtenait un poste régalien (à la hauteur de sa personne !) mais aurait dû, logiquement, chuter dans la hiérarchie protocolaire gouvernemental, qui place le locataire de la place Beauvau (Brice Hortefeux, à l'époque) devant celui de la place Vendôme. Mme Alliot-Marie étant un dinosaure de la droite et ayant une haute estime d'elle-même, le président Sarkozy devait trouver un moyen de la remonter dans la hirérachie. Bingo: il la fit ministre d'Etat !! Et ce titre n'était plus l'occasion de distinguer un porte-feuille jugé prioritaire, mais devenait un moyen de ne pas froisser la susceptibilité des uns et des autres... Le re(ma)niement de 2010 le confirme: la nouvelle ministre de l'Ecologie, même promue, n'est pas n°2 du gouvernement (il faut dire que son porte-feuille ne semble plus majeur aux yeux de l'exécutif). C'est Alain Juppé, suivi de Michèle Alliot-Marie, qui bénficient du titre de "ministre d'Etat" et des places immédiatement situées derrière le Premier ministre. Il faut dire que le maire de Bordeaux, ancien Premier ministre, qui se voyait déjà à l'Elysée, mérite plus qu'un ministère tout simple... Et voilà comment ce qui était une bonne idée est devenue un symptôme du sarkozysme épuisé et clientéliste !!

 

Mais, il y a encore mieux: la Légion d'honneur. Je ne vais pas me lancer dans une démonstration sans fin; chacun sait où je veux en venir. Pour la première cuvée 2011 (celle du Nouvel An) de cette décoration, Nicolas Sarkozy a choisi Fadela Amara et Christine Boutin, deux anciennes ministres lourdées du gouvernement. On connaissait les rapports, les missions, les commissions pour recycler les politiciens en mal d'activité et sans mandat électif pour gagner leur pain. Voilà maintenant une médaille, initialement inventée pour honorer les citoyens les plus méritants (civils comme militaires) pour les services rendus à la France, pour faire digérer leur éviction. J'aimerais savoir quel mérite l'ancienne présidente de "Ni putes, ni soumises" a réalisé en 2010 pour obtenir cette récompense? Si ce n'est d'avoir, avant son départ, soutenu, bec et ongle, la politique et le courage du président... dont les résultats, dans sa politique en faveur des banlieues, sont si nuls ! J'attends une éventuelle réponse. Et, en patientant, parce que je n'aime pas terminer un article par des constats qui peuvent nous dégoûter de la politique, voici deux propositions pour sortir de ce système:

1- fixons un nombre précis de membres du gouvernement (ministres d'Etat, ministres, ministres délégués) en déterminant, de manière définitive, leurs attributions et inscrivons cela dans la Constitution pour que les titres ne changent plus en fonction des personnes qui les occupent... De gauche comme de droite, tout Président sera contraint de composer un gouvernement type !!

2- toujours dans la Constitution, inscrivons l'existence d'une seule cuvée (avec un nombre limité) de remises de Légion d'honneur au 14 Juillet (lors de la Garden Party) pour récompenser des "personnes rendant un service éminent à la France" avec contrôle possible par le Conseil constitutionnel ! C'est rude. Mais cela éviterait des abus qui, même symboliques, gangrènent notre démocratie !!

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