Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
JES6 - Pour une France Juste, Ecologique et Sociale

Ce blog rassemble mes idées et constitue une modeste pierre pour bâtir une alternance en 2022.

A quoi ressemblera l'après-Kaczynski?

L'annonce a été faite, samedi matin, peu avant 10 heures: le président polonais, Lech Kaczynski (photo), a trouvé la mort dans l'accident de son avion sur le territoire russe. Il se rendait en forêt de Katyn, sur les lieux d'un massacre perpétré en 1940 par le NKVD (la police politique de l'URSS) contre plusieurs milliers de Polonais, essentiellement anti-communistes. Ce massacre, que l'URSS a prezydencki_wlasciwy.jpglongtemps attribué au régime nazi pour s'en défaire, a causé la mort de militants et intellectuels engagés contre le régime stalinien. Ce n'est qu'en 1990, alors que Gorbatchev sentait la fin de son régime approcher, que le pays a reconnu sa responsabilité... ce que Vladimir Poutine, alors président russe, a confirmé au nom de son pays. Dans la mémoire collective polonaise, ce massacre correspond à l'une des dates sombres de l'histoire du pays... au point que les Polonais, peuple catholique extrêmement croyant, n'en finit pas de se désoler d'une sorte de malédiction qui frapperait les citoyens polonais (aujourd'hui, son président en exercice) à l'approche de ce lieu, actuellement situé à l'extrême-ouest de la Russie près de la ville de Smolensk.

 

Ce que vit la Pologne, avec la disparition de son président, est plutôt inédit... d'où l'importance de l'onde de choc qui ne s'est pas arrêtée aux frontières du pays, en traumastisant jusqu'aux membres de la diaspora polonaise. Il faut dire que, dans une République, rares sont les cas de disparitions subites et inattendues d'un dirigeant en exercice. On peut évidemment citer la mort de Pompidou en 1969, celle de Kennedy en 1963... mais, à part des souverains ou des dictateurs, il n'est pas courant qu'un Etat perde son chef d'Etat en cours de mandat. Qui plus est d'une manière accidentelle. D'ailleurs, certains ont douté - comme à chaque évènement d'une telle importance - de la thèse officielle de l'accident, du en l'occurence à une erreur humaine. La théorie du complot a été évoquée... et la pilote française, Christine de Saint-Genois, première femme à avoir piloté un Boeing 707, ne cachant pas, sur France Info, qu'aux premières minutes, elle a cru à un attentat. Il est vrai que les circonstances sont troublantes: un Tupolev, de construction soviétique, en assez mauvais état, s'abîme après avoir touché la cime des arbres entourant l'aéroport militaire de Smolensk... après trois tentatives ratées d'atterrissage (du fait du brouillard)... malgré les recommandations de la tour de contrôle... et avec plusieurs dizaines de dignitaires polonais à bord. Encore aujourd'hui, on se pose des questions, notamment pour comprendre pourquoi le pilote s'est entêté à vouloir atterir sur cette base, sans visibilité (avec un appareil qui n'était, semble-t-il, pas équipé pour faire face à une telle situation), plutôt que de rejoindre la terre ferme sur un aéroport civil, à Minsk (Biélorussie) ou Moscou.

 

Mon hypothèse: c'est sans doute sur l'insistance de l'entourage du président polonais, désireux de ne pas arriver en retard à la cérémonie pour laquelle il se déplaçait, que le pilote a essayé une quatrième fois de se poser sur l'aéroport le plus proche du lieu de commémoration. En effet, je vois mal un chef d'Etat (entouré de sa "cour") se plier aux choix d'un pilote pour attérir plusieurs centaines de kilomètres plus loin... Si prouesse technique il doit y avoir, c'est pour permettre à un homme de ce rang de ne pas être retardé. Rappelez vous de Nicolas Sakozy qui poussa une de ses (célèbres) colères quand il lui fallut changer d'appareil, alors que son avion subissait une panne technique peu avant son décollage. Certains ministres présents s'en souviennent encore. Bref, quand on est chef de l'Etat, on a des caprices, on fait pression, on déteste avoir tort... et on fait pression pour avoir droit à un service irréprochable. Je ne connais pas la nature du défunt président polonais, mais c'est la fonction qui veut cela. Et cette hypothèse ne me semble guère saugrenue. Passons. Car, au-delà des circonstances de cette catastrophe, d'autres questions (les journalistes disent "des polémiques") se posent: la sécurité des avions présidentiels est-elle suffisante?... Bref, c'est parano et compagnie. On apprenait ainsi, ce dimanche, que le gouvernement bolivien a accéléré l'achat d'un nouvel avion présidentiel, plus sûr (et plus cher) que le précédent, pour mieux protéger Evo Morales. En France, on se félicite de voir l'Elysée acquérir, très prochainement, notre "Air Force one" local, tout neuf, dont l'aménagement est en cours... et qui va coûter quelques millions pour un confort ultra-luxueux de notre Président. Le drame polonais permet aujourd'hui d'insister sur l'aspect sécuritaire de cet achat. Et les médias de nous en apprendre sur la réglementation des voyages officiels. Ainsi (et je l'ignorais): le président n'a pas le droit de se trouver dans le même avion que son Premier ministre ou que le Président du Sénat pour qu'en cas de drame, un seul de ces trois plus hauts personnages de l'Etat disparaisse ! Et oui !

 

Mais, revenons au coeur de mon article. La mort de Lech Kaczynski pose aussi d'autres questions, plus politiques et (accessoirement) plus intéressantes: quelle voie la Pologne empruntera-t-elle dans les prochains mois? Car, désormais, après la période d'intérim (assuré par le Président de la chambre basse du Parlement), un nouveau scrutin présidentiel sera organisé dans les deux prochains mois. M. Kaczynski, co-fondateur du parti conservateur "Droit et justice" et férocement anti-communiste durant la guerre froide, avait été élu président de son pays en 2005 et le nouveau scrutin présidentiel devait avoir lieu à l'automne... pour lequel il ne s'était pas (encore) porté candidat. Plus que le nom de son successeur, c'est la couleur politique de l'heureux élu qui aura des conséquences non négligeables... pour l'Europe. Car, ces dernières années, on ne peut pas dire - malgré les hommages appuyés des dirigeants européens - que les relations étaient au beau fixe entre Varsovie et Bruxelles. Car, Lech, et son frère jumeau Jaroslaw (un temps premier ministre et peut-être futur candidat à la présidence, en tant que leader du parti conservateur), était plus un eurosceptique qu'un euro-enthousiaste. Les médias polonais n'avaient ainsi pas manqué de souligner la panne de son stylo lorsqu'il signa, pour le ratifier, le traité de Lisbonne. Il était alors le 26ème dirigeant européen à le faire, précédant de peu son homologue tchèque, qui fit durer le suspense jusqu'à obtenir des contre-parties. Dans la même logique, c'est avec faste que le président polonais avait célébré, l'an passé, le dixième anniversaire de l'entrée de son pays dans l'OTAN... son atlantisme expliquant d'ailleurs qu'il avait réservé, en 2005, sa première visite d'Etat au président américain de l'époque, George W. Bush ! Bref, même si son parti a perdu sa majorité au profit de la coalition libérale conduite par l'actuel chef du gouvernement, Donald Tusk (leader de la "Plate-forme civique", de centre-gauche), le président Kaczynski - comme dans une cohabitation à la française - gardait la main sur la politique extérieure, et notamment européenne... faisant de son pays un boulet que les autres Européens devaient traîner pour espérer avancer.

 

Au final, la mort de Lech Kaczynski ouvre une nouvelle période dans l'histoire de la Pologne. A moins de voir son frère lui succéder (ce qui constituerait une première mondiale dans un pays démocratique - tout comme le fait que deux frères occupent, simultanément, les deux postes de l'exécutif), le pays pourrait se diriger vers une période d'europhilie plus prononcée. C'est d'ailleurs tout ce que les plus actifs de nos dirigeants sur la scène européenne (les Sarkozy, Merkel et Brwon) doivent souhaiter... car, dans un peu plus d'un an, la Pologne prendra la présidence tournante de l'UE et donnera l'impulsion au sein du Conseil européen. La perspective de voir l'un des jumeaux jouer le rôle de meneur de l'UE n'était pas pour réjouir le président français qui, à cette date, sera encore en fonction... à quelques mois de notre présidentielle. Cet épisode est d'ailleurs un signe assez intéressant. En effet, pourquoi nos dirigeants craignaient à ce point l'approche de la présidence polonaise alors que le traité de Lisbonne est censée permettre à l'UE d'avancer plus vite, plus efficacement grâce à l'impulsion de son Président, et en dehors de la valse des présidences tournantes (qui restent maintenues)? Faut-il, en lisant entre les lignes, en déduire que le système institutionnel actuel de l'Union n'est pas encore au point, de telle sorte que les présidents tournants gardent une influence majeure, en cela qu'elle peut être redoutée par leurs homologues? Décidément, cette disparition tragique (qui donne lieu à une journée de deuil européenne, chose rare !) pose beaucoup de questions. Dans un avenir proche, on devrait obtenir quelques réponses... Bonne journée !

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article