Décembre constituera un moment important: c'est, en cette fin d'année 2009, que chefs d'Etat et de gouvernement se retrouvent pour définir l'après-Kyoto. C'est-à-dire trouver un accord mondial qui satisfasse tout le monde et permette, de manière globale, une réduction ambitieuse des rejets de gaz à effet de serre... avec un impératif: répartir les efforts de manière la plus équitable possible. Car c'est l'exemple même du combat mondial qui ne saurait mobiliser qu'une partie des nations, pendant que les autres se contenteraient de faire "comme avant". Pendant quelques jours, donc, l'Europe sera au centre des regards: après le sommet de l'OTAN à Strasbourg ou le sommet du G20 à Londres, c'est la capitale danoise, Copenhague, qui va accueillir les grands décideurs. La position européenne, qui a été l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale hier après-midi (à la place de la séance de questions au gouvernement), est très attendue: les 27 vont-ils parler d'une même voix, montrant ainsi l'exemple? Il semble que oui. Une chose est sûre: si c'est le cas, les dirigeants européens montreront à leurs homologues que des pays aux intérêts souvent divergents peuvent parvenir à un consensus à la fois minimal mais aussi ambitieux. Il faut dire que, sur ce sujet, l'Europe - et ce n'est pas pour me déplaîre - à un train d'avance: tous ses membres ont signé le protocole de Kyoto et luttent contre le réhcuaffement climatique depuis plusieurs années; les plus grandes puissances du continent ont inclus un volet "environnemental" (plus ou moins développé) dans leur plan de relance d'après-crise; et, sous présidence française, les Vingt-sept se sont mis d'accord sur le "paquet Energie-climat" basé sur la règle des trois 20 (qui sont, en fait, quatre): d'ici à 2020, l'Union prévoit "d'augmenter de 20% [son] efficacité énergétique, réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre et d'atteindre 20 % d'énergies renouvelables dans [sa] consommation énergétique totale" (source: site Internet Touteleurope.fr).
Enfin, l'Europe va faire la preuve de son efficacité et prouver au monde, et à ses habitants, que l'Union fait la force. Que sur les dossiers importants, a priori abstraits, elle sait raisonner sur le long terme... même si, en matière environnementale, 2020 c'est demain ! Ce sera d'ailleurs un des enjeux de la conférence: faire comprendre à nos partenaires qu'il y a urgence. Et les discours scientifiques, justement alarmistes, sont là pour le rappeler: une hausse de 2°C d'ici à 2050 de la temparture moyenne à la surface du globe, et les dégâts sur la biodiversité seront presque irréversibles. Conséquence? Multiplication des phénomènes climatiques extrêmes (plus nombreux et plus violents) qui auront un impact majeur sur les populations, les zones aujourd'hui densément habitées (comme ces îles du Pacifique, durement touchées, ces dernières semaines, par typhons, tsunamis et autres pluies torrentielles). L'impact sur l'homme n'est pas abstrait. Et le coût financier de ce scénario catastrophe, s'il n'est pas enrayé, constitue un argument de poids qui devrait pousser nos dirigeants à agir. Car, tant que cela ne touche pas au porte-monnaie, ces questions restent sous-évaluées: "au fond, en 2050, on sera mort... et on ne sera plus là pour le voir" peuvent se dire ceux qui nous gouvernent. Le gouvernement américain aurait-il pris tant d'initiatives durables si la grande crise n'était pas survenue? Pour ne pas être mauvaise langue, on dira "sans doute". Il est vrai que certains Etats fédérés ont pris des initiatives bien avant la crise économique, prenant conscience que charbon et pétrole sont des ressources épuisables. Par ailleurs, le candidat sénateur Obama a développé un argumentaire écolo jusque-là inédit pour un prétendant à la Maison-Blancheprésidentielle. Il n'en demeure pas moins que ses initiatives pour une économie plus verte ont deux ressorts: créer des emplois dans ces secteurs prometteurs (y compris, dans la recherche, pour trouver un "charbon propre") et freiner la dépendance de son pays vis-à-vis du pétrole étranger. Ou quand l'écologie rejoint les intérêts, économiques, de chacun.
D'ailleurs, ne nous voilons pas la face: ce grand rendez-vous de Copenhague n'est pas encore un succès. Les intérêts des uns et des autres vont être difficiles à concilier. Surtout compte-tenu du contexte actuel. A croire plusieurs observateurs de la vie politique américaine, les conseillers d'Obama jugèrent de plus en plus fortement de faire capoter le sommet sur le climat, les Etats-Unis n'étant pas prêts à faire autant de concessions que ne le réclament certains de ses homologues, à la tête de pays "rivaux" sur le plan économique. Or, lors de ce sommet, les pays sous-développés et les grands Etats émergents entendent taper du poing sur la table: à défaut de parler d'une même voix face aux grands pays développés, Brésil, Chine et Afrique souhaitent conditionner leur approbation d'un accord final, qui serait historique. Prenons l'exemple du continent noir: déterminé à ne pas subir la loi des plus forts, plusieurs gouvernements africains ont décidé de se mettre d'accord en menaçant "si cela est nécessaire, [de] quitter les négociations qui seront un nouveau viol de notre continent" (dixit le premier ministre éthiopien). Pourquoi cette menace? Le ministre burkinabé de l'environnement estime que l'Afrique doit obtenir, de la part des pays industrialisés, "des réparations et dédommagements" en échange d'une promesse de ne plus toucher aux forêts (un bien précieux pour l'équilibre de la planète) et renoncer à son industrialisation. Une aide compensatoire (dans le langage technocratique) que Bruxelles se dit prête à couvrir en partie... et qui fera l'objet de discussions lors d'un sommet européen à la fin du mois.
A quelques semaines de se retrouver à Copenhague, l'Afrique entend donc montrer un visage uni et, en attendant, fait monter les enchères, analysent les sites d'information qui se sont intéressés à ce sujet. Il faut dire que, comme la plupart des pays situés dans la zone intertropicale, les Etats d'Afrique centrale seraient parmi les premiers touchés par les conséquences d'un réchauffement climatique trop marqué: sécheresses pendant la saison sèche, inondations violentes dans les grandes vallées fluviales à la saison des pluies. De quoi perturber les économies, déjà fragiles, de régions où le partage des richesses est encore une douce utopie. Certaines prévisions annoncent une baisse des rendements agricoles de près de 50% dans certaines régions... alors que l'Afrique est le continent dont les habitants subissent le plus durement des problèmes liés à leur faible (et piètre) alimentation. Et, pour couronner le tout, la désertification de certains secteurs, associés à un manque accru d'eau, pourrait bien entraîner ces conflits du XXIème siècle, pour le contrôle des ressources vitales. Hier, on se battait pour le pétrole. Demain, on se battra pour l'eau. Et, l'Afrique, ce continent déjà meurtri par des guerres civiles et des conflits violentes entre Etats, devrait être le premier touché. Partant de ce tragique constat, une poignée de dirigeants (car tous ne se mobilisent pas pour les questions environnementales) ont décidé, depuis décembre, de s'organiser. Après une première réunion en Ethiopie, la rencontre de Ouagadougou, la semaine dernière, s'est achevée sur une position commune. Et la position africain se radicalise: victime du réchauffement sans en être responsable (l'Afrique produit très peu de gaz à effet de serre), le continent demande donc réparation auprès des vrais responsables qui, par contre-coup, pourraient freiner son développement. A Copenhague, on parlera donc sans doute moins des initiatives type "taxe carbone" pour changer les comportements des citoyens qu'on ne négociera pour sauver la face. Un feuilleton digne des plus grands rendez-vous purement diplomatiques... où l'essentiel se passe en coulisse, sur des sujets que le grand public ne maîtrise pas ! De là à dire qu'on s'achemine vers un échec: je vous laisse le soin de mesurer s'il faut ou non franchir le pas...