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JES6 - Pour une France Juste, Ecologique et Sociale

Ce blog rassemble mes idées et constitue une modeste pierre pour bâtir une alternance en 2022.

Nous vivons dans un monde d'argent

A la lecture du titre, beaucoup d'entre vous vont penser: "il aurait pu s'en rendre compte plus tôt !". Certes. Mais l'actualité offre fréquemment de belles occasions d'évoquer ce lien que nous entretenons avec l'argent, lien qui est encore davantage évoqué les années d'élections, les promesses des candidats ayant un coût qui attire de plus en plus l'attention des Français. Qui va payer les "cadeaux" fiscaux aux foyers les plus riches, imposés à plus de 50%? Que dit la commission de Bruxelles sur l'objectif d'un retour à l'équilibre avec deux ans de retard sur les engagements précédents? Pouvoir d'achat, "travailler plus pour gagner plus", engouement sans faille pour les super cagnottes du Loto, ouvrages sur l'argent de l'Elysée ou le train de vie des parlementaires... les occasions de parler d'argent sont innombrables. Il faut dire que le creusement des inégalités, récemment mis en lumière par une enquête universitaire, publiée par Libération, explique ce phénomène: les riches aspirent à être toujours plus riches (et ils y parviennent), pendant que la grande majorité, silencieuse, des Français doit "travailler plus" pour espérer "gagner plus". Ce phénomène est, historiquement, ancien: de tous temps, les hommes des classes inférieures ont aspiré à intéger, si ce n'est les élites, au moins les classes moyennes.

Complément en date du 20 jullet. Ce n'est que pur hasard: un sondage publié ce vendredi confirme cette tendance: alors que nos voisins allemands ou britanniques comptent majoritairement sur le travail pour s'enrichir, la part des Français comptant sur le Loto est plus importante que celle des Français qui comptent sur leur emploi. Comment, dans ce contexte, oser réformer les retraites, le temps de travail ou instaurer un service minimum dans certaines services publics, sans craindre de s'opposer à une majorité de Français qui ne les pensent pas indispensables?

Mais, le rapport de nos sociétés occidentales à l'argent a quelque peu évolué: la facilité avec laquelle les plus riches amassent des millions d'€uros et la visibilité de leurs dépenses pharaoniques (le luxe tapageur n'est plus honteux, comme l'épisode du yacht maltais l'a montré) ont installé une image, fausse, d'argent facile à gagner. D'où le débat, récurrent, sur la valeur travail qui n'est pas, comme le pense Nicolas Sarkozy, un signe d'une crise morale française (bien plus complexe, comme le montre l'excellent ouvrage de Ghislaine Ottenheimer, intitulé "Nos vaches sacrées", dont je ferais un compte-rendu en début de semaine prochaine). Désormais, l'argent est considéré comme totalement l'indispensable, contre-disant l'adage "l'argent ne fait pas le bonheur": les Français n'en veulent pas trop, mais en veulent toujours plus. L'affaire Lipietz, opposant la famille du député européen Verts à la SNCF pour le rôle de cette dernière dans la déportation de Juifs français, révèle ce phénomène: dans les affaires judiciaires, les familles de victimes ne réclament plus une réhabilitation morale de leurs parents mais une indemnisation financière qui fait alors office de réhabilitation.

Et cette tendance n'est pas nouvelle: depuis une dizaine d'années, les parlementaires français succombent aux sirènes de groupes de pression en tout genre et légifèrent sur des thématiques historiques qui ne sont pas de son ressort. La reconnaissance du génocide arménien, de la traîte négrière, et le classement de ces deux phénomènes comme crime contre l'humanité, engendre une inflation des procès en diffamation, qui se soldent par des demandes d'indemnisation pécunières, qui n'ont pas lieu d'être. Ainsi n'est-il pas rare de voir des historiens traînés en justice et/ou condamnés pour négation de crime contre l'humanité, des descendants d'esclaves (de qui parle-t-on?) attaquant un historien pour un livre mettant en avant l'existence d'un escalavage arabe sur les population africaines avant que les Européens ne mettent en place le célèbre commerce triangulaire. De même, la communauté des historiens discutant encore pour savoir si le "génocide" arménien est un massacre ou une extermination organisée de populations selon des critères ethniques ou religieux (c'est la définition d'un génocide !), certaines descendants d'Arméniens tués en 1915 profitent des lois françaises sur le sujet pour attaquer en justice les historiens niant l'existence d'un génocide.

Les plaignants souhaitent-ils une reconnaissance morale des atrocités dont leurs proches ont été victimes, ou une indemnisation financière qui peut se compter en dizaines ou centaines de milliers d'€uros? La question a un retentissement particulier, deux affaires de l'actualité récente pouvant faire office d'illustrations. L'archidiocèse de San Francisco vient de débourser plusieurs millions de dollars pour dédommager les personnes victimes de sévisses sexuelles de la part de prêtres américaines. Ici, tout le monde y trouve son compte: les plaignants évitent un procès et touchent le magot, l'Eglise évite le procès qui mettrait à mal son image. Toutefois, on peut se demander si un accord financier trouvé avant un procès, qui aurait le mérite de porter une condamnation sanctionnant des actes ignobles, nettoie l'image de l'Eglise américaine. Certaines victimes de prêtres pédophiles, parmi lesquels des hommes, ont d'ailleurs répondu à cette question en maintenant leurs plaintes.

Enfin, pour ce qui est des infirmières et du médecin bulgares (photo), condamnés en Libye, le cas est bien plus complexe, mais non moins éclairant: les familles des enfants vont donc touchées 1 million de dollars chacune, les autorités libyennes triomphant dans cette affaire, apparaissant comme conciliantes face à un dossier que les Européens ont négocié "par l'argent". Comment auraient-ils pu faire autrement? En faisant la différence entre indemnisation morale et financière: ici, c'est le deuxième cas qui a été retenu, l'UE et la Bulgarie ayant acheté l'indulgence des familles de victimes. Mais, qui garantit aux enfants libyens, hospitalisés dans les établissements incriminés, de ne pas connaître le même sort? A-t-on vraiment répondu au problème qu'a posé cette affaire? Non. Il aurait fallu, pour cela, une réparation morale à l'égard des victimes: l'argent débloqué aurait alors servi à la modernisation des hôpitaux libyens, les familles des victimes ayant alors la certitude que leurs enfants ne seraient pas morts "pour rien"... et on en est loin !! Comme d'habitude, on évite les vrais problèmes.

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