8 Juin 2007
Précisons tout d'abord que la question ainsi posée ne sous-entend pas une réponse négative: il est évident que, la majorité des Français ayant choisi Nicolas Sarkozy, la majorité d'entre eux s'apprête à reconduire la majorité sortante, pour la première fois depuis 1974. Ma question reprend en fait la une du dernier numéro de Marianne (samedi 2 juin), qui affirme ceci: "Où il est démontré que, pour permettre une vraie rupture, il est totalement absurde de reconduire les sortants...". Cette remarque appelle deux commentaires: 1- il est vrai qu'il est difficile de rompre avec les cinq dernières années si les parlementaires qui seront le support de la rupture sont les mêmes qui ont permis de mener la politique (en partie, contestée) du précédent quinquinnat. 2- les Français sont libres de donner une majorité à l'UMP, en donnant leurs chances à des "nouveaux" et en écartant les "anciens". Dans cette optique, l'hebdomadaire dresse la liste de ceux dont "il ne faudrait pas qu'ils rempilent", en les classant en cinq catégories. "Les grandes gueules réacs": Eric Raoult, Didier Julia, Jérôme Rivière, Christian Vanneste, Olivier Dassault, Thierry Mariani, Christian Estrosi et Georges Fenech. "Les papys de l'Assemblée": Jean-Pierre Soisson, Louis Guédon, Loïc Bouvard. "Ces girouettes qui pleurent": Nicolas Perruchot, Hervé Morin, Charles de Courson, Maurice Leroy ou François Sauvadet. "Cinq ans de plus pour ceux-là aussi?": Pierre Bédier, Jean-François Mancel, Jean Tiberi, André Santini ou Patrick Balkany. "Le prix à payer pour une autre gauche": Michel Delebarre, Jean Glavany, Daniel Vaillant. Malheureusement, ce sont aussi ces hommes qui bénéficient, pour la majorité d'entre eux, des circonscriptions les plus propices à une réelection !
Il est vrai que la France a besoin de "renouveau" (c'est le slogan de la candidate socialiste de ma circonscription !), ce qui passe par des réformes de nature institutionnelle: la parité, le non-cumul des mandats pour les parlementaires, une limitation du nombre de mandats dans le temps (il n'y a pas qu'un personnage talentueux par circonscription tout de même !), un âge limite d'activité (mais, là, demander à un parlementaire de quitter son siège, donc de renoncer à nombre d'avantages et à un salaire très attractif, pour laisser la place aux jeunes paraît être une mission délicate). Ce type de réforme, souhaitable (mais dont les dispositions peuvent être débattues), ne peut être soumis qu'au vote du peuple souverain, car on imagine déjà le résultat d'un vote par le Congrès ! Pour ceux qui ont peur que cela changent, soyez rassurer: la situation ne devrait pas évoluer d'ici à 2012 (voire plus...) même si le président Sarkozy laisse entendre qu'une "dose minoritaire de proportionnelle" pourrait s'appliquer dans cinq ans !!
Voilà une bonne nouvelle: la mesure aurait le mérite de faire bouger (un peu) les choses, sauf si cette part minoritaire est de l'ordre de 10% comme l'avait suggérer Brice Hortefeux pendant la campagne. Exemple concret: le FN a recueilli environ 10,5% des voix à la présidentielle. Avec le vote majoritaire, il pourrait se maintenir dans certaines circonscriptions (pour former des triangulaires) mais n'a aucun espoir d'être représenté au Palais Bourbon. En consacrant 58 sièges à la proportionnelle, le FN obtiendrait 5 à 6 mandats, soit 1% des sièges ! Avec 33% de sièges soumis à la proportionnelle (comme je le propose), le parti de Le Pen serait représenté par 18 personnes, soit 3% des sièges. Il n'y aurait pas de menaces sur la constitution d'une majorité et la diversité idéologique de la France serait, en petite partie, représentée dans le pouvoir législatif.
J'en viens au dernier point de cet article, qui concerne les majorités trop écrasantes qui, l'histoire de la Vème République le montre, n'ont jamais été de bonnes périodes pour la vie politique, et plus largement pour la vie du pays. Je citerais ici l'exemple le plus frappant pour prouver qu'une majorité trop importante, de par le poids qu'elle représente, notamment face au pouvoir exécutif, dérive toujours vers le "moins bon": au début, ces Assemblées monocolores adoptent tous les projets de lois dans trop de difficulté mais elles finissent toujours pas s'émanciper. Ainsi, en 1958, avec le retour triomphant du général de Gaulle, rédacteur d'une nouvelle constitution, c'est une majorité bleue très large qui arrive à l'Assemblée: la période du gouvernement Debré se passe sans heurts... jusqu'à ce que le général soumette à référendum l'élection du chef de l'Etat au suffrage universel direct. La majorité renverse alors le gouvernement de l'époque, celui de Pompidou, installé depuis quelques mois, et qui est le seul gouvernement à avoir été renversé par une motion de censure. La majorité, toujours de droite, qui sort des législatives anticipées de 1962 (consécutives à la dissolution prononcée par de Gaulle), est moins nette: Pompidou pourra se maintenir pendant une législature sans problèmes !! Voulez-vous envoyer une majorité de 400 députés UMP, dont une grande majorité de sortants, à l'Assemblée? Attention, il ne vous reste plus que deux jours pour choisir.