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JES6 - Pour une France Juste, Ecologique et Sociale

Ce blog rassemble mes idées et constitue une modeste pierre pour bâtir une alternance en 2022.

Quand le caméléon terrasse ses adversaires

Finalement, ce n'est pas une grande surprise. C'est plutôt une grande déception: José Manuel Barroso, ancien premier ministre portugais, vient d'être reconduit, cet après-midi, à la tête de la Commission européenne pour un second mandat de cinq ans. Après la déroute des gauches européennes et la relative stabilité des droites, qui concerve leur majorité relative, une majorité absolue d'eurodéputés ont donc accordé leur confiance au Président sortant. Et l'information est déjà largement commentée comme une sorte de victoire éclatante du Portugais: 736 électeurs, 718 votants, 117 abstentions, 382 votes "pour" et 219 "contre". Autrement dit, la participation s'élève à 97,6% et 63,6% de ceux qui ont émis un avis ont voté en faveur de Barroso, chiffre ramené à 53,2% si l'on tient compte des abstentions ou encore à 51,9% de l'ensemble du corps électoral ! Bref, on aura beau chercher, il n'y a aucune façon de contester ce résultat... si ce n'est en analysant les conditions précises de ce vote.
 
1- la réélection de M. Barroso a ce poste s'est tout de même tenue trois mois après les dernières européennes, qui ont renouvelé les bancs du Parlement de Strasbourg, alors que l'heureux élu aurait préféré être reconduit dans la foulée, avant l'été... et plus de quatre mois avant la fin de son premier mandat ! Ce léger contre-temps, qui n'est pas uniquement lié aux vacances, revêt une importance capitale: il signifie tout simplement que le bilan de Barroso I ne lui a pas suffi pour sauver sa tête. En effet, s'il avait été un président de Commission efficace et réactif, la coalition qui l'a réélu aujourd'hui l'aurait fait dès juillet, et la session inaugurale de la nouvelle Assemblée. Or, les eurodéputés de la droite européenne ont signifié au Portugais qu'il devait donner des gages pour garder son fauteuil: en trois mois, il a donc pondu un rapport d'une cinquantaine de pages (sur lequel je reviendrai plus loin). Les chefs d'Etat et de gouvernement lui avait, quasiment simultanément, infligé le même sort ne lui accordant leur soutien unanime qu'après production d'un autre document, d'une quarantaine de pages cette fois, en guise de programme pour son second mandat. En gros, les Sarkozy, Merkel, Brown et compagnie ont accordé leur confiance (ou le bénéfice du doute?) à Barroso après que celui-ci leur ait promis ce que les dirigeants européens voulaient entendre, surtout en période de crise. Idem du côté de Strasbourg !
 
2- le soutien des chefs d'Etat, parlons-en ! Barroso se targue, parmi les arguments qu'ils déployaient pour sa petite personne, d'avoir reçu l'appui des 27 dirigeants "démocratiquement élus" (histoire de rappeler à ses détracteurs que le choix de ceux-ci est donc légitime et qu'il le mérite). Sauf que, pour ces dirigeants hyper-actifs, dont certains se retrouvent au G20 et occupent leur terrain médiatique national respectif, Barroso est le meilleur des candidats. Il ne risque pas de prendre des initiatives et de transformer la Commission en organe avançant des propositions. En le gardant à son poste, ils sont donc presque sûrs de garder la main sur la politique européenne, la Commission jouant le rôle de transmission (en rédigeant les projets de directive) vers un Parlement qui, heureusement, ne se contente pas d'être une Chambre d'enregistrement. Non seulement le président sortant n'est pas le mieux placé pour bâtir une Europe politique forte, avec des organes démocratiques qui sachent imposer des harmonisations à tous les Etats membres, pour le bien des populations. Mais les chefs d'Etat et de gouvernement, en voulant garder la main, joue le même jeu: ne pas transférer à Bruxelles trop de prérogatives. En somme, pour les cinq ans qui viennent, ceux qui rêvent - comme moi - d'une Europe politique forte ont encore de nombreuses nuits pour poursuivre ce songe.
 
3- pour séduire son auditoire, sceptique en juillet, le président Barroso a donc présenté un programme. Cinquante pages dans lesquelles il promet "une Europe plus sociale et plus écologique". Bingo ! Les deux mots magiques sont dans la phrase. Cette fois, c'est sûr, il a une ligne directrice, il sait où il va, il a une ambition pour l'Europe. Et une majorité des eurodéputés sort satisfait de ce tour de passe-passe. Il n'y a d'ailleurs qu'à voir l'attitude, à la fois sérieuse et enjouée, du Portugais lorsque les présidents de groupes ont pris la parole, hier, à la suite de son discours de politique générale (ça y ressemble vaguement) afin d'exprimer leurs avis pour se convaincre que la partie était gagnée (photo). Ce programme, mi-rouge mi-vert, a-t-il suffit? Il semble donc que "oui". Comme pour les chefs d'Etat, il a suffi de carresser l'hémicycle dans le sens du poil, de faire quelques promesses qui contentent les plus libéraux, les centristes, quelques xénophobes anti-Europe et le scrutin était plié. Est-ce un hasard si on le surnomme le "caméléon" capable, dans un français impeccable, d'adapter son discours à son public et de se montrer pugnace? La recette est vieille comme la politique. Elle fonctionne toujours aussi bien.
 
4- Il faut dire aussi que Barroso a bénéficié du soutien indirect de ses opposants pour s'installer durablement dans son fauteuil. Avec "Dany le Vert" en chef de file, les anti-Barroso ont aussi bien réussi leur pari que les anti-Sarko à Paris. S'opposer au pouvoir en place, sans proposer d'alternative, cela ne marche pas. Il ne suffisait donc pas de critiquer le président sortant (et il méritait de l'être). Il aurait mieux fallu accompagner ce plaidoyer d'une candidature de la gauche et du centre. Si seulement, face à Barroso, un progressiste avait fait acte de candidature proposant une autre ligne politique... Sans majorité absolue, la droite avait pourtant toutes les conditions pour l'emporter: Barroso était seul en lice et il avait, chose rare mais capitale, un programme ! A un seul moment, Barroso a du trembler lorsque des rumeurs annonçaient que la droite européenne aurait pu se ranger derrière la candidature de... François Fillon. Rumeur lancée par l'Elysée pour trouver au premier ministre un autre point de chute que la mairie de Paris, alors qu'Hortefeux se prépare à entrer à Matignon après les régionales? On ne sait pas. En tout cas, avec une gauche tout juste bonne à s'opposer, c'est de droite que la menace a failli arriver.
 
L'avenir, maintenant? Il est bien possible que tout reparte comme avant: commentant son succès, Barroso s'est d'abord félicité d'avoir dépassé les 380 votes, barre qu'il avait pronostiqué. J'y vois une très mauvaise nouvelle. D'une part, parce que ce qui intéressait d'abord Barroso, c'était donc d'être reconduit. Son programme bidon, c'était pour divertir la foule ! D'autre part, cette relative belle victoire ne va pas l'inciter à se surpasser pour défendre "son parti: l'Europe". S'il ne l'avait emporté que de justesses, il aurait été contraint de faire ses preuves. Ce soir, le voilà conforté avec une belle marge de manoeuvre... qui ne l'incite nullement à plus d'humilité. Par ailleurs, le président réélu va devoir composer sa nouvelle commission et accueillir un représentant de chacun des 27 Etats membres. Et, soyez-en sûr: ce ne sera pas l'étape la moins longue. En échange de leur soutien unanime, chaque chef d'Etat et de gouvernement a dû négocier un nom pour une place de commissaire. Côté français, la rumeur Barnier continue: l'ancien commissaire, sous Romano Prodi, et ancien ministre de l'Agriculture (un vrai passionné d'Europe, d'ailleurs), pourrait obtenir un maroquin. Ce qui serait, disons-le tout net, proprement scandaleux: se présenter à une élection pour avoir une bonne place, médiatique et bien payée, passe encore. Mais que ce soit la même personne qui occupe, à 5 ans d'écart, un même poste: vive le turn-over ! Quelles que soient ses qualités, il y a sans doute d'autres potentialités dans la droite française pour participer à cette Commission. De toute façon, si les Irlandais approuvent le traité de Lisbonne (ce qui ne semble pas gagner d'avance), les institutions vont connaître quelques changements. Barroso passera définitivement au second plan lorsqu'un Président de l'UE, élu pour deux ans et demi, aura été désigné (en espérant que ce qui vient de se produire ne se rejoue pas en faveur d'un Tony Blair qui serait le seul prétendant). Et la commission ne comptera plus autant de commissaires que d'Etats membres, jouant plutôt la carte de la compétence que celle d'égalité entre les nationalités pour recruter une équipe sans doute trop lourde. Les Irlandais ont donc, dans les mains, une partie de l'avenir de l'Union ! A suivre...
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B
Bonsoir AurelienTerrasser est un bien grand mot pour sa reélectionJe trouve bizarre ce petit score car il était le seul candidat, nan Je m'excuse de n'avoir pas du tout suivi cette élection Vous allez me dire qu'il y avait aussi les Verts avec Cohn-Bendit, c'est ca ?Mais vu le taulé suite à la taxe carbone que beaucoups considére injusteSans compter l'europe de l'est qui ont une autre prioritéFallait s'y attendre comme maintenant à rejetter toute proposition les concernant
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A
<br /> Bonjour Bria,<br /> <br /> Ce scrutin était tout de même particulier. Il y avait donc d'un côté, le président sortant qui ne faisait pas mystère (depuis de longs mois) de son envie de rempiler (à tel point qu'il ne<br /> faisait le tour des grandes capitales que pour assurer sa réelection). Mais, de l'autre, personne...<br /> <br /> Et le vote s'est transformé en référendum pour ou contre Barroso: pour les centristes, qui l'avaient déjà plus ou moins soutenu ces 5 dernières années, c'était donc Barroso ou le vide. Ils savaient<br /> donc ce qu'ils perdaient, sans savoir ce qu'ils gagneraient en retour... Au final, les anti-Barroso n'ayant pas été capables de produire un projet alternatif porté par la candidature d'une<br /> personnalité identifiable, ils ont très nettement échoué.<br /> <br /> Par ailleurs, les analystes ne pariaient pas sur une réélection à la majorité absolue (369 voix) - condition introduite par le traité de Lisbonne, pas encore appliqué. Barroso parlait, timidement,<br /> d'une victoire à 380 voix. Il en obtient 382. Après le vote, il exulte. L'ampleur de sa victoire était inattendu. J'en conclus qu'il a donc écrasé la concurrence, quelque peu humiliée.<br /> "Terrasser" est peut-être excessif. Mais cela traduit tout de même ce qui s'est passé.<br /> <br /> Quant à Cohn-Bendit, il a mené la campagne anti-Barroso parlant notamment du (mauvais) bilan de la commission. Mais, s'opposer ne suffit donc pas !<br /> <br /> <br />
P
Bonsoir Auréliene,<br /> Les grands esprits se rencontrent...!Je suis certains comme  tu le dis que l'Irlande sera le point d'achoppement, et que si ils y vont...et bien rien ne sera plus comme avant et Mr Barroso n'aura pas un deuxième mandat comme le premier....Un Président, et un vice-président de la commission dans les pattes, un responsable de la politique étrangère...bref les cartes auront changées de mains...peut êtr epas les bonnes il va falloir être plus actif  sur ce poitn  c'est sur.Mais les députés non libéraux ont senti qu'ils pouvaient faire quelque chose,  et qu'ils n'ont pas  été bons sur cette "campagne" là, et devront s'améliorer sur la future pour barrer le chemin à Mr Blair, encore faut-il qu'il y ait quelqu'un qui s'engage sur cette voie comme je le disait hier...!A bientôt<br /> Ps La newsletter c'est fait...! 
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A
<br /> Effectivement ! Bonjour Pelion,<br /> <br /> Les centristes du Parlement ont été un peu mous, facilitant ainsi la reconduction de Barroso. Pensaient-ils que ce scrutin était moins important que le prochain?... A voir. En tout cas, si les<br /> Irlandais rejettent le traité, le problème d'une Commission aux ordres des Etats avec un président sans envergure ni capacité d'initiative reste le même !!<br /> <br /> <br /> <br /> A tous les lecteurs du blog Jes6, allez lire l'article de Pelion et inscrivez-vous à sa newsletter (merci, ça manquait...).<br /> <br /> <br />