Gasquet-Kouchner, même combat?

Décidément, c'est l'époque des comparaisons inattendues sur Jes6. Après celle entre Ségolène Royal et Léon Blum, voici que j'ai décidé de confronter deux informations de l'actualité récente: le premier a été contrôle positif à la cocaïne, tandis que le second a annoncé son intention de voter pour la liste UMP conduite par son collègue du gouvernement, Michel Barnier, en Ile-de-France pour les prochaines européennes. Quel rapport, me direz-vous? Et bien, je vais vous expliquer.
 
Prenons les deux cas, un par un. Concernant Richard Gasquet (photo: au centre avec, à ses côtés, Jo-Wilfried Tsonga à gauche et Gaël Monfils à droite), celui qui était présenté comme le nouveau Noah, prodige du tennis français qui pourrait nous offrir bon nombre de récompenses, a été contrôlé positif à la cocaïne d'après un échantillon A lors d'un tournoi (à Miami) pour lequel il allait déclarer forfait. Alors qu'il n'est pas sûr de participer au prochain tournoi de Rolland-Garros - ce qui éloigne les chances tricolores de gagner à nouveau, côté messieurs, ce tournoi -, il a été provisoirement suspendu ce lundi... en attendant le résultat d'analyses plus approfondies. Sans rentrer dans les détails du dossier, signalons que le joueur a avoué avoir utilisé cette drogue mais les juges du sport vont devoir déterminer s'il s'agissait d'une consommation personnelle (qui n'engendrerait pas de sanction sportive) ou s'il s'agissait d'un moyen de ses doper (ce qui pourrait lui valoir jusqu'à deux ans de suspension). Cette annonce, immédiatement précédée de celle du dopage, également par cocaïne, du cycliste belge Tom Boonen, plusieurs fois vainqueur du Paris-Roubaix, a évidemment relancé le débat sur les sanctions anti-dopage à prendre. Et il faut le dire clairement: des sanctions sont nécessaires car, si elles n'avaient pas lieu, ce serait envoyer le mauvais message ("continuez à prendre de la drogue pour votre usage personnel, ce n'est pas grave"). Quant à savoir quel type de sanctions il faut prendre, c'est un autre (douloureux) problème: les uns privilégieront la suspension à vie pour une sorte de faute grave (je suis de ceux-là puisque, côté politique, j'aimerais la même chose pour les politiciens verreux qui détournent des fonds publics à des fins d'enrichissement personnel), les autres ne souhaiteront pas franchir le pas... sous prétexte qu'un sportif bien payé, ça fait rêver les gamins !
 
Mais, il y a quand même des limites à ne pas dépasser: peut-on justifier tous les comportements, mêmes les plus irresponsables et qui sont donc loin d'être des modèles pour notre jeunesse, parce qu'ils sont censés faire rêver? Peut-on justifier des rémunérations himalayennes, des grandes stars du foot européen ou de certains champions, parce qu'ils peuvent ainsi acheter les voitures et les villas qui font rêver les jeunes? Absolument pas ! Quel que soit le talent de ces sportifs, dont les seules primes de victoire (lors des compétitions) suffiraient à nourrir une famille modeste pendant des décennies, le niveau de ces rémunérations est d'autant plus choquant... que leurs bénéficiaires prennent soin de planquer le magot en Suisse. Même nos joueurs français, qui ne gagnent pas si souvent que cela, et qui ne touchent donc pas les salaires les plus élevés, copient celui qui est peut-être un de ces modèles qui les faisaient rêver, dans leur enfance (notre Johnny national, en tournée d'adieu pour un an... qui en profite pour recharger son compte en banque, à la manière d'un Michael Jackson en cale sèche). Ne soyons pas mauvaise langue: Richard Gasquet n'a pas, contrairement à bon nombre d'autres tennisman français (dont Tsonga et Monfils), cédé à la tentation de s'installer au bord du lac Léman... puisqu'il est dans le canton de Neufchâtel. C'est sur ce ton ironique que le site de Marianne annonçait cette nouvelle, il y a quelques mois. S'il s'agit, donc, de construire de modèles de bons citoyens pour notre jeune génération, c'est plutôt râté...
 
Et il ne faut désormais pas compter sur Bernard Kouchner, pourtant ministre de la République. A moins qu'il ne s'agisse de savoir ce qu'un "bon" citoyen ne doit pas faire: depuis quand doit-on annoncer publiquement, après une réflexion médiatisée, le contenu du bulletin que l'on s'apprête à glisser dans l'urne? Je croyais que, dans une démocratie, le vote était secret et que chaque citoyen n'avait pas à justifier son choix. Franchement, que Kouchner vote UMP pour nous prouver qu'il a changé casaque ou qu'il annonce voter PS pour nous faire croire qu'il a toujours le coeur à gauche - alors que, dans le secret de l'isoloir, il peut faire le contraire -, qui cela intéresse vraiment? Est-ce le moyen d'intéresser les citoyens au scrutin de juin prochain? Je ne le pense pas. Dès lors, l'attitude du ministre, celle de personnalités politiques (comme Alain Juppé, qui s'est précipité pour dire que la solidarité gouvernementale l'obligeait à voter UMP: s'agit-il d'une obligation constitutionnelle?) ou encore celle de médias qui, comme France Info recevant Jack Lang ce matin, demandent leur avis à leurs invités sont toutes aussi détestables les uns que les autres ! Bref, qu'il s'agisse du citoyen Kouchner ou du citoyen Gasquet, le modèle à suivre n'est pas le bon... Rappelons trois évidences: 1- un citoyen a des droits mais aussi des devoirs, dont celui de participer aux scrutins qui font la vitalité d'une démocratie; 2- les choix qui sont faits, à moins qu'ils ne soient librement énoncés, ne peuvent en aucun cas être rendus publics sous une quelconque pression (surtout quand celle-ci vise à orienter - si ce n'est imposer - le choix du citoyen en question); 3- les impôts sont le nerf de la guerre, sans lesquels les services publics que l'Etat se doit de nous garantir ne peuvent fonctionner correctement. Mieux vaut donc gagner de quoi vivre - même s'il ne s'agit pas de milliers d'€uros par mois - payer honnêtement ses impôts et être fier de son comportement citoyen !