Le Zimbabwe s'enfonce dans la crise

23/04/2009 21:46

Non, il ne s'agit pas des répercussions de la crise financière sur ce pays africain, jadis plutôt riche et puissant dans le sud du continent... mais de mesurer à quel point une dictature sans merci, celle de Robert Mugabe, peut tout simplement être la cause directe d'un crime contre l'humanité par ommission. Car, pendant que ce dirigeant, âgé de 84 ans et qui s'apprête à célébrer son 21ème anniversaire à la tête du pays, vit à l'abri de tout besoin dans un palais sécurisé de la capitale Harare, ses concitoyens meurent de faim, de soif ou encore, depuis le déclenchement récent d'une sérieuse épidémie, du choléra... Des Zimbabwéens qui tentent de survivre tant bien que mal malgré la crise alimentaire que subit le pays (la plus grave de son histoire !) et l'hyper-inflation qui, depuis plusieurs années, a considérablement précarisé les travailleurs. Une situation qui provoque des déplacements de miséreux, par centaines, à destination du voisin sud-africain. Et le tout, dans l'indifférence quasi-générale de pays occidentaux empétrés dans leur crise, financière et socio-économique celle-là.

Aujourd'hui, le pays est au bord du gouffre. L'ex-Rhodésie, longtemps considérée comme un grenier de l'Afrique, tant sa production était abondante et de qualité, a plongé dans la plus grande misère, devenant assurément l'un des Etats les plus pauvres du monde... derrière Haïti notamment. Or, en ne se préoccupant pas une seconde du sort de ces centaines d'hommes, de femmes et d'enfants sous-alimentés, dont certains meurent par dizaines chaque jour dans les villages les plus atteints par le choléra - maladie, véhiculée par l'insalubrité de l'eau, que l'Europe n'a plus vu depuis le Moyen-Age -, nos pays dits riches, ceux-là même qui défendent les droits de l'homme au Tibet mais pas au sud de la Méditerranée, participent également à ce crime contre l'humanité par ommission. Et ce ne sont pas les appels de l'ONU, à travers ses communiqués, qui changeront les choses. Tant que nos dirigeants ne prendront pas conscience qu'une vie humaine, quelle que soit la couleur de peau ou les croyances de son "porteur", a plus de valeur que n'importe quoi, les Etats développés n'agiront jamais assez pour contribuer au développement des Etats sous-développés. Lesquels cumulent tant de difficultés - pauvreté, endettement auprès de certains organismes internationaux, conflits multiethniques, corruption, absence de démocratie et de libertés - que, sans notre aide - morale et surtout politique -, ils ne s'en sortiront pas durablement. Et ce n'est pas leur faire injure que de leur proposer notre aide. Au contraire, parce que nous devrions porter nos efforts sur le bien-être des peuples, nous avons le devoir de ne pas laisser de telles situations perdurer.

C'est dans ce contexte que, mercredi dans son journal de 20 heures, France 2 - remplissant sa mission de service public ! - diffusait l'enquête de l'excellent Dominique Derda, correspondant de la chaîne en Afrique. Intitulé "Au pays du choléra", ce reportage - suivie de l'intervention en direct d'Afrique du sud de son auteur - était le fruit d'un travail d'investigation mené par ce grand reporter, ayant pénétré au Zimbabwe comme touriste, muni d'une mini-caméra, le pays de Mugabe faisant partie de ces Etats où les journalistes occidentaux ne sont pas les bienvenus. Partant à la rencontre du quotidien des habitants du pays et des organisations humanitaires qui travaillent sur place, Dominique Derda propose ainsi un de ces reportages qui, à l'image de certains sujets diffusés dans "Envoyé spécial", mérite d'être récompensé. Prenez un peu plus de six minutes et regardez cette séquence:

Le Zimbabwe touché par le choléra
envoyé par apocalyptique01 (source: site Internet de Dailymotion)

Depuis que l'épidémie de choléra a fait son apparition, dernier signe d'une aggravation terrible des conditions de vie d'une population silencieuse, les choses semblent bouger quelque peu. Dans une intervention publique, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a rappelé que le pays ne disposait pas d'un gouvernement stable devant rassembler partisans du président Mugabe et opposants, qui étaient arrivés à égalité lors du second tour des dernières élections générales. Et le dirigeant des Nations Unies de dénoncer l'inefficacité patente du président en place dans la gestion d'une "crise multisectorielle" dont l'épidémie n'est qu'une illustration supplémentaire. En parallèle, notons que les appels au départ de Mugabe, qui pourrait laisser sa place à une opposition ayant canalisé un rejet jusque-là silencieux (et honteux?) du dictateur, se multiplient: outre George W. Bush, lui aussi sur le départ - et dont les déclarations ne pèsent plus bien lourd - ce sont des dirigeants de la région, notamment sud-africains, qui appellent leur voisin à ne pas s'accrocher au pouvoir avec tant d'acharnement. Car, et c'est là le principal problème, tant que Mugabe ne quittera pas ses fonctions, les associations (telle Action contre la Faim qui, sur son site Internet, lance un appel aux dons pour agir dans ce pays) auront beau produire les plus importants efforts d'aide d'urgence aux habitants, le pays ne se redressera pas... Mais, là, se pose un problème majeur pour la communauté internationale: comment virer un dictateur et rétablir la démocratie pour que les aides financières et logistiques occidentales ne soient pas éventuellement détournées? Je n'ai pas la réponse. Et pourtant, il va bien falloir que nous nous décidions à agir, car la vie de milliers d'Africains, fragiles et "innocents", en dépend. C'est tout simplement un devoir moral !!