15 Octobre 2008
Le politique peut-il lutter contre ces supporters qui viennent au stade pour gâcher ce qui devrait être une fête? C'est l'une des questions qui se posent au lendemain de la rencontre amicale entre les équipes de France et de Tunisie de football, qui s'affrontaient au stade de France. Rencontre marquée par le sifflement de l'hymne national français, interprété avant le début du match par la chanteuse française d'origine tunisienne Lââm, par de pseudo-supporters tunisiens (photo) qu'il sera bien évidemment impossible d'identifier. C'est le troisième fois que l'hymne national français est ainsi sifflé sur notre sol: cela avait déjà été le cas en 2001 à l'occasion d'un match contre l'Algérie (Jacques Chirac avait alors quitté la tribune), puis en 2007 lors d'une rencontre face au Maroc. Avec la Tunisie, voilà donc que le troisième pays du Maghreb imite ses voisins. Il ne s'agit là que d'un constat, duquel il ne faut tirer aucune mauvaise conclusion... Même si les faits étant ce qu'ils sont, il est clair qu'il a de quoi se poser des questions. Ce qu'un joueur tunisien - milieu offensif de Caen- résumait assez bien, hier soir à l'issue du match: "c'est un sifflet général qui est ridicule. Et moi, je ne l'accepte pas. Ceux qui ne sont pas contents, ils n'ont qu'à pas venir au stade. Je trouve cela honteux et je pensais vraiment que [les Tunisiens] allaient être plus intelligents [qu'Algériens et Marocains]. Je peux me permettre de le dire parce que je suis arabe, mais si c'était un Français qui disait cela, on le taxerait tout de suite de racisme. Mais c'est la vérité" a-t-il dit, avec beaucoup de justesse. Il n'en demeure pas moins que, comme le faisait remarquer Pierre Moscovici, invité à évoquer ce fait d'actualité, l'Etat peine à pouvoir lutter contre l'incivisme de certains jeunes.
Dès lors, que fallait-il (ou faut-il désormais) faire? Suspendre la rencontre, comme le proposait François Fillon? Je ne pense pas qu'il s'agisse là de la meilleure des solutions. D'une part, parce qu'elle prive les joueurs, non responsables de ces évènements, d'une rencontre qui doit être l'occasion, comme pour toute rencontre sportive, de véhiculer des valeurs de seine compétitition et de solidarité. D'autre part, parce que cela serait la victoire de cette minorité de pseudo-supporters, qui priverait la grande majorité des autres spectateurs, venus au stade pour faire la fête et partager un moment de bonheur collectif... bien souvent après plusieurs centaines de kilomètres et, pour certaines familles, quelques dizaines d'€uros. Et la décision, prise aujourd'hui par Sarko, de suspendre toute rencontre où la Marseillaise aurait été sifflée, n'est sans doute pas la meilleure. Ne plus organiser un match, même amical, avec ces trois pays, comme le laissait entendre le secrétaire d'Etat aux sports, Bernard Laporte? C'est peut-être la solution la "moins pire", en privant les supporters algériens, marocains ou tunisiens de la possibilité de recommencer ce qui est clairement une insulte à la France. De là à dire qu'il y aurait un lien entre ces manifestations débiles et l'histoire des relations entre la France et ces pays, c'est possible. En tout cas, quelle qu'en soti la raison, il s'agit de provocations qui ne se produisent pas avoir les supporters d'autres équipes! Et là encore, ce n'est qu'un constat. Convoquer le président de la Fédération française, comme l'a fait Sarko avant de partir pour Bruxelles? Sûrement pas. A l'annonce de cette décision, on avait l'impression que le président convoquait un préfet qui n'a pas rempli sa mission et qui serait sommé de s'expliquer. Alors qu'il allait rejoindre le sommet de Bruxelles, pour adopter le plan de sauvetage des banques au niveau de l'UE, il aurait sans doute été plus inspiré de demander à sa ministre des Sports de tenir, dans les prochains jours, une réunion de réflexion. Sans, encore une fois, décider seul et dans la précipitation !
Mais, malheureusement, le politique est un peu désarmé face à ces débordements qui, comme dans l'affaire de la banderolle anti-Ch'tis déployé au Parc des Princes, par des pseudo-supporters du PSG, n'ont pas vraiment de solution. Sauf que, contrairement à ce que pensent certains, il ne faut pas se priver de réfléchir et de trouver des solutions... certes, le fait de ne pas trop médiatiser ces comportements pourrait peut-être avoir un effet, mais les ignorer serait bien plus catastrophique. Et pourquoi pas un "flicage" minutieux des supporters, avec des interdictions de stade sévères à l'encontre de ceux qui seraient coupables de tels actes - et le procureur de Bobigny aurait été saisi par la ministre de l'Intérieur -, ou encore l'installation de caméras de surveillance dans les stades les plus importants - même si l'on peut recourir aux images télé des matchs retransmis -, ne serait-ce que pour éviter d'autres problèmes comme des bagarres entre bandes? Mais, là encore, il va falloir y consacrer des moyens financiers, mais aussi humains (pour encadrer ces manifestations sportives)... pour que les valeurs du sport l'emportent finalement sur des comportements individuels que la justice doit sanctionner, avec la même sévérité que la condamnation morale de nos dirigeants politiques. Leur détermination doit permettre de répondre à ces questions: n'est-il pas nécessaire de porter la réflexion au niveau européen, voire mondial? En cas d'interruption du match, sera-t-il reporté, perdu pour le pays organisateur ou pour le pays dont les supporters sont incriminés?