Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
JES6 - Pour une France Juste, Ecologique et Sociale

Ce blog rassemble mes idées et constitue une modeste pierre pour bâtir une alternance en 2022.

Dominique de Villepin et l'affaire Cleartream

C'est sans aucun doute LE rebondissement politico-judiciaire du moment: alors que la plupart des grands médias annonçaient déjà un non-lieu au bénéfice de l'ancien premier ministre dans cette affaire bien complexe, considérant qu'il n'existait aucune preuve pour poursuivre M. de Villepin, le parquet en a décidé autrement. Alors que le procureur semblait confirmer la possibilité du non-lieu en mai dernier, il a finalement demandé le renvoi du plus médiatique des accusés devant le tribunal correctionnel pour "complicité de dénonciation calomnieuse par abstention". Lequel accusé risque jusqu'à cinq ans de prison ferme. S'exprimant dans un premier temps dans le Parisien-Aujourd'hui en France, parlant d'acharnement (car, "compte-tenu de l'absence de charges (...) vous êtes toujours étonné quand vous êtes innocent d'être victime d'un tel acharnement"), l'ancien ministre de l'Intérieur (car l'affaire date de l'époque où il avait "remplacé", temporairement, Nicolas Sarkozy à ce poste) a réservé un entretien de plus de vingt minutes à Serge Moati dans la cadre de l'émission "Ripostes" de ce dimanche (cliquez sur l'image pour vous rendre sur le site de l'émission). Et Dominique de Villepin de répondre sans détour aux questions du journaliste. Je vous propose donc de revenir à travers trois points - trois thèmes - sur cette intervention, au demeurant fort intéressante.

1- son action au service de la France: à plusieurs reprises à l'occasion de cet entretien, l'ancien Premier ministre rappelle son engagement au service de la France, sa volonté de lui faire jouer le rôle de puissance qui doit être le sien. Et d'évoquer sa vision de la politique, en définissant sa mission de ministre: "Mais de qui se fout-on? Vous croyez vraiment que je n'avais que cela à faire en tant que ministre de l'Intérieur?". Affirmant qu'il a "toujours travaillé avec l'appareil d'Etat", il rappelle qu'un ministre ne s'occupe pas personnellement de tout ce qui arrive au ministère: "c'est le rôle d'un cabinet, que de faire le tri" assène-t-il. Et de dénoncer une méconnaissance du fonctionnement d'un Etat dont il connaît les principaux rouages. Il continue en affirmant être entré en politique "par conviction et par idéal, dépouillé d'amour propre et d'appétit", se fécilitant d'avoir exercé "la plupart des postes auxquels on peut aspirer lorsque l'on fait de la politique". Et il est vrai que les faits lui donnent raison: même s'il n'a sans doute pas perdu tout espoir d'être candidat à la présidence, on peut dire qu'il a occupé des postes plus qu'enviables: secrétaire général de l'Elysée ayant une influence certaine sur Jacques Chirac, ministre des Affaires étrangères avec cette volonté de défendre la place de la France (on se souvient de son intervention aux Nations Unies au début de la guerre d'Irak) ou premier ministre avec cette volonté d'expliquer aux Français la politique menée (par le biais des conférences de presse mensuelles, que François Fillon n'a pas eu la bonne idée de poursuivre).

2- ses relations avec Nicolas Sarkozy: il affirme d'emblée que, voyant le nom de Nicolas Sarkozy inscrit dans les fameux fichiers de l'affaire Clearestream, il en a averti celui qui était alors ministre de l'Economie, lequel semblait visiblement déjà au courant. Pour Dominique de Villepin, justice et médias voulant placer sa relation avec l'actuel chef de l'Etat au coeur du futur procès, il confirme qu'il dira tout sur ces relations qu'ils qualifient de "différentes de celles auxquelles ON pense". Considérant avoir fait avec Sarko de bonnes choses, notamment lorsqu'il occupait Matignon, l'ancien Premier ministre rappelle aussi que cette affaire sera, selon lui, l'occasion de revenir sur les "dix ou quinze dernières années de la vie politique française" et qu'à l'occasion du procès, on comprendra qu'il n'a jamais tenté de nuire à qui que ce soit et que son seul objectif était de faire correctement les travaux qui lui étaient confiés. Ainsi s'offusque-t-il d'être aujourd'hui poursuit pour ce qu'il considère être un "chef d'accusation inventé spécialement pour [lui]": il ne nie pas avoir eu connaissance des fichiers comportant des noms d'hommes politiques mais, n'ayant pas de preuve d'un complot, il n'a pas saisi la justice, se contentant d'en référer à ses partenaires politiques (dont Jacques Chirac). Et M. de Villepin de poser cette question: "Un ministre de l'Intérieur sera-t-il obligé d'aller voir la justice chaque fois qu'il aura une suspicion sans preuves?". Quant au fond de l'affaire, se posant en bouc-émissaire, il attend de savoir qui veut ainsi le salir: alors que Serge Moati l'interroge sur Nicolas Sarkozy comme commanditaire, l'ancien ministre ne nie pas qu'il soit possible qu'on cherche à le discréditer alors qu'une rumeur annonce son arrivée dans un gouvernement de crise. Cependant, il dément avoir demandé à Sarko de lui offrir une telle place, considérant qu'il s'agissait du meilleur moyen pour accréditer la thèse selon laquelle il chercherait à échapper à la justice. Il termine alors en disant: "je n'ai pas toujours été habile en politique, mais je ne suis pas complètement sot".

3- sa vision de l'affaire Clearstream: comme Jacques Chirac au moment de l'éclatement de l'affaire, Dominique de Villepin dénonce la dictature de la rumeur, qui fait que la justice ouvre des enquêtes et bâtit des dossiers à charge à base de lettres anonymes ou d'articles de presse. Sans savoir qui est derrière les révélations, ou les fuites, qui se retrouvent dans la presse. Se disant en colère, parce que son dossier contient quelques incohérences et reposent davantage sur des suspicions plutôt que sur des faits, il ne craint pas d'affirmer que la justice est en danger. Pour être efficace, celle-ci doit être réellement indépendante. Même s'il remercie vivement le ministère de l'Intérieur d'avoir fait le nécessaire pour que cessent les intimidations que sa sécurité avait découvert (et qui, de toute façon, ne le feront pas reculer), il regrette que le chef de l'Etat procède aux nominations aux grands postes de l'Etat en y plaçant quelques-uns de ces amis. Et l'ancien premier ministre d'affirmer qu'un président de la République doit choisir selon deux critères: la compétence et le fait qu'il s'agisse de personnes inattaquables, ne pouvant être soupçonnés de copinage ou de favoritisme. Parce qu'elles sont toutes deux fragiles et manipulables, démocratie et justice doivent reposer sur des bases solides. Il regrette ainsi que le réquisitoire le renvoyant devant le tribunal ait été publié dans la presse, avant même qu'il ne l'ait lui-même reçu à son domicile.

Ma conclusion? J'ai trouvé l'ancien premier ministre particulièrement convaincant, s'exprimant clairement et sereinement, développant de manière pertinente ses positions et sa vision de la vie politique, rappelant son expérience et son envie de continuer à servir la France. Ainsi, après ses interventions sur la stupidité du chef d'accusation et sur le fait qu'il se considère comme le bouc-émissaire d'une manipulation qui vise à l'affaiblir, il affirme que jamais personne ne l'empêchera de poursuivre sa mission de servir la France. Jouant la carte de la transparence, affirmant vouloir tout dire et se disant prêt à débattre avec tout le monde (c'est-à-dire avec Nicolas Sarkozy, partie civile dans cette affaire), l'ancien ministre de l'Intérieur s'est posé en homme d'Etat défenseur d'une justice efficace, en laquelle il continue de croire, et croyant en la nécessité de revitaliser notre modèle démocratique. Et, d'ailleurs, le fait que le public l'applaudisse à l'issue de son intervention - ce qui est tellement peu habituel dans cette émission que M. Moati en a été surpris - , prouve que M. de Villepin a su défendre sa position dans une démonstration pertinente et digne d'un diplomate (mêlant colère, indignation, devoir de vérité et sérénité). Quel qu'ait été son but, il l'a atteint !
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article