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JES6 - Pour une France Juste, Ecologique et Sociale

Ce blog rassemble mes idées et constitue une modeste pierre pour bâtir une alternance en 2022.

Les guerres civiles: une plaie pour l'Afrique

Récemment, dans l'entretien qu'il a accordé à France 3, au soir du 30 juin, Nicolas Sarkozy s'est lancé dans un cours d'histoire sur la construction européenne pour expliquer que l'Europe se soit éloignée des citoyens: alors qu'elle est parvenue à consolider la paix, la démocratie et la prospérité à un continent fragilisé par la guerre et la haine entre les peuples, il considérait qu'elle devait désormais se tourner vers de nouvelles missions en répondant aux défis du XXième siècle. Très bien. Il a, dans sa démonstration, tenu à rappeler que l'Europe avait inventé la barbarie et des formes de violences inhumaines, évoquant la terrible Shoah. Mais sait-il que des actes tout aussi barbares et inhumains continuent d'être perpétrés en Afrique? Quelques jours après avoir entendu ces belles paroles, qui "font président" et qui, au final, ne servent à rien tant les citoyens français les connaissent (c'est finalement parler pour ne rien dire... pour l'avenir, en tout cas !), je lisais les chapitres les plus violents d'un livre que je vous recommandais il y a quelques mois (Le chemin parcouru, d'Ishmael Beah, Presse de la Cité, 18,70€, photo). L'histoire d'un ancien enfant-soldat du Sierra-Leone, devenu citoyen américain et ambassadeur des Nations-Unies pour donner des conférences à travers le monde. Et, aujourd'hui, dans la foulée de ce que j'écrivais dans l'article précédent, je veux vous faire partager quelques extraits qui, relatant des faits qui se sont déroulés au milieu des années 1990, peuvent rappeler l'actualité.

" Dans la journée, au lieu de jouer au football sur la place du village, je montais la garde en fumant de la marijuana et en snifant du brown brown, un mélange de conaïne et de poudre de canon - dont il y avait toujours une bonne quantité sur la table -, et en avalant bien sûr des pilules blanches, auxquelles j'étais devenu accro. Elles me donnaient une énergie incroyable. La première fois que j'ai pris toutes ces drogues en même temps, je transpirais tellement que j'ai ôté tous les vêtements. Mon corps tremblait, ma vision étaot trouble et je n'entendais plus rien. Mais, une fois que je m'y suis habitué, elles ne m'ont plus procuré qu'un mélange d'énergie débordante et de torpeur. Je pouvais rester des semaines sans dormir (...) Quand nous étions à court de vivres, de drogue, de munitions et d'essence, nous lancions un raid contre un camp rebelle installé dans une ville, un village ou dans la forêt. Nous attaquions aussi d'autres villages pour recruter des civils et piller tout ce que nous trouvions. "Nous avons de bonnes nouvelles de nos informateurs. Nous partons dans quelques minutes pour tuer des rebelles et récupérer ce qui en réalité nous appartient" annonçait le lieutenant (...)

Au cours d'un de ces raids, nous avons capturé quelques rebelles après un long échange de coups de feu et un grand nombre de morts chez les civils. Puis nous avons déshabillé et étroitement ligoté les prisonniers. "D'où elles viennent, toutes ces munitions? a demandé le caporal à l'un d'eux. Le rebelle à craché à la fugure de Gadafi, qui lui a sitôt tiré une balle dans la tête à bout portant. L'homme s'est effondré et du sang a lentement coulé de son crâne (...) Nous avons mis le feu aux toits de chaume et sommes partis en emmenant les prisonniers. Les flammes s'élevant des maisons semblaient se tordre de souffrance dans le vent de l'après-midi. Avant notre départ, le lieutenant s'était adressé aux civils rassemblés par nos soins: "Nous sommes ici pour vous protéger et nous ferons tout pour qu'il ne vous arrive rien. Notre boulot est sérieux et nous avons des soldats valeureux déterminer à défendre ce pays. Nous ne sommes pas comme les rebelles, cette racaille qui tue sans raison. Nous, nous les tuons pour le bien de la patrie" avait-il dit en nous montrant (...) Quelquefois, on nous envoyait au combat au milieu d'un film. Nous revenions des heures plus tard après avoir tué des tas d'ennemis et nous nous remettions à regarder le film, comme après un entracte. Notre temps se divisait entre se battre, regarder des films de guerre et se droguer. Aucun moment pour être seul ou réfléchir (...)

Le lendemain, nous nous sommes entraînés à liquider les rebelles (...) Les cinq rebelles ont été alignés devant nous, les mains liées dans le dos, sur le terrain d'exercice. Nous devions leur trancher la gorge au commandement du caporal. Celui dont le prisonnier mourrait le plus vite serait déclaré vainqueur. Nous avions nos baïonnettes en main et nous étions censés regarder notre prisonnier dans les yeux en l'expédiant dans l'autre monde. Je fixais déjà la mien (...) je ne ressentais rien pour lui, je ne pensais pas vraiment à ce que j'allais faire, j'attendais simplement l'ordre du caporal. Le prisonnier n'était qu'un rebelle de plus responsable de la mort de ma famille, comme j'avais fini par m'en persuader. Quand le caporal a fonné le signal d'un coup de pistolet, j'ai saisi la tête du prisonnier et je l'ai égorgé d'un geste souple. Sa pomme d'Adam a cédé sous la lame, que j'ai tournée côté cranté en la ressortant. Ses yeux ont roulé dans leurs orbites et m'ont fixé un instant avant de se figer en un regard effrayant. Il s'est écroulé sur moi en rendant son dernier soupir. Je l'ai repoussé, il est tombé par terre et j'ai essuyé ma baïonnette sur lui (...) J'ai été proclamé vainqueur et nommé "lieutenant des jeunes". Les garçons et les autres soldats qui formaient le public ont applaudi comme si j'avais réalisé un exploit. Nous avons fêté l'évènement en nous défonçant et regardant d'autres films de guerre
 ".

Ces quelques lignes, extraites d'un même chapitre du livre, raconte la deuxième phase de la vie de son auteur: celle qui succède à son périple à travers la Sierra-Leone, après avoir été chassé de son village par la proximité d'une attaque de rebelles, et celle qui précède son intégration dans un programme des Nations Unies. Les pages qui suivent, et qui racontent son passage dans un centre de redressement des jeunes enfants-soldats, situés dans la capitale du pays, sont tout aussi intéressantes: la logique de destruction et la haine qui habitaient ces jeunes (l'auteur à 13 ans au moment des faits) a nourri une bagarre - qui a d'ailleurs coûté la vie à deux d'entre eux - entre jeunes patriotes soutenant l'armée et jeunes rebelles, réunis par des membres de l'UNICEF. Ce témoignage, particulièrement fort, ne fait que relater ce qui se passe encore aujourd'hui en plusieurs points du continent africain. Que s'est-il passé il y a encore quelques mois en Côte-d'Ivoire? Que se passe-t-il toujours actuellement au Zimbabwe ou au Soudan (dans la province oubliée du Darfour)?

Ces guerres civiles, entre membres d'un même pays, continuent de faire des ravages. Et la logique qui les forge est insoutenable: il ne s'agit ni plus ni moins que d'une guerre entre des forces armées gouvernemtales (représentant une tribu exerçant un pouvoir devenu anti-démocratique) et des rebelles souvent de confession différente qui veulent obtenir leur part du gâteau. Il n'est pas question ici de dire que les uns (armée régulière) sont les méchants dictateurs et les autres (rebelles) seraient les gentils cherchant à rétablir la démocratie. Loin de là ! Car les deux camps s'affrontent selon la même logique: dominer l'autre en l'exterminant physiquement, la plupart du temps selon des logiques raciales... insoutenables. Voilà où nous mène ce f
ondamentalisme religieux que je plaçais, dans mon précédent article, en tête des menaces qui pèsent lourdement sur notre monde. A moins que ce ne soit l'indignation temporaire et avant tout médiatique des dirigeants de nos démocraties qui fasse le plus de dégâts !! L'absence du conflit au Darfour dans nos médias ne signifie pas, loin s'en faut, que le problème a été réglé... On en finit par ne plus savoir si les propositions de Bernard Kouchner, qui ne se bat pas au quotidien pour les voir mises en oeuvre, ont été tentées. A quand des hommes avec des c... dans les chancelleries européennes, qui soient capables de remonter leurs manches pour trouver de vraies solutions à ces dangers qui menacent la paix dans le monde?

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