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JES6 - Pour une France Juste, Ecologique et Sociale

Ce blog rassemble mes idées et constitue une modeste pierre pour bâtir une alternance en 2022.

La démocratie ivoirienne? Morte dans les urnes !...

Pourquoi se plaindre? 105% des électeurs ivoiriens se sont déplacés aux urnes pour élire leur Nouveau Président ! 54% ont voté pour Alassane Ouattara et 51% ont choisi le sortant, Laurent Gbagbo. C'est une bonne nouvelle pour la progression de la démocratie dans ce pays !... C'est par cette boutade que l'humoriste Nicolas Canteloup commentait, courant décembre, l'annonce des résultats définitifs de la présidentielle en Côte d'Ivoire. Deux jours après l'annonce de la victoire d'Ouattara, principal opposant au Président sortant, par la Commission Electorale Indépendante (par 54% contre 46% à M. Gbagbo), le Conseil constitutionnel ivoirien invalidait cette annonce pour proclamer "son" résultat définitif: le sortant l'emporte, d'une coute tête, par 51% des voix, contre 49% à son challenger qui, depuis le premier tour, avait fédéré les oppositions au chef d'Etat en place. Depuis, le site Internet de la CEI reste actif et, en page d'acceuil, aucun nouvel article n'a été publié après le 25 novembre, si bien que seuls les "résultats provisoires du second tour" restent accessibles. Le fichier PDF indique, à la ligne "Territoire national et diaspora", un taux de participation de 81,12% et 54,10% des suffrages exprimés (soit 2 483 164 votes) en faveur d'Alassane Ouattara. Un mois et demi plus tard, le pays a toujours deux présidents à sa tête: d'un côté, le Président illégitime et auto-proclamé, qui conserve la main sur l'appareil d'Etat et, chose majeure en Afrique, l'armée; de l'autre, le Président démocratiquement élu et reconnu par la communauté internationale, toujours retranché dans un hôtel d'Abidjan sous protection onusienne.

 

Aujourd'hui, le pays est clairement coupé en deux. La communauté internationale semble le découvrir. Mais, il n'y a là rien de nouveau: le nord du pays, majoritairement musulman et fief des rebelles conduits par Guillaume Soro, a massivement choisi Alassane Ouattara (certains villages allant jusqu'à lui accorder 100% des suffrages... ce qui fait dire à des observateurs que le scrutin n'a probablement pas été clair dans cette partie du pays !); tandis que le sud, bordant l'océan Atlantique et organisé autour de la capitale économique (Abidjan), majoritairement peuplé de chrétiens, a choisi Laurent Gbagbo, parfois tout aussi massivement. Finalement, ce sont deux légitimités qui se font face. Pour trancher le débat, il semblerait presque suffisant de savoir si le nord pèse plus lourd que le sud, ou inversement: et le nom du gagnant découlerait de cette fracture. Observer ce qui s'est passé au cours de la décennie écoulée est suffisant pour comprendre la situation actuelle. Gbagbo, démocratiquement élu en 2000, a accompli une présidence de dix années... au lieu des cinq du seul mandat qu'il ait obtenu du peuple ivoirien. En effet, en 2005, compte-tenu de la situation de guerre civile qui régnait dans le pays, le président n'a cessé de repousser la tenue des élections, avec l'appui d'une ONU qui prolongeait, chaque fois, le mandat de sa force de maintien de la paix. A l'époque, le président, accusé de mener une politique trop favorable à la moitié du pays qui lui était acquise, devait faire face à la rébellion d'Ivoiriens du nord, menés par Guillaume Soro... et dont les mains ne sont pas moins sanglantes que celles de son actuel rival.

 

Succombant à la pression de la communauté internationale, le pays trouvait une solution: en 2003, à l'invitation du président Chirac, les principaux partis de Côte d'Ivoire, le pouvoir en place et les rebelles se retrouvaient autour d'une table pour bâtir ensemble un avenir commun au pays, en s'engageant à rétablir une situation stable, permettant la tenue d'élections libres. Cet accord de Marcoussis déboucha sur un gouvernement dit d'union nationale, le leader rebelle (M. Soro) devenant le Premier ministre du Lintelligent-d-Abidjan.jpgPrésident Gbagbo. Pendant plusieurs années, d'un commun accord, estimant que la situation ne s'y prêtait pas, ils repoussèrent le scrutin jusqu'à décider de sa tenue à l'automne 2010. En réalité, Gbagbo (qui n'hésita pas à réprimer les oppositions à sa réélection contestée, comme en témoigne la une de l'Intelligent d'Abidjan, relayée par Courrier International) n'accepta la tenue de ce scrutin que pour deux raisons essentielles: 1- envoyer des gages à une communauté internationale qui n'avait déjà pas apprécié le report du scrutin précédemment prévu un an plus tôt, à l'automne 2009; 2- épaulé par des conseillers en communication et des sondeurs venus de France, il semblait assuré de l'emporter dès le premier tour (même de justesse). Bref, comme tout bon dictateur africain, il acceptait de se soumettre au vote de ses concitoyens parce qu'il se pensait assuré de gagner, profitant notamment de la division prévisible de ses opposants.

 

Ainsi eût-il beau jeu d'organiser des élections présentées au monde comme libres, pluralistes et totalement démocratiques. Aucune candidature ne fut refusée, si bien que l'opposition partit en effet divisée. Résultats du premier tour: Gbagbo arrive largement en tête, loin devant Alassane Ouattara, arrivé second, mais loin aussi des 50%. Là, la situation se compliqua: si l'opposition parvenait à s'unir, l'addition des scores des anti-Gbagbo du premier tour pouvait donner la victoire à Ouattara au second tour... Il fallait donc trouver une solution. Cette solution, ce fut de faire pression sur les membres de la CEI qui, composée de représentants de tous les partis (suite aux accords de Marcoussis), devait proclamer les résultats. Au final, cette commission a repoussé plusieurs fois la proclamation des résultats, l'un de ses porte-paroles étant même aggressé par les partisans de Gbagbo: venu faire une conférence de presse, pour annoncer la victoire d'Ouattara, on lui arracha ses feuilles de main et des slogans criant à la fraude furent criés.

 

Deux jours plus tard, le Conseil constitutionnel, beaucoup moins indépendant (car composé essentiellement de proche du pouvoir sortant), proclamait la victoire de Gbagbo !! Et ce dernier d'engager un bras de fer avec ses opposants et, surtout, avec la communauté internationale. Le président sortant, désormais auto-proclamé, pouvait dénoncer l'ingérence des Occidentaux ainsi qu'un complot mené par la France... l'ancienne puissance coloniale, accusée de néo-colonialisme... mais dont il a vite oublié quel fût son rôle décisif dans la pacification de la Côte d'Ivoire en 2003 et l'évitement d'une guerre civile qui aurait pu être beaucoup plus sanglante !! La France passait du rang de médiateur pacifiste à celui de puissance ingérente, qui violait la démocratie ivoirienne. Dès lors, le président Gbagbo se drape des habits du parfait démocrate, défendant les lois de son pays ("d'après la plus haute instance du pays, qui applique à la lettre la Constitution, je suis le vainqueur!") et refusant de tomber dans les travers des dictateurs du continent noir. Ainsi, demandait-il, devant la presse étrangère qu'il convoqua (pour assurer sa propagande extérieure?), s'il aurait mieux fait de se faire élire à 80% pour être sûr de ne pas être contesté. De là à déduire qu'il s'est fait élire à 51% (la formule, elle même, démontre la manipulation), il y a un pas facile à franchir. Mais, soyons sage: la situation n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît. Fraudes, il y a eut. Dans le nord comme dans le sud du pays. Le résultat du Conseil constitutionnel n'est pas le bon. Ouattara a probablement gagné, avec un accord moindre que les 54-46 annoncés (compte-tenu des fraudes en sa faveur).

 

Il est surtout regrettable que la communauté internationale ait profité des résultats de la CEI pour se faire la championne d'Ouattara, un économiste libéral (plutôt à droite) et ancien dirigeant du FMI: elle donnait l'occasion à l'autre camp de dénoncer un complet extérieur, fomenté par les Occidentaux, notamment les organisations internationales, pour installer un des leurs ! Le rôle de l'ONU est, certes, de faire respecter les principes démocratiques et de faire en sorte que les scrutins organisés à travers le monde soient transparents et que leurs résultats soient respectés. Mais, à sa fondation en 1945, l'organisation avait surtout pour mission de se poser en arbitre entre deux camps au bord de l'affrontement. Il aurait davantage été de son ressort d'en appeler à la responsabilité des deux dirigeants et de leur demander, avec ou sans aide extérieure, de mener des négociations... Désormais, il est trop tard: l'escalade verbale a atteint un point de non retour. Les propos de Guillaume Soro, affirmant que le président auto-proclamé est passible de la Cour pénale internationale, pour les crimes qu'il a perpertré contre une partie du peuple ivoirien, paraissent excessifs. Dès lors, comment régler le conflit? Intervenir militairement? Assurément non: les Casques bleus et les forces françaises doivent restés sur place pour assurer la paix dans le pays et éviter une éventuelle guerre civile. Partager le pays en deux et créer deux nouveaux Etats? C'est (presque) la solution idéale. Chacun sait, en faisant mine de le nier, que les frontières africaines, tracées à la fin de l'épisode colonial, sont superficielles et ne reposent sur aucune réalité humaine. Force est de constater que, dans nombre de pays africains, il n'existe pas une communauté nationale mais plusieurs communautés, d'ethnies, de langues et parfois de religions différentes... et qu'elles coexisent de moins en moins bien. A l'heure où les habitants du sud-Soudan, chrétiens et animistes, ont décidé, par référendum, de se séparer du reste du pays, arabophone, pour former un Etat un peu plus cohérent, la question se pose de savoir s'il ne serait donc pas préférable de scinder la Côte d'Ivoire en deux et de permettre à tous les habitants de vivre en paix ! Le sort des hommes doit primer !

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