17 Juillet 2011
Il y a quelques semaines (et cela semble déjà une éternité), l'Europe poussait la candidature de Christine Lagarde à la tête du FMI pour qu'un Européen, forcément sensible au sort de la Grèce et des autres pays en difficulté de notre continent, dirige l'institution par laquelle la solution semblait vouloir venir. Aujourd'hui, les pays membres ne parviennent pas à se mettre d'accord sur un nouveau plan d'aide à ce pays sinistré, qui n'en finit pas de sombrer, malgré les plans d'austérité précédents. De là à conclure que les potions que l'ont a fait avaler aux Grecs ont été indigestes au point d'aggraver la santé du malade, il n'y a pas des kilomètres. D'autant que, de l'autre côté de l'Atlantique, la santé du malade américain n'est pas meilleur: atteignant la limite autorisée de son découvert (comprenez le seuil maximal d'endettement prévu par la loi américaine), les Etats-Unis sont dans l'oeil du cyclone et sont menacés par les agences de notation, qui continuent de faire la loi sur la planète finance. Ainsi, si le pays ne réhausse pas son découvert autorisé, les notes vont baisser et les taux d'intérêt grimper: l'administration Obama, coincée par la majorité républicaine à la Chambre (qui prend un malain plaisir à jouer avec le feu), serait contrainte d'engager un nouveau plan de rigueur, s'ajoutant au précédent. Faut-il que nos élites, et les commentateurs, soient à ce point aveugles et enfermés dans leurs certitudes pour ne pas comprendre que les solutions expérimentées depuis plus de deux ans n'ont pas d'efficacité? Va-t-il falloir que le chômage reparte à la hausse (oups, c'est déjà le cas) pour que le gouvernement français comprenne qu'inscrire dans la Constitution l'impossibilité de voter un budget non équilibre ne résoudra pas la situation de la France (qui se dégrade)?
C'est la faute à Bruxelles, se réjouiront quelques-uns. La preuve? Les pays sont tellement désorganisés par cette crise et préoccupés à sauver leurs propres meubles qu'ils ne peuvent s'accorder sur la date d'une réunion extraordinaire du Conseil... finalement fixée au jeudi 21 juillet ! Usons d'une métaphore. L'eau menace de rentrer dans la grande maison "Europe" et chaque locataire préfère surélever ses meubles plutôt que se remonter les manches et construire une digue, même éphémère, autour de la bâtisse avant que l'eau ne rentre ! Ce qui se passe, en ce moment, avec un Président du Conseil européen invisible et inaudible (pourtant, on tend l'oreille !), est dramatique. La belle idée européenne s'envole chaque jour un peu plus. Les responsables politiques en place, a priori europhiles, ne se battent plus, ne semblent plus y croire et subissent. Quand, dans le même temps, les europhobes fleurissent sous des étiquettes électorales qui plaisent à des peuples fatigués d'attendre une solution miracle qui ne vient de nulle part ! Pourtant, l'idée européenne n'est pas encore tout à fait morte. Les plus euro-enthousiastes (dont je suis) refusent la fatalité: moins que l'idée, ce sont les actuels dirigeants européens qui sont en cause... et pire que le mal actuel, les nationalistes ne sont pas la solution. Plus que jamais, le vote Le Pen m'est étranger. Ce qui me fait tenir? L'idée que les gouvernements conservateurs, actuellement majoritaires, vont finir par couler, faute d'avoir résolu une crise car leurs potions libérales aggravent la situation. L'espoir qu'une nouvelle génération d'hommes et de femmes politiques, plus progressistes, finissent par prendre le pouvoir. Le devoir de continuer à se battre pour un rêve européen qui profitera à nos enfants, ces collégiens qui, chaque fois que je leur parle d'Europe ou de Turquie dans l'UE, entament le dialogue, veulent en savoir plus, avancent des arguments. La chose européenne les mobilise et, pour eux, il ne faut pas baisser les bras !
Dès lors, que faire? Aller à rebours de la bien-pensance. Si nous sommes dans cette situation, c'est que les solutions qui nous sont vendues ne sont pas efficaces et que les arguments qui nous avaient convaincu il y a des années étaient bidons, faussés. Ma principale proposition: accélérer l'élargissement et arriver, le plus tôt possible, à l'UE parfaite qui nous permettra de lutter efficacement contre les méfaits de la mondialisation. J'entends déjà les critiques de ceux qui me diront: "Vous êtes fous. Les dix entrants de 2004, l'UE n'a pas fini de les digérer. L'écart entre pays riches de l'ouest et pauvres de l'est étaient trop grands. Il faut stopper les élargissements et procéder à une harmonisation accélérée des 27 déjà entrés". A ceux qui seraient tentés de m'écrire cela, inutile ! Ce sont précisément les discours bien-pensants que j'évoquais plus haut et que je veux combattre aujourd'hui... Alors, prenez plutôt le temps de lire la suite et examinez mes arguments ! Les voici:
1- Quitte à devoir réduire l'écart qui, à l'intérieur de l'UE, existe entre les plus riches et les plus pauvres (je parle des pays, pour l'instant), autant intégrer les pays désireux d'entrer dans l'UE pour ne faire cette opération qu'une seule fois. A quoi bon aider les ex-pays de l'est à rejoindre un niveau de revenus acceptable s'il faut renouveler l'opération, dans 5 ou 10 ans, avec les Etats des Balkans?
2- Plutôt que demander à ces pays non-membres, pour la plupart économiquement faibles (et fragilisés par la crise), de faire les efforts avant d'entrer dans l'UE, faisons un pari fou: laissons les entrer, mettons nos compétences et un peu de nos moyens financiers pour les aider à se réformer. Deux avantages à un tel système: 1- la notion de solidarité s'exprime pleinement en prenant, sous nos ailes, des pays faibles que l'on aide à se "moderniser"... à nos côtés, en non à côté; 2- on freine le développement du sentiment anti-européen qui finit par s'installer, comme en Turquie.
3- Faisons en sorte que tous les Etats du continent européen appartiennent, au plus vite, à l'UE, à l'espace Schengen (libre circulation sans contrôles au frontières) et à l'€uro (pour tous les pays sans exception). Y compris la Suisse, la Norvège... ceux, qui jusque-là, refusaient. Pour les convaincre, un argument: tous unis, nous serons plus forts face aux dégâts de la mondialisation. En construisant une Europe véritablement uniforme (sur tous les plans - ce qui nécessitera un salaire minimum communautaire ou des rééquilibrages fiscaux pour limiter toute forme de dumping intérieur), nous nous donnons une chance de nous protéger des menaces venues de l'extérieur. Ainsi, des droits de douane uniques à toutes les frontières extérieures ou encore une surveillance efficace des côtes face aux migrants illégaux redonneront sens à l'Europe. Il faut que nous nous donnions une chance... et un délai. Disons qu'à l'horizon 2025, cette UE parfaite doit être mise sur pied. En cas d'échec, chaque pays pourra se retirer, regagner sa monnaie nationale... en donnant le poids de la décision aux peuples ! Voyant où en est l'UE, pourquoi ne pas tenter quelque chose?