Le travail contre l'argent facile

C'est reparti pour une deuxième campagne électorale, celle des législatives, qui débute ce lundi, alors que les préfectures départementales ont reçu, tout au long de la précédente semaine, les dossiers des candidats ou de leurs suppléants. Ces derniers ont désormais dix-neuf jours, jusqu'au vendredi 8 juin, pour convaincre, soit de donner au nouveau président la majorité qui lui permettra de gouverner (avec les renforts UDF, ce devrait être encore plus "facile" !), soit de construire un contre-pouvoir (c'est le terme qu'utilisent socialistes et partisans de François Bayrou pour souhaiter que tous les leviers du pouvoir ne soient pas concentrés dans les seules mains de Sarko). Si le résultat n'est pas encore fait, il semble peu probable que tous les partis qui s'opposent à Sarko soient, ensemble, majoritaires dans la nouvelle Assemblée. Preuve en est l'attitude de députés UDF qui considèrent (à juste titre) qu'ils ne peuvent être réélus qu'en se plaçant dans le cadre de la majorité présidentielle: c'est donc plus le poste que l'on occupe, et non les idées et les idéaux, qui guide ces hommes politiques !!

Et pourtant les députés ne devraient pas craindre ce scrutin car ceux des sortants qui perdront leur siège garderont un certain nombre d'avantages (notamment salariaux), leur défaite électorale ne changeant rien à leur situation financière. Les députés non réélus auront donc droit au même salaire que ceux qui les auront battu: et si l'on ajoute à cela la non sanction des absences et l'indexation des salaires des sénateurs sur l'inflation (ce que ces mêmes sénateurs refusent aux autres Français de la France d'en bas, qui se lève tôt), on ne va pas plaindre les élus de la République... comme le montre l'ouvrage dYvan Stefanovitch, paru aux éditions Jean-Claude Lattès en mars, et intitulé Aux frais de la princesse (une enquête sur ce que Marianne appelle, depuis plusieurs années, les fromages de la République).

Dans le même temps, le nouveau président, ses ministres et ses plus fidèles soutiens, continuent d'évoquer cette "valeur travail" à laquelle on oppose l'argent facile, les assités et les profiteurs !! Serait-ce l'hôpital qui se foutrait de la charité? En tout cas, comme dans beaucoup d'autres domaines, l'Etat demande de faire des efforts aux Français, alors que ses représentants (les élus) font bien souvent le contraire. Et pourtant, un consensus de tous les élus, de tous les bords politiques, ne serait pas inutile, ni même impossible à trouver, afin de faire entrer cette morale liée au travail dans le monde politique: pourquoi les parlementaires français (et européens d'ailleurs) ne sont-ils pas financièrement pénalisés lorsqu'ils sont absents des séances plénières ou des réunions de commissions, comme c'est le cas aux Etats-Unis? L'absence d'un non cumul des mandats pour les parlementaires peut apporter une partie de la réponse...

... mais une partie seulement ! Car, si j'en crois un reportage diffusé par France Info la semaine dernière, une société détient l'autre partie: cette entreprise, qui a signé un contrat avec l'Assemblée pour remplacer les fauteuils des députés dans l'hémicycle du Palais Bourbon, considère que les anciens fauteuils, qui étaient en place depuis plus de trente ans, n'incitaient pas à s'y asseoir. On aura tout entendu !! D'autant plus que pour occuper ces nouveaux sièges, plus confortables, les candidats sont moins nombreux qu'en 2002: avec 7550 prétendants pour 577 places, cela représente en moyenne 13 candidats par circonscription (avec 42% de femmes, un record !).

Dans la quatrième circonscription de l'Aisne, quatre des douze candidats sont des femmes: c'est d'ailleurs le cas des deux challengers (de l'UMP et du PS), comme il y a cinq ans, qui vont devoir affronter le député sortant, divers gauche, apparenté communiste, qui brigue un troisième mandat... qu'il a toutes les chances de remporter. Sa popularité à l'échelle locale devrait le sauver face à la vague Sarko qui s'est abbatu sur l'Aisne, département de gauche, qui a choisi le président de l'UMP le 6 mai dernier. Dans sa ville, le député (qui est réélu avec plus de 90% à chaque élection municipale) devra faire face à un score élevé de Sarko (à peine 40%), qui devrait jouer un rôle non négligeable à l'échelle du pays !!

Mais, il n'y a pas que les parlementaires qui ont accès à de l'argent facile: il y a aussi les chanceux, ceux qui décrochent le gros lots de tel ou tel jeu de hasard et qui peuvent arrêter de travailler pour vivre de ces quelques milliers d'€uros, somme que la très grande majorité des Français ne peut même pas espérer avoir un jour sur un quelconque livret d'épargne. Et les slogans de la Française des jeux sont des plus efficaces: regardez les publicités pour le super Loto, écoutez les publicités pour l'Euromillion, et vous comprennez pourquoi certains joueurs s'endettent pour acheter un billet qui leur promet de récupérer tout ce qu'ils ont perdu en quelques mois de grattage. Mais ce qui me révolte le plus, ce sont ces innombrables émissions de télévision (sur les chaînes privées notamment) qui permettent à n'importe qui de raffler l'équivalent d'un semestre de SMIC en trente minutes, pendant que, sur les chaînes publiques, des candidats cultivés et intelligents (autrement dit, qui ont du mérite) doivent gagner cinq émissions consécutives pour empocher moitié moins !! Sans compter les SMS surtaxés pour envoyer la réponse à une question tellement stupide que même un gosse saurait y répondre: voir de grands groupes capitalistes (il n'y a pas d'autre mot) se faire de l'argent sur le dos de téléspectateurs, dont certains (ils sont ultra-minoritaires) s'endettent pour espérer gagner quelque chose dont ils ne verront jamais la couleur, pour fabriquer des pseudo-stars (à qui on fait miroiter le succès d'une grande carrière), me révolte. Il serait temps de faire le ménage dans ces pratiques qui placent l'argent, et non l'homme, au coeur de toute pensée !! Quelle honte !!