10 Juillet 2009
Après le long épisode des hommages et des obsèques de Michael Jackson, les évènements iraniens, doublés d'évènements importants en Chine nord-occidentale, sont revenus sur le devant de la scène politique... et médiatique ! L'investiture de Mahmoud Ahmadinejad pour un second mandat se rapproche et la contestation semble s'essouffler. Mais, prenons garde à trop de simplisme: d'après plusieurs spécialistes de l'Iran, confrontés par Marianne dans son dernier numéro, les évènements de juin ont durement et durablement fragilisé le régime de Téhéran. Un peuple qui n'a plus peur de manifester et de s'opposer à l'ayatollah Khameini, aidé dans l'ombre par des dignitaires plus que jamais divisé à la tête du pays, peut se réveiller et mener... la révolution. La France en sait quelque chose. Mais, l'Iran est toujours au coeur de l'actualité pour une autre raison: une universitaire française, ayant rédigé un mémoire à l'IEP de Lille sur ce pays qu'elle aime au point de s'y être rendue dans le cadre d'une mission de l'IFRI (Institut Français de Recherche en Iran), est détenue pour espionnage. Son tort: avoir filmé une manifestation pro-Moussavi, suite au scrutin présidentiel truqué, avec son téléphone portable et avoir envoyé des clichés par mail à ses amis. Bref, la voilà dépeinte en espionne à la solde de l'étranger qui veut nuire aux intérêts de la nation iranienne... comme pouvaient le faire les journalistes occidentaux, avant qu'ils ne soient expulsés du pays. L'étranger fauteur de troubles: l'argument est connu. Et témoigne de l'existence d'une dictature appeurée par ce que pourraient découvrir une population qu'elle contrôle de moins en moins bien.
Dès lors, pourquoi comparer le régime des mollahs à celui du PC chinois? Parce que le même genre d'argument vient d'être utilisé par les autorités chinoises dans le cadre de la révolte de la minorité ouïgour (et non Yougourt comme a pu le dire, sur France Info, Bernard Kouchner) dans la province du Xinjiang, au nord-ouest du pays. Pour simplifier, ces musulmans turkophones, majoritaire dans cette partie de la Chine, ont été la cible ces derniers jours d'affrontements ethniques (il n'y a pas d'autre mot) avec la majorité Han (les Chinois de souche) en raison de revendications trop importantes. Et c'est là qu'intervient l'argument qui tue: cette révolte des Ouïgours est orchestrée depuis l'étranger par des ennemis de la Chine qui veulent l'affaiblir ! Evidemment. Sauf que, quelques jours après le début des évènements, et la désinformation chinoise s'enclenchant, l'argument a été abandonné. Depuis, cette minorité discriminée, jugée inférieure (sur la base d'arguments dignes du IIIème Reich, contraires aux droits de l'homme et des minorités), est donc violemment réprimée par l'armée (seul moyen de faire taire une contestation). Le tableau montre donc comment une dictature, confrontée à des problèmes internes (au point que le président Hu Jin Tao ne participe pas au sommet du G8 à l'Aquila), tente de les évacuer dans le sang. Le bilan officiel ne fait état que d'une centaine de morts. Chiffre invérifiable. Mais, au fait, tuer des êtres humains, hors période de guerre, sur des critères ethniques, n'est-ce pas la définition d'un crime contre l'humanité? D'autant que, depuis ce vendredi (jour de prière hebdomadaire dans l'islam), les mosquées ont été fermées et surveillées par la police: serait-ce le signe d'une violation des droits fondamentaux de consicence et de culte?
A la lumière de tout cela se pose la question essentielle - que soulève le titre de l'article -: peut-on comparer le régime des mollahs à Téhéran avec celui des communistes de Pékin? Oui et non. Car, donner une réponse sans nuance est ici impossible. Les similitudes, dans le discours et les attitudes des dirigeants de ces deux dictatures, ont été soulignées. L'acharnement à vouloir donner du pays l'image la plus polissée possible en est une autre. Mais, il existe dans le même temps des différences notables: le régime de Téhéran repose sur un consensus religieux qui, en matière politique, est en train de se fissurer; le multipartisme, malgré des élections truquées (pour la première fois, semble-t-il), existe en Iran alors que le PC contrôle toute la vie politique chinoise; la Chine est une puissance émergente incontestable au niveau mondial tandis que l'ancienne Perse aspire à devenir une puissance régionale, qu'elle n'est pas encore (la bombe nucléaire étant évidemment un outil pour y parvenir). Au final, ces divergences l'emportent car, en cette année 2009, les deux régimes ne sont pas aussi solidement ancrés: si celui de Pékin est toujours autant critiqué, il résiste sans trop de problèmes... les JO n'ayant été qu'un épisode ayant fait tremblé les dignitaires, soulagés d'avoir affaire à une communauté internationale si faible ! Par contre, à Téhéran, la division entre les plus hautes personnalités, religieuses ou non, du régime se fait jour. Ce qui, pour l'instant, n'est pas le cas à Pékin où tous les responsables, unis derrière leur chef, ne bronchent pas. Les enjeux y sont trop grands !