Kahn et l'implosion du PS: que faut-il en penser?

2 Octobre 2008

"On me disait que c'est trop facile de commenter l'actualité et de critiquer les décisions politiques assis dans mon fauteuil": c'est par ces mots que Jean-François Kahn (photo), le fondateur de l'hebdomadaire Marianne, a justifié son choix d'entrer politique et de figurer sur la liste du MoDem

(sans doute en première place) pour les prochaines européennes, dans sa région du grand Est. Il annonce ainsi prendre - encore un peu plus - ses distances avec le journalisme, considérant qu'il n'est pas sain pour la démocratie de pouvoir jouer ces deux rôles en même temps. Et, avant d'entrer dans l'arène, il est l'auteur d'un nouvel ouvrage, consacré au Parti socialiste, dont il considère qu'il faut le dissoudre pour laisser la place à deux grands mouvements, l'un centriste associant l'aile droite du PS et le Modem, et l'autre à gauche. Cette proposition, il l'avait déjà avancé il y a plusieurs mois. Cette idée, je l'avais moi-même relayé sur ce blog, en considérant qu'il existait entre les deux ailes du parti des divergences politiques, ce que Laurent Bouvet, professeur à Science-Po appelle "des désaccords profonds sur l'essentiel". Désaccords sur la façon de gérer la mondialisation, de construire l'Europe, de rebâtir nos institutions ou encore de choisir les alliances politiques. Bref, une césure que le référendum sur la Constitution européenne a mis au jour, entre partisans du "Oui" et du "Non". Mais, avant de vous laisser la parole (en vous invitant à poster vos commentaires), je retranscris ici un résumé de la thèse de JFK, paru dans le dernier numéro de Marianne, sous le titre "Delanoë-Aubry, quel pied !".

" Qu'il y ait affrontements entre courants, fussent-ils vifs, n'est pas à mettre au passif du PS. Bien au contraire. C'est un gage de vivacité démocratique là où l'UMP, par exemple, n'est plus qu'un conglomérat bonapartiste voué au culte du chef et que n'agite plus que le clapotis des jalousies opposant entre eux quelques sous-lieutenants (...) Deux démarches sont respectacles parce que cohérentes et même nécessaires. Celle que pore Benoît Hamon, avec Marie-Noëlle Lienemann, Henri Emmanuelli, Jean-Luc Mélonchon et Pierre Larrouturou. Elle esquisse les contours de ce qui pourrait préfigurer la renaissance d'une vraie gauche socialiste dont la République a besoin. Celle qui s'est formée autour de Vincent Peillon, Gérard Collomb, Jean-Noël Guérini, Ségolène Royal, Manuel Valls, Julien Dray et Malek Boutih, qui exprime une volonté "réformiste" (sociale-libérale, diraient ses adversaires) de s'émanciper des dogmes et des anciens schémas.

Mais comment ne pas frémir à l'évocation des deux autres coalitions? Celle des sortants, qui représentent l'appareil, François Hollande compris, inspirée de loin par Lionel Jospin et son clan, privé de Claude Allègre et Eric Besson, incarnée par Bertrand Delanoë (...) et qui bénéficie du soutien des médias bien-pensants, ce qui n'est jamais bon signe, et longtemps, aussi, des préférences affichées de Nicolas Sarkozy. Mais où est le projet? Celle - l'alliance d'éléphants - qui réunit dans un front des contraires et du refus Martine Aubry, Laurent Fabius, Jack Lang et quelques orphelins du FMI (...) Si je n'écoutais que mes réactions coupables de citoyen engagé, je souhaiterais évidemment le triomphe de ces deux montages. Un cadeau ! Alors un boulevard s'ouvrirait devant... autre chose. cette gauche-là, une fois de plus, ne figurerait pas au second tour de l'élection présidentielle. Mais, en tant que républicain et patriote, comment ne pas souhaiter, pour le pays, l'affirmation, enfin, d'une vraie gauche socialiste ou d'un vrai social-réformisme. Ou des deux. "

Il est à noter que, dans le même numéro, cinq socialistes (Ségolène Royal, Michel Rocard, Pierre Moscovici, Manuel Valls et Benoît Hamon) ont accepté de répondre à M. Kahn en rédigeant une réplique à son livre. Ce que d'autres socialistes, Martine Aubry, Bertrand Delanoë ou Laurent Fabius, ont refusé de faire. Et dans leurs textes, ces socialistes affichent une position commune: si le terme "socialiste" n'a plus le même sans aujourd'hui qu'à la fondation du parti, cela ne signifie pas pour autant qu'il n'est pas porteur d'une identité, d'une histoire qu'ils refusent d'ailleurs de renier. Pour eux, le socialisme doit s'adpter au nouveau siècle et doit continuer d'exister. Et plus qu'une scission du parti, c'est le débat d'idées au sein de premier parti de gauche qui doit se poursuivre: pour eux, le PS reste d'abord un lieu de débats, s'opposant à une IMP monolithique, où les militants et les "seconds couteaux" suivent la pensée du chef... quitte à se battre (aussi !) pour les places et les honneurs. Cette réponse unanime des socialistes laisse entendre qu'une dissolution du PS est impensable: reste à savoir s'il s'agit là de la meilleure des solutions pour apparaître crédible auprès des électeurs et parvenir à leur proposer une offre politique alternative et attractive. Pour les responsables socialistes, qui sont actuellement en première ligne, il semble que "Oui", dans la mesure où ils considèrent que cette proposition de Jean-François Kahn ne vise qu'à faire de François Bayrou le premier opposant à Sarko, rôle qui est dévolu au PS actuellement. Alors, simple calcul politique pour relancer le MoDem ou proposition sérieuse pour notre démocratie? A vous de me le dire...

Sachez, par ailleurs, que JFK sera, ce samedi, le premier invité de la seconde saison de "Parlons Net", le premier club de la presse Internet animé par David Abiker. Diffusé notamment sur le site Internet de France Info, ce rendez-vous du début de week-end permet à trois journalistes de la presse en ligne d'interroger une personnalité - des mondes politique, médiatique, intellectuel, économique... - qui n'est pas un(e) habitué(e) des plateaux télé ou des studios radio, pour donner son avis sur l'actualité. Et, à cette occasion, vous pouvez poser vos questions à M. Kahn, nouveau venu en politique, via le forum mis en place par France Info, en cliquant ICI.