Ségolène revalorise la fraternité

Ségolène a fait son zénith. Hier soir, l'ex-candidate à la présidence de la République a rempli la salle parisienne avec un double objectif: d'une part, remercier ses ex-électeurs pour lui avoir fait confiance et rappeler qu'elle avait fait se lever un espoir au sein d'une partie non négligeable du peuple de gauche; d'autre part, montrer qu'elle est, un an et demi après, encore debout, prête au débat d'idées pour se poser en alternative crédible au sarkozysme. En effet, en rassemblant sur son nom plus d'un quart des électeurs, avec un taux de participation parmi les plus élevés au cours du premier tour d'une présidentielle, elle réalisait un score que le PS rêvait d'atteindre et que sans doute aucun autre candidat n'aurait pu dépasser. Ségolène est-elle l'avenir du socialisme pour mener la gauche à la victoire en 2012? Peut-être. En organisant le rassemblement "La Fraternité a son zénith", le mouvement "Désirs d'avenir", qu'a créé Ségolène Royal lors des primaires socialistes de l'automne 2006, prouvait encore une fois qu'il met au coeur de sa démarche les hommes, les liens qui les unissent et les valeurs autour desquelles ils peuvent se retrouver. Et d'ailleurs, le fait que Ségolène dispose d'un site Internet dont l'adresse ne comporte pas son nom est révélateur de sa démarche. Démarche que le rassemblement d'hier soir vient compléter, selon les trois grands principes suivants.

1- à travers ce qui ressemble à un one-woman-show, au cours duquel le public a pu danser sur des musiques rock, la présidente de Poitou-Charente a tenu un véritable discours politique, seule sur la scène et relookée (photo), s'adressant au public telle une candidate. Préparant le congrès à sa manière, avec ses partisans et de manière "trop individualiste" d'après Martine Aubry, elle a justement le mérite de s'éloigner des discussions d'appareil et de chercher à convaincre les gens. Et elle le proclame sans détour: son ambition était de renouer avec la tradition de gauche de "grands rassemblements populaires" où les électeurs et sympathisants de gauche peuvent se retrouver autour des valeurs qui font la gauche. Et en choisissant d'intituler ce rendez-vous "La Fraternité à son zénith", elle remet sur le devant de la scène l'une des valeurs de la République française qui est sans doute la plus négligée et qui, dans notre société individualiste de l'argent, n'a plus véritablement de sens.

2- certes, le rendez-vous était festif: les chanteurs conviés à l'évènement devait réveiller la scène, faire bouger les spectateurs, jeunes ou moins jeunes, dans un élan de fraternité. Mais, ce show - qui lui permet d'occuper, de manière originale, le devant de l'actualité politique du moment - était avant tout un rendez-vous politique. Elle a profité de l'occasion pour rappeler la ligne politique qu'elle a fait émerger pendant les primaires au sein du PS et qu'elle veut continuer à défendre: sur la crise financière actuelle, elle dénonce le décalage insupportable entre les beaux discours du président de la République et les actes. Elle considère ainsi que sa politique, qui a consisté à faire profiter à ses électeurs les plus fortunés de baisses d'impôts privant l'Etat d'une marge de manoeuvre qui aurait été appréciable en ces temps de crise, n'est pas la bonne. Et Ségolène de proposer de fixer des règles strictes au sein du marché: une sorte d' "ordre juste" dans le monde de la finance, en tirant profit des potentialités qu'offre la mondialisation tout en veillant à ce que les richesses produites soient plus équitablement réparties. Elle a enfin profité de l'occasion pour rappeler son attachement au service public, considérant que la Poste ne devait pas être privatisée: derrière les beaux discours de "modernisation pour permettre à l'entreprise de faire face à la concurrence", elle déplore que les futurs actionnaires ne conduisent à des choix qui vont à l'encontre du service qui doit être rendu au public (en terme de maillage territorial, de fréquence des distributions ou encore de prix).

3- invitée du 20 heures de France 2, présenté par Laurent Delahousse, elle a a refusé de répondre à la question de savoir s'il était possible qu'elle ne soit finalement pas candidate au poste de premier secrétaire. Il y a deux semaines environ, elle avait fait savoir qu'elle mettait cette candidature au "frigidaire" pour ne se concentrer qu'au débat d'idées et permettre aux militants de juger du contenu de chacune des motions en course. Tenant ainsi sa promesse, elle rappelle qu'elle a choisi de ne plus parler de ce sujet, considérant qu'il n'aura de pertinence qu'après le vote des militants sur les motions, et que le temps n'est pas encore venu de se partager les rôles. Le seul fait qu'elle tienne l'engagement qu'elle a pris montre qu'elle se démarque des autres socialistes. Ce qui lui apporte un atout majeur pour rester dans la course et espérer réaliser un score honorable lors du Congrès.