Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
JES6 - Pour une France Juste, Ecologique et Sociale

Ce blog rassemble mes idées et constitue une modeste pierre pour bâtir une alternance en 2022.

Benoît XVI en France: un bilan

C'est l'évènement politique et religieux de la semaine, sans doute du mois voire, pour les catholiques français, de l'année: plus de trois ans après son élection, le Pape Benoît XVI effectue, depuis vendredi et jusqu'à demain, son premier voyage officiel en France. Tous les aspects de la visite donnent lieu à débat dans les principaux médias français, les photos des grands moments de cette venue faisant la "Une" des sites Internet des chaînes de télé et de radio, ainsi que des éditions de la presse nationale. Ce qui est parfaitement logique. Ce qui fait polémique, c'est moins la visite et les étapes de cette visite, que l'attitude du président de la République. Certains n'auront pas manqué de souligner que Sarko s'est rendu, en personne, accompagné de son épouse, à l'aéroport d'Orly pour y accueillir le souverain pontife, avant de le retrouver à l'Elysée pour un entretien en tête-à-tête puis une conférence de presse. Bref, tout un cérémonial auquel le dalaï-lama a échappé. Et pourtant, même si le Pape est un chef d'Etat (jamais Sarko ne s'est déplacé à l'aéroport pour accueillir un hôte de cette importance !), il n'en demeure pas moins, comme le chef des Tibétains, un dirigeant religieux. Alors, deux poids, deux mesures? Oui. Et le président semble l'assumer: parce que "la laïcité ne peut pas effacer les racines chrétiennes de la France" [la fille aînée de l'Eglise, selon l'expression consacrée], il est normal que le chef des catholiques soient accueillis avec tant de faste. Dans l'esprit de Sarko.

Car, pour nombre de ses opposants, qui mettent en avant le principe de laïcité, Sarko est avant tout le président de la République française - laïque - et de tous les Français, toute confession religieuse confondue. Personne n'interdit au chef de l'Etat d'être un catholique pratiquant. Bien au contraire. Ce serait justement faire entrave à la laïcité, et au droit qu'à chaque Français de croire ou de ne pas croire en Dieu. Cependant, dans ses fonctions officielles, il ne doit pas être un catholique pratiquant: ainsi, le signe de croix qu'il a réalisé à au moins trois reprises lors des obsèques nationales aux dix soldats tués en Afghanistan était pour le moins déplacé. Que des ministres assistent, à titre privé, à la messe de samedi matin, et y réalisent le signe de croix aux moments opportuns de la cérémonie, c'est logique. Qu'ils se saluent pendant un hommage national, où ils sont avant tout des ministres de la République, ça l'est beaucoup moins. On assiste, en la matière, à une véritable rupture dans la pratique du pouvoir: Sarko a déjà eu l'occasion de s'exprimer à plusieurs reprises sur le thème religieux, affichant d'ailleurs des prises de position pour le moins peu nuancées. Là où la général de Gaulle disait, devant des évêques, que leur France était catholique quand sa République - dont il était alors le premier personnage - était laïque. Là où Jacques Chirac affirmait régulièrement son attachement à cette laïcité qui garantit à chacun une liberté de conscience et de croyance, affirmée depuis la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.

Pour revenir à la visite du Pape, trois temps forts se sont donc succédés: une partie politique marquée par la conférence de presse à l'Elysée, une partie religieuse avec le discours théologique tenu des intellectuels au collège des Bernardins (réouvert, pour l'occasion, au public, après plusieurs années de travaux de rénovation) et, enfin, une dernière partie de célébration du 150ème anniversaire de l'apparition de la Vierge-Marie à Bernadette Soubirous dans une grotte de Lourdes. De cette visite, on retiendra deux choses: la médiatisation de l'évènement avec des émissions spéciales sur France 2 pour permettre aux personnes intéressées de suivre - en direct - la messe du Pape, en plein air, sur l'esplanade des Invalides (photo). Mais, de la rencontre Benoît XVI - Sarko, on retiendra cet échange sur la laïcité. Le fait que les deux hommes aient choisi d'aborder cette question, pour remettre partiellement en cause la laïcité telle qu'elle existe actuellement, révèle que la laïcité à la française est très bien comme elle est. Appelant à une nouvelle "laïcité", le Souverain pontife a salué l'appel de Sarko à une "laïcité positive", "une laïcité qui respecte, qui rassemble [et] qui dialogue". Pour ceux qui n'auraient pas compris le message, le président considère que la laïcité dans laquelle nous vivons, à la limite d'être négative, n'est porteuse ni de respect entre les religions, ni de rassemblement, ni de dialogue. Déclaration qui a entraîné, à juste titre, une levée de bouclier de la part des principaux opposants au gouvernement: de François Bayrou, pourtant catholique pratiquant, à Marie-George Buffet, nombreux ont été ceux qui déplorent que Sarko tienne absolument à ajouter un adjectif - qui ne fait d'ailleurs pas vraiment sens - derrière le concept de laïcité, qui se suffit à lui-même.

Ce qui menace en réalité la laïcité à la française, ce sont les prises de position du président de la République qui semble confondre les sphères publique et privée. Comme le rappelait le socialiste Vincent Peillon, ce midi sur France 2, les concepteurs de la laïcité n'étaient pas des anti-religieux. Et, même si dans une France où le nombre de croyants et de pratiquants recule, ceux qui croient en le progrès humain et dans les sciences sont de plus en plus nombreux, ils n'empêchent pas ceux qui le souhaitent de croire en Dieu. Même si, dans le monde, des horreurs sont perpétrées en son nom. Même si l'Eglise vit selon des principes qui sont en décalage avec la réalité du monde d'aujourd'hui (avortement, contraception, mariage des prêtres, place des divorcees...). Quelles que soient donc les croyances de chacun, il est normal que les citoyens d'une démocratie disposent de cette liberté fondamentale. Tout comme il devrait être normal de voir un chef de l'Etat mettre toute son énergie à en défendre le maintien. Dès lors, est-il acceptable que le président d'une République laïque déclare, lors de son désormais fameux discours de Latran, que "dans la transmission des valeurs et dans l'apprentissage de la différence entre le bien et mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur même s'il est important qu'il s'en rapproche parce qu'il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d'un engagement porté par l'espérance"? Non, évidemment ! Parce qu'elle repose sur le dualisme bien/mal (sur lequel un homme comme Bush base sa politique militaire et diplomatique), cette citation est, à elle seule, l'illustration que le vrai problème vient de Sarko...
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article