10 Mars 2008
Hier, avait donc lieu le premier tour des élections cantonales et municipales ! Et les résultats, globalement conformes (dans leur tendance mais pas dans leur ampleur) aux derniers sondages, confirment une chose: le tiers des électeurs qui entendait profiter de ce scrutin pour lancer un message au gouvernement s'est effectivement saisi de l'occasion pour donner à la gauche en général, et au PS en particulier, un petit coup de pouce, que leurs dirigeants ne manquent pas d'analyser comme un avertissement à Sarko. Et ils ont en partie raison: dans les grandes villes, où les habitants les plus précaires s'étaient laissés convaincre par la stratégie sarkozyenne, en votant à droite le 6 mai 2007, ont montré leur déception face au manque de résultat. Ont-ils eu raison d'exprimer cette colère? Pas totalement. Sauf si l'on considère qu'un maire UMP d'une grande ville, soutenant l'action du gouvernement, ne peut mener que le même type de politique au niveau local... ce qui ne convaint bien sûr pas les électeurs en question, qui revote à gauche. Ainsi, est-ce le cas à Marseille, où le maire est une personnalité d'envergure nationale: les Phocéens les plus modestes, en votant pour le socialiste Guérini ou pour le MoDem, conduit par l'ancien Vert Jean-Luc Benhamias, ont montré leur mécontentement avant de choisir leur maire. Ont-ils été entendu? Pas totalement. Comme prévu (on le disait déjà bien avant le scrutin), les ministres et autres responsables de la majorité se sont félicités d'un raz-de-marée socialiste moins prononcé que prévu ! Alors qu'ils dénoncent tous depuis hier soir ces politiciens qui tirent des conclusions à la place des électeurs, ils étaient déjà arrivés à cette conclusion (en décortiquant les sondages) avant même que les Français ne s'expriment !
Heureusement, et c'est la deuxième leçon de ce scrutin, deux tiers des Français (d'après les plus récentes enquêtes d'opinion) ont voté pour désigner un maire et son équipe, pour choisir un projet et une vision... cet élément expliquant les (ré)élections dès le premier tour de certaines personnalités de droite, qu'ils soient ou non membres du gouvernement. Alain Juppé à Bordeaux, Laurent Wauquiez au Puy-en-Velay, François Baroin à Troyes, Luc Chatel à Chaumont, Eric Besson à Donzère, Xavier Bertrand à Saint-Quentin, Jean-Louis Borloo à Valenciennes. Cet élément expliquant aussi les bonnes surprises dont la gauche peut d'ores et déjà se réjouir: les résultats de Gérard Collomb (brillament réélu dès le premier tour à Lyon face à un Perben qui, sans surprise, n'a pas convaincu !), de Martine Aubry (en très bonne situation à Lille, avec plus de 46% des voix), de Jean-Marc Ayrault et François Hollande (respectivement reconduits, sans surprise, à Nantes et à Tulle) ou encore de François Rebsamen (réélu à Dijon avec l'appui du MoDem) le prouvent. Dans la capitale, la prime au sortant, dont le bilan est jugé positif par la population, a également largement profité à un Bertrand Delanoë en position de force pour aborder un second tour qui paraît déjà gagné, avec l'apport des écologistes. Dans la même logique, la gestion de certaines villes dirigées par la droite, après un basculement inattendu en 2001, est remise en cause, à l'image de Strasbourg dont la maire sortante se trouve en ballotage défavorable. Belle surprise que la reprise de Rouen, dès le premier tour, par une femme socialiste, première adjointe au maire entre 1995 et 2001.
Ces deux constats me ramènent à l'interprétation que je proposait bien avant le scrutin: il apparaît clairement que les Français habitant les grandes villes ou les villes moyennes font plus facilement confiance à la droite pour gouverner le pays, mais se tournent plus aisément vers la gauche pour ce qui est de la gestion de leur quotidien. Certes, la boboïsation des centre-villes y est pour beaucoup ! Mais, il y a d'autres éléments d'explication: dans un monde instable (terrorisme, capitalisme), il semble que les électeurs fassent plus confiance à une droite qui propose des solutions plus compréhensibles que celles d'une gauche qui cherche toujours une certaine cohérence. Pour ce qui est des éléments les plus concrets de notre vie quotidienne (transport, logement...), nos concitoyens préfèrent souvent une gestion de gauche: solidarité des territoires, nouvelle approche environnementale, mantien des services publics et interventionnisme font défaut à une droite qui, régionalement, a été sanctionné en 2004, tant pour sa gestion régionale que pour la politique que menait alors le gouvernement Raffarin. Ce qui me paraît être le meilleur exemple (pour le connaître assez bien) est celui de ma région, la Picardie: la gestion de la région par la droite a été au moins autant sanctionnée par les électeurs (en adhérant à un projet équilibré et moderne d'une gauche alors unie) que la présence de Gilles de Robien sur la liste UMP-UDF.
Et, d'ailleurs, cette désaffection pour la droite au pouvoir dans les grandes villes se retrouve à Amiens, où le même Gilles de Robien, victime du sarkozysme après avoir été un des premiers centristes ralliés à l'UMP, est en situation délicate. Elu en 1989, réélu en 1995 et 2001 dès les premier tour, il n'arrive qu'en deuxième position derrière la liste socialiste de l'ancien président de l'Université de Picardie Jules Verne, Gilles Demailly... et j'y vois deux raisons principales. L'une, purement locale, serait un vote-sanction contre la gestion municipale qui a clairement favorisé le centre-ville: même si les électeurs modestes des quartiers périphériques ne se sont guère déplacés, ils condamnent les grosses dépenses pour piétoniser le centre-ville ou encore installer des vélos en libre circulation... autant de mesures qui visaient, ces tous derniers mois, à conquérir les "bobos" amiénois, friands de telles décisions. L'autre explication serait-elle nationale? C'est possible. Gilles de Robien fait ici les frais de l'instabilité de son positionnement politque: UDF sans l'être vraiment entre 2002 et 2007, membre du Nouveau Centre sans clairement le revendiquer, il n'a pas trouvé meilleur slogan que "Mon parti, c'est Amiens" !
Et, j'en viens à la troisième conclusion que l'on peut tirer du scrutin d'hier: partout où elle était bien faite, la désormais célèbre et sacro-sainte "ouverture" a porté ses fruits. Le candidat socialiste à Amiens ayant, sur ce terrain d'ailleurs, nettement devancé M. de Robien ! Le phénomène trouve sa plus belle expression dans les grandes villes où les deux grandes listes, de droite et de gauche, arrivent au coude à coude: ainsi à Toulouse et Marseille, les listes PS et UMP rassemblent 40% chacune, se qualifiant pour un duel d'où les listes FN, LCR et Verts, affaiblies par rapport à 2001, ne seront que spectatrices. Quant au MoDem, le mouvement d'un François Bayrou en situation délicate à Pau, il réussit à se positionner comme l'arbitre du second tour dans de nombreuses villes: même si la voie centriste ne réalise que rarement des scores similaires à celui de la présidentielle, elle est en mesure de faire pencher la balance... et voilà la quatrième et dernière leçon de l'élection d'hier. Le Mouvement démocrate, qui a glissé à gauche pendant que le Nouveau Centre glissait à droite, maintient une stratégie que commentateurs et opposants politiques, notamment de droite, qualifient, ce matin, d'incompréhensible ! Que le MoDem fasse le choix de se rapprocher de la liste dont le projet lui semble le plus bénéfique à chacune des villes de France, voilà qui déstabilise les hommes politiques qui ne voient dans ce mouvement qu'un réservoir de voix à conquérir quoi qu'il arrive... même si, comme à Paris, Mme de Panafieu fait du pied à Marielle de Sarnez, qui ne voit pas en l'UMP parisienne la chance des Parisiens ! De mon point de vue, la cohérence est plus nettement au MoDem, qui fait le choix de ne donner au vote qu'une envergure locale qu'à l'UMP qui, malgré le même objectif (de façade), méprise un jour ceux qu'elle courtise le lendemain, pour de seules raisons électoralistes !
N'oublions les cantonales, qui ne sont qu'un résumé presque parfait de ce qui vient d'être dit: très souvent, la gauche bénéficie de l'apport des voix de cette partie de l'électorat qui souhaitait sanctionner le gouvernement, tout en obtenant la réélection de ceux des conseillers généraux qui participaient à un exécutif départemental dont les électeurs sont satisfaits ! Notez que cette dernière conclusion vaut également, d'une part, pour les conseillers généraux UMP dont les concitoyens sont satisfaits de l'action et, d'autre part, pour les exécutifs mucipaux des petites communes. Ainsi, à Tergnier, ma ville, les habitants (qui ne se sont pas massivement déplacés !) ont choisi de renouveler leur confiance au maire sortant, sans pour autant rejeté la "nouvelle dynamique" que nous leur proposions. Face à des leaders politiques locaux bien implantés, depuis au moins vingt ans, nous ne faisions que mettre sur le papier les attentes d'une part non négligeable de la population: la liste à laquelle j'ai collaboré réalise 35% des suffrages face à une équipe sortante qui avait l'habitude d'être reconduite avec 90% des voix face à une droite bien molle ! Là aussi, l'ouverture, associant une base de socialistes et des habitants non encartés, favorables au projet que nous avancions, a payé...