27 Septembre 2011
Septembre, c'est le mois de la rentrée. Rentrée scolaire bien sûr. Mais aussi rentrée littéraire: des milliers d'ouvrages s'étalent dans les librairies... En attendant que le monde de l'édition décerne, dans les prochains mois, les prix qui départageront les meilleurs auteurs du moment. Pour l'instant, ce sont les avis des critiques et les performances de vente qui dictent les succès: parmi eux, le premier roman de Marien Defalvard (19 ans), intitulé "Du temps qu'on existait", devrait faire un carton. Ecrit en un an quand il en avait 16, il semble avoir toutes les qualités d'un premier ouvrage. L'auteur, qui a quitté l'école à 16 ans (il était alors en Hypokhâgne, 1ère année de classes préparatoires littéraires), était, samedi soir dernier, invité de l'émission de Laurent Ruquier "On n'est pas couché". Ce soir-là, celui qui est présenté comme LE romancier de la rentrée et l'un des plus grands espoirs de la littérature française, a croisé la route de Ségolène Royal, invitée politique de l'émission, venue vendre son propre livre et expliquer son projet pour la France. A la fin de l'entretien, le jeune écrivain interpelle la présidente de Poitou-Charente; voyez plutôt.
De cet extrait, on retiendra deux passes d'armes. La première à propos de l'affrontement entre les sphères politique et économique: à Marien Defalvard, expliquant que le politique ne peut qu'être un "illusionniste" tant qu'il ne reprendra pas le dessus sur le financier qui mène le monde, la candidate de 2007 montre sa foi dans le combat politique et explique, assez intelligemment, que des alternatives existent à condition que le politique en ait la volonté. Et d'expliquer qu'il vaut mieux que l'Etat dépense de l'argent pour maintenir les emplois dans le pays (y compris au moyen de nationalisation ou d'entrée de le capital des entreprises) plutôt que dépenser ce même argent à verser des allocations chômage aux salariés mis sur le carreau. Ou l'on voit que la prétendante élyséenne a réfléchi aux questions économiques, sans se couper de ce nécessaire réalisme dont tout candidat doit faire preuve.
Deuxième sujet (plus intéressant): le peuple serait-il une masse infantile à laquelle il faut tout expliquer, comme le suggéreraient les politiciens, à écouter l'analyse du jeune romancier? Ce dernier déplorait que Mme Royal, comme nombre d'hommes et femmes politiques, parlent de "pédagogie" dans leur rapport aux citoyens. Pour lui, il existe une contradiction entre le fait de prendre le peuple pour une "créature infantile" à laquelle il faut enseigner quelque chose et faire appel à son intelligence. Dommage que Ségolène Royal n'ait pas pris le temps de lui répondre (visiblement, elle n'avait d'ailleurs pas, à ce moment-là, une réponse à apporter !). Je le fais pour elle. Car, je pense que Marien Defalvard, applaudi par le public, est dans l'erreur. Tout citoyen ne peut pas s'improviser homme ou femme politique, en tout cas au niveau national voire mondial. Je crois que, pour diriger un pays, il faut une masse de connaissances importantes afin de comprendre, sans se tromper, la complexité du monde dans lequel nous sommes. Et, par conséquent, le peuple, a fortiori les citoyens lamdba qui ne s'intéressent à la politique que tous les cinq ans (et c'est tant mieux), a besoin de se faire expliquer, par les "experts" mais aussi les politiciens, cette complexité à travers des raisonnements simplifiés. Il est du rôle du politique de proposer, de façon simple (et non simpliste), le constat de la situation dans laquelle se trouve le pays ainsi qu'une liste de propositions pour la résoudre. Le peuple, ainsi instruit des positions des uns et des autres, choisit le (la) plus à même de changer son quotidien.
Ajoutons qu'il n'y a absolument aucune contradiction entre le fait de vouloir enseigner quelque chose à quelqu'un et parier sur son intelligence. Je dirais même que l'un ne va pas sans l'autre. Ainsi, l'enseignant que je suis travaille, chaque jour, face à une "masse infantile" (autrement dit, des élèves). Mon rôle est de leur transmettre mon savoir et de transformer en propos simplifiés, mais non simplistes, la complexité des phénomènes historiques ou géographiques que j'ai appris à la fac ! Ma mission ne sera pleinement réussie qu'à deux conditions: 1- que mon propos soit clair; 2- que mes élèves soient doués d'intelligence afin qu'ils saisissent le sens dudit propos. Chacun comprendra qu'il est extrêmement compliqué d'expliquer un phénomène à un élève "idiot". Il en va donc de la politique comme de l'enseignement: le responsable politique doit apporter sa connaissance du monde, à travers des propos simplifiés, à un peuple intelligent qui, en s'en saisissant, peut faire un choix (le jour des élections) dont dépendra l'avenir du pays ! Defalvard 0 - Royer 1, non?