1 Juin 2012
J-9: le premier tour des législatives se profile. Les spots de la campagne officielle s'affichent sur les chaînes publiques, tandis que tracts et affiches fleurissent sur les murs de nos villes et villages. En attendant de recevoir les professions de foi, force est de constater que cette campagne législative ne passionne pas. Trois raisons à cela: d'une part, sans une exposition médiatique majeure, elle s'apparente davantage à une élection locale qu'à un scrutin à enjeu national; d'autre part, chaque fois qu'un responsable politique intervient dans les médias, c'est pour nous resservir des arguments réchauffés ("Il faut une majorité pour mener les réformes" côté PS, "Evitons qu'un seul parti n'ait tous les pouvoirs en France" pour l'UMP); enfin, dans de nombreuses circonscriptions, le scrutin des 10 et 17 juin s'apparentent davantage à des affrontements de personnes, de partis, de courants intra-partisans... et non à des combats sur des projets pour le pays et ses habitants. L'exemple absolu de cette mauvaise alchimie concerne la 11ème circonscription du Pas-de-Calais, où Mélenchon et Le Pen s'affrontent à coups tordus, devant les caméras des médias nationaux... qui en redemandent ! Ainsi, dans ce duel à distance (que l'on nous présente comme le 2ème round de la présidentielle), tous les ingrédients d'une mauvaise campagne sont là: les médias nationaux s'enferment dans un duel entre deux personnalités, sans évoquer ni les programmes ni les autres prétendants dans cette circonscription...
Avec cette question (fondamentale?!): les électeurs choisiront-ils celle qui se bat depuis des années pour ce territoire ou un parachuté, non englué dans les affaires locales, qui veut apporter la révolution pour les ouvriers et les déclassés? Résultat: l'affrontement stérile entre deux leaders en quête de publicité et de légitimité (en attendant le coup d'après: la présidentielle 2017, bien sûr !) se résume à des petites phrases. Ainsi, la présidente du FN fait-elle campagne pour son adversaire en distribuant des tracts appelant à voter Mélenchon avec une citation de ce dernier expliquant que les étrangers maghrébins sont nécessaires à l'avenir du pays ! Succès garanti. Y compris quand elle se promène dans les rues d'Hénin-Beaumont et quand, interpellé par un jeune de cette origine aux volants d'une belle voiture neuve à toi ouvrant, elle lui demande, devant les caméras: "L'avez-vous au moins gagné avec votre travail, cette voiture?". Et, aux journalistes qui la suivent, de poursuivre en expliquant que, chaque fois qu'elle entend des propos pro-Mélenchon dans la rue, "c'est un Français d'origine étrangère" qui les tient ! Décidément, ça vole haut !
Autre problème: la gauche part divisée. Car, en plus du leader du Front de gauche, la nouvelle majorité présidentielle propose la candidature du député socialiste sortant (médiatiquement soutenu par Martine Aubry, cette semaine). Et ce que l'ex candidat à la présidentielle craignait pourrait bien se produire: en cas de triangulaire, Mme Le Pen (populaire et légèrement en-dessous des 50%, chaque fois qu'elle s'est présentée dans ce secteur - que ce soit aux municipales, aux régionales, aux cantonales) pourrait s'imposer. Même sans être majoritaire, elle pourrait arriver en tête d'un second tour à trois ! Outre la mésentente entre les partis de gauche (qui explique son éclatement dans certaines circonscriptions), il existe aussi des cas de mésentente à l'intérieur même du PS. Ainsi, dans ma propre circonscription, le député sortant (apparenté PS) René Dosière (célèbre pour ses enquêtes sur l'argent de l'Elysée et les dépenses de l'Etat) se présente, une nouvelle fois, en dissident. L'investiture socialiste, qui lui avait été presque promise avant la présidentielle, lui a été retirée pour être donnée à celui qui, en 2007, l'avait déjà obtenu... et avait donc déjà perdu. Ce candidat, imposé par la rue de Solférino car issu de la diversité (il est vétérinaire, d'origine maghrébine), bénéficie donc du soutien de Mme Aubry... tandis que René Dosière, proche de Hollande, est soutenu, en sous-main, par Jean-Marc Ayrault avec qui il a longtemps travaillé à l'Assemblée nationale.
Outre la guerre interne Hollande/Aubry (à laquelle je ne croyais pas mais qui me semble désormais évidente), les candidatures dans l'Aisne révèlent le manque d'audace de la direction du PS. Ainsi, au nom de règles a priori légitimes (favoriser les candidatures féminines ou issues de la diversité), le parti au pouvoir continue d'investir des candidats qui, vaincus par le passé, n'ont aucune chance de s'imposer. Contrairement à la démocratie américaine, qui élimine les candidats malheureux (en leur disant: "vous avez tenté votre chance; à d'autres d'essayer !"), la démocratie française se satisfait de présenter plusieurs fois aux électeurs un même candidat... comme si, dans cette circonscription, le PS n'avait qu'un seul candidat possible. Pire: la décision d'investiture a été prise à Paris, sans consultation des militants locaux. Ainsi, on impose aux socialistes axonais de faire campagne pour un candidat qu'ils n'ont pas choisi. Ce sont de telles pratiques qui m'ont conduit à profiter de mon déménagement pour m'éloigner du militantisme ! Il en de même dans une circonscription voisine où les trois candidats de gauche (une parachutée compétente imposée par Paris, un ambitieux piloté en sous-main par le député sortant qui ne se représente pas et un "baron local", populaire, investi et intègre) font courir le risque de la faire basculer à droite (alors qu'elle est resté à gauche pendant toute la période 1997-2012 !). Si la gauche n'obtient pas une majorité nette, on en connaît déjà les causes !